Centrale solaire à Crucey, près de Chartres (Eure-et-Loir), en septembre 2012. | ALAIN JOCARD/AFP

Diminuer la consommation énergétique de la France ; lutter contre les émissions de gaz à effet de serre ; augmenter la part des énergies renouvelables, tout en créant cent mille emplois sur trois ans : tels sont les objectifs ambitieux de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, adoptée le 22 juillet 2015 et promulguée le 18 août 2015.

Pour tenir la promesse du candidat Hollande en 2012 de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité française d’ici à 2025 (contre 77 % en 2014) et à 32 % en 2030 la part de l’énergie tirée des énergies fossiles, la fermeture de centrales nucléaires est régulièrement évoquée, mais cela suppose également d’accélérer le développement des énergies renouvelables. Où en est la France dans ce domaine ?

Porter la part des énergies renouvelables à 40 % de la consommation électrique à l’horizon 2030

17,4 % de la production électrique en 2015

Le quota de 32 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale est fixé à l’horizon 2030, soit 40 % de la consommation électrique totale. La quantité d’électricité renouvelable produite depuis 1970 n’a que faiblement augmenté, alors que l’électricité nucléaire a pris une place prépondérante depuis le début des années 1980. Les énergies renouvelables représentaient en 2014 à peine 17,2 % de la production électrique française contre plus de 82,8 % pour le nucléaire.

La production d'électricité en France depuis 1970
en TWh

D’après le Réseau de transport d’électricité (RTE), la part des énergies renouvelables dans la production totale d’électricité en 2015 s’élève à 17,4 %, contre 76,3 % pour le nucléaire et 6,2 % pour l’électricité produite à partir d’énergies fossiles.

Le mix électrique français en 2015
Répartition des filières dans la production électrique française, en %
Source : RTE
L’hydraulique représente 70 % de la production renouvelable

La production électrique d’origine renouvelable est dominée par l’hydraulique, qui représente plus de 70 %. L’éolien et le solaire constituent quant à eux respectivement près de 18 % et 6 % de la production, alors que les autres modes peinent à atteindre 1 %.

La production d'énergies renouvelables en France dominée par l'hydraulique
Part de chaque filière dans la production de 2014, en %

Priorité à l’éolien et au solaire

Les orientations à suivre pour aboutir aux objectifs fixés de réduction du nucléaire et d’augmentation de la filière renouvelable passeront par une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), arrêtée elle aussi par décret. La première PPE, qui doit fixer les objectifs pour 2018 et 2023, n’a pas encore été arrêtée, mais un document préparatoire de cette programmation a été présenté au comité de suivi de la loi le 19 novembre 2015, permettant d’envisager les objectifs suivants :

Pour les trois principales filières renouvelables, la priorité se concentrera sur l’éolien et le solaire, dont la puissance installée doit passer du simple au double, voire ou au triple d’ici à 2023. Avec le scénario le plus élevé, la puissance éolienne installée dépassera celle de l’hydraulique.

Les capacités éoliennes et solaires devraient tripler d'ici à 2023
Puissance installée en 2015 et programmée pour 2018 et 2023 (scénario haut et bas)

Du côté des filières en devenir, l’électricité produite à partir de biomasse solide (bois) est appelée à prendre une place croissante, avec une puissance installée de près d’1 GW à l’horizon 2023. Mais le développement le plus important devrait provenir de l’éolien offshore, dont la puissance installée sera multipliée par 12 d’ici à 2023, pour arriver à 3 GW. La France possède aussi un potentiel énergétique important lié aux courants marins, estimé entre 2,5 et 3,5 GW, ce qui en fait le second en Europe. Les premières hydroliennes ont été raccordées au réseau électrique au deuxième semestre 2015, et la puissance installée envisagée pour 2023 est de 100 MW.

Miser sur l'éolien offshore
Puissance installée en 2015 et programmée pour 2018 et 2023 (scénario haut et bas)

La France en retard en Europe

Dans le classement européen de la part d’énergies renouvelables, la France recule de la 11e à la 16e place, à la fois dans le mix électrique et énergétique entre 2005 et 2014.

Classement des pays de l'UE selon la part d'énergies renouvelables

Malte 24 28 Luxembourg 19 27 Chypre 25 26 Hongrie 21 25 Pays-Bas 15 24 Pologne 20 23 Lituanie 18 22 Rép. Tchèque 16 21 Belgique 22 20 Estonie 23 19 Royaume-Uni 17 18 Bulgarie 17 France 11 16 Grèce 13 15 Irlande 14 14 Slovaquie 7 13 Allemagne 12 12 Finlande 5 11 Lettonie 3 10 Italie 10 9 Espagne 8 8 Roumanie 7 Slovénie 6 6 Danemark 4 5 Croatie 4 Portugal 9 3 Suède 2 2 Autriche 1 1 2005 2010 2014
Sources : EurObserv’ER 2006, 2011 et 2015

Et si la révolution énergétique passait par une révolution citoyenne ?

La loi de transition énergétique pour la croissance verte prévoit :

« L’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises, les associations et les citoyens associent leurs efforts pour développer des territoires à énergie positive. Est dénommé “territoire à énergie positive” un territoire qui s’engage dans une démarche permettant d’atteindre l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale en réduisant autant que possible les besoins énergétiques et dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux. Un territoire à énergie positive doit favoriser l’efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et viser le déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement. »

En d’autres termes, la société civile devient un maillon incontournable du processus pour satisfaire aux objectifs de cette loi. Le Conseil économique et social européen a par ailleurs conclu, dans un rapport en janvier 2015, après l’étude d’exemples européens, que « le déploiement des énergies renouvelables s’effectue tout particulièrement à un rythme plus soutenu dans les Etats membres qui ont donné à leurs habitants la possibilité de lancer leurs propres initiatives énergétiques citoyennes, à titre individuel ou de manière collective », et préconise ainsi aux Etats de faire figurer l’appropriation citoyenne de la production d’énergie renouvelable au rang de leurs priorités.

De nombreux projets collaboratifs ou associatifs ont déjà vu le jour ; l’association Eoliennes en pays de Vilaine s’est constituée autour d’un millier de citoyens qui ont financé à hauteur de 20 % un parc éolien assurant l’équivalent de la consommation électrique hors chauffage de huit mille foyers. Le portail collaboratif VotreEnergiePourLaFrance.fr, mis en place avec la loi de transition énergétique, recense ainsi plus de seize cents « actions » en faveur des énergies renouvelables, initiatives portées par des particuliers, des entreprises ou des collectivités locales.

Des critiques s’élèvent contre cet aspect de la loi qui veut associer citoyens et territoires à la transition énergétique sans pour autant fixer d’objectif chiffré en la matière. L’exemple allemand est éloquent : 51 % des capacités de production d’énergies renouvelables sont directement détenues par les habitants, contre 1 % seulement en France.

Lire la tribune de Frédéric Tiberghien, président du label solidaire Finansol  : « 15 % d’énergies renouvelables produites par les citoyens en 2030 »