Film à 3 h 25 sur Ciné+ Premier

Vincent Cassel et Viggo Mortensen. | METROPOLITAN FILMEXPORT/PETER MOUNTAIN

L’ensemble de l’univers du réalisateur canadien se retrouve dans « Les Promesses de l’ombre », un film de gangsters (dans la nuit du vendredi 29 au samedi 30 avril, à 3 h 25, sur Ciné+ Premier).

Tourné à Londres sur un scénario de Steven Knight, qui avait écrit Dirty Pretty Things pour Stephen Frears, Les Promesses de l’ombre est une histoire de gangsters dont les ressorts semblent familiers  : on y voit une innocente précipitée dans l’univers de la violence, un patriarche du crime confronté à la faiblesse de son héritier. Et pourtant, ce film est un voyage dans le monde de Cronenberg, un monde où le mal et la maladie se confondent, où le corps est à la fois un organisme et une machine – en somme, une version cauchemardesque et poétique de notre vrai monde à nous.

Au début du film, on voit un honnête commerçant, barbier de son état, forcer son fils à égorger l’un de ses clients. Puis, dans un hôpital londonien, Anna (Naomi Watts), une sage-femme d’origine russe, met au monde l’enfant d’une adolescente mourante. Partie à la recherche de la famille du nourrisson désormais orphelin, elle pénètre dans l’antre de Semyon (Armin Mueller-Stahl), un grand-père dont la bonhomie ne cache pas l’infinie cruauté.

Autour de Semyon, il y a le fils qu’il a eu, Kirill (Vincent Cassel), psychopathe sans envergure, et le fils qu’il aurait voulu avoir, Nikolaï (Viggo Mortensen), qui vient d’être embauché comme factotum mais va vite monter dans la hiérarchie du gang.

Obsession

En d’autres mains, il y avait de quoi faire un film banal, et même raté. Comment croire en cette famille russe recomposée à coups d’acteurs allemand, français et américain ? Ce qui aurait pu être une galerie de tronches est ici un trio dissonant, dans lequel les acteurs opposent des présences physiques parfaitement contradictoires  : la masse opaque de Mueller-Stahl, la frénésie vaguement repoussante de Cassel et l’autorité aristocratique de Mortensen.

C’est la deuxième fois consécutive, après A History of Violence, que Cronenberg fait appel à cet acteur. Comme dans le précédent film, Mortensen dévoile progressivement son personnage, l’efficace technicien du crime organisé devient un ambitieux assoiffé de pouvoir. Cette lecture du personnage se fait aussi au sens littéral du terme  : tout son corps est couvert de tatouages, signes de son passé de criminel. L’idée de la modification du corps en fonction des désirs est une des obsessions de Cronenberg. Par le passé, elle a pris un tour fantastique  ; ici, énoncée de façon presque documentaire, elle reste formidablement évocatrice.

Contagion

D’autant qu’elle s’accompagne de l’autre leitmotiv du cinéma de Cronenberg  : la contagion. La promesse du titre original est celle d’une épidémie. Dans Londres, toutes les cultures de virus peuvent prospérer. Les Russes et les Tchétchènes importent leur guerre, et Cronenberg en fait une succession d’affrontements secs et violents. La misère des provinces de feu la patrie du socialisme propulse sa jeunesse dans les bas-fonds des docks.

David Cronenberg joue un jeu dangereux, auquel il s’était déjà essayé avec succès dans A History of Violence  : il respecte les règles du genre – le film de gangsters – et joue avec l’adrénaline des spectateurs, mais il s’astreint aussi à une rigueur qui empêche ceux-ci de n’être que les simples clients dans le peep-show de la décadence.

Les Promesses de l’ombre, de David Cronenberg. Avec Viggo Mortensen, Naomi Watts, Vincent Cassel (GB-Can., 2007, 100 min). Dans la nuit du vendredi 29 au samedi 30 avril, à 3 h 25, sur Ciné+ Premier.