Les deux candidats à l’investiture du Parti démocrate, Hillary Clinton et Bernie Sanders, pendant le dernier débat avant les primaires du 19 avril dans l'Etat de New York. | LUCAS JACKSON / REUTERS

Dès son arrivée sur scène, jeudi 14 avril, pour le dernier débat entre les deux candidats à l’investiture du parti démocrate, on a compris que Bernie Sanders avait envie d’en découdre. Frappant mécaniquement dans ses mains, comme pour s’échauffer avant le match, le challenger de Hillary Clinton savait qu’il s’agissait d’une de ses dernières chances de combler son retard, à cinq jours de la primaire de l’Etat de New York où 247 délégués sont en jeu.

Distancé dans les sondages, qui donnent l’ancienne secrétaire d’Etat largement vainqueur dans cet Etat avec 53 % des intentions de vote contre 40 % pour M. Sanders, ce dernier a lancé ses piques dès sa première réponse dans une salle de Brooklyn chauffée à blanc. A la question de savoir si Mme Clinton a l’expérience et l’intelligence pour devenir présidente, M. Sanders a répondu : « Bien sûr qu’elle les a », tout en s’empressant d’ajouter qu’il doutait de sa capacité de jugement, citant pêle-mêle ses positions en faveur des traités de libre – échange, de la guerre en Irak, « la pire erreur de politique étrangère dans l’histoire de ce pays » et sa proximité avec Wall Street. Elle a répondu que les New-Yorkais s’étaient suffisamment fiés à son jugement pour l’élire deux fois sénatrice et que « le président Obama [lui avait] fait confiance pour être secrétaire d’Etat des Etats-Unis ». Mme Clinton s’est d’ailleurs appuyée à de multiples reprises sur le bilan du président en exercice pour repousser les attaques de M. Sanders.

« Occupée à donner des conférences chez Goldman Sachs »

Tout en jouant la carte de l’expérience, elle a renvoyé dans les cordes son adversaire en se référant à la récente interview qu’il a accordée au New York Daily News au cours de laquelle il a peiné à développer ses arguments notamment sur la politique étrangère et « même sur les sujets qui lui sont chers comme la régulation financière », a lâché perfidement Mme Clinton.

Piqué au vif, M. Sanders a déroulé ses attaques favorites sur la proximité de la candidate avec les grandes banques de Wall Street. Au lieu de réguler le secteur après la crise financière, « Mme Clinton était occupée à donner des conférences chez Goldman Sachs pour 225 000 dollars par discours », a-t-il lancé, accusant son adversaire d’être sous l’influence du lobby financier. « Je me suis opposée au comportement des banques quand j’étais sénatrice », a-t-elle rétorqué. « Oh mon dieu, elles ont dû être ébranlées par cela », a ironisé M. Sanders, demandant si cela s’était passé « avant ou après » avoir reçu ses émoluments pour ses conférences.

Alors que les journalistes de CNN lui demandaient pourquoi elle n’avait pas accepté de publier le contenu des discours qu’elle avait prononcés, la salle a commencé à s’agiter avant que Mme Clinton ne réponde, visiblement gênée, de façon laconique : « Il n’y a pas de problème. »

Sur une autre question sociale, la hausse du salaire minimum, l’ex-secrétaire d’Etat ne paraissait pas non plus à son aise. Elle a ainsi affirmé qu’elle signerait sans hésiter un projet de loi en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure au niveau fédéral. Ce qui a fait bondir M. Sanders : « Je suis sûr que beaucoup de gens vont être surpris d’apprendre que vous avez soutenu cette augmentation », lui a-t-il fait remarquer, alors que Mme Clinton avait du mal à cacher son agacement en tentant de l’interrompre. La position de l’ex-sénatrice de New York sur le sujet a visiblement évolué, car jusqu’à présent elle avait toujours milité pour 12 dollars au niveau fédéral, même si dans certains Etats (comme New York) elle a plaidé pour 15 dollars.

Sanders et les fabricants d’armes

L’embarras a changé de camp sur le thème du contrôle des armes, un sujet crucial dans l’Etat de New York. Mme Clinton reproche régulièrement à Bernie Sanders de n’avoir pas soutenu une mesure visant à permettre de poursuivre les fabricants d’armes, l’accusant d’être entre les mains du lobby de cette industrie. « Nous avons beaucoup entendu le sénateur Sanders à propos de l’avidité et de l’insouciance de Wall Street, mais qu’en est-il à propos de l’avidité et de l’insouciance des fabricants et des vendeurs d’armes aux Etats-Unis », a demandé Mme Clinton, allant jusqu’à tenir pour responsable le laxisme du Vermont pour les armes en circulation dans l’Etat de New York.

En matière de politique étrangère, les positions se sont révélées également très tranchées. M. Sanders a ainsi vivement critiqué Mme Clinton pour son soutien inconditionnel à Israël. « Si notre but est de rechercher la paix, nous ne devons pas dire à Nétanyahou qu’il a toujours raison », a-t-il fait valoir. Alors que Barak Obama a déclaré il y a quelques jours sur la chaîne Fox News que sa gestion de la transition démocratique en Libye avait été l’une de ses plus grandes erreurs, Mme Clinton a tenté de se justifier avant que M. Sanders ne lui lance que les décisions prises dans cette région partaient du même état d’esprit que l’invasion de l’Irak.

La pugnacité de M. Sanders sera-t-elle suffisante pour renverser la vapeur dans cette course à l’investiture ? Rien n’est moins sûr. Même si le sénateur du Vermont sort d’une impressionnante série de huit victoires dans neuf Etats, la bataille de New York s’annonce délicate dans la mesure où il peine à mobiliser au sein de l’électorat noir, qui dans cet Etat pèse plus de 15 % des voix démocrates.