Vue d’artiste de la serre maraîchère commerciale qui verra le jour au début de 2017 dans le 12e arrondissement de Paris. | TOIT TOUT VERT

Produire en grande quantité, en pleine ville, avec peu d’énergie, dans un espace contraint et dans un esprit de développement durable : Lyon comme Paris s’apprêtent à accueillir de vraies fermes urbaines à vocation commerciale.

A Lyon, l’équipe d’ingénieurs, urbanistes et architectes de la Ferme urbaine lyonnaise (FUL) travaille depuis deux ans à un projet de ferme verticale abritant une production hors sol de salades, répartie en plateaux techniques superposés. Encore au stade du prototype, ce projet doit prochainement être testé dans un site pilote sur le campus de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon pour affiner les solutions innovantes de production imaginées par ses créateurs.

A Paris, ayant passé ce stade, la start-up Toit tout vert est, elle, en train de mettre la toute dernière main à son projet de ferme urbaine, sous serre et sur un toit. Cette exploitation de quelque 1 500 mètres carrés doit voir le jour au début de 2017 sur la toiture d’un bâtiment de Paris Habitat, dans le 12e arrondissement de Paris. Elle amorce le mouvement de végétalisation des 47 sites pour lesquels la mairie de Paris a lancé, jeudi 14 avril, un appel à projets portant le nom « Parisculteurs ».

Jardins partagés et potagers, qui apportent un peu de verdure et quelques fruits et légumes aux personnes les cultivant ou aux adhérents des associations les exploitant, ont ouvert la voie au développement de l’agriculture urbaine dans l’Hexagone. Depuis deux ou trois ans, cependant, les projets avec une dimension commerciale tendent à se multiplier. Déjà, grâce à ses cultures végétales sur les toits des Galeries Lafayette, l’entreprise Paris sous les fraises approvisionne la gastronomie de luxe ; dans les sous-sols de Rungis (Val-de-Marne), La Boîte à champignons fait pousser sur du marc de café récupéré des pleurotes, là encore très prisées des chefs étoilés ; sur la dalle d’un immeuble mitoyen du Pullman tour Eiffel, Topager cultive fruits, légumes et autres plantes aromatiques pour la brasserie Frame de l’hôtel…

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Ni stockage ni réfrigération

« Cueillis à maturité, nos produits seront livrés par tricycle électrique dans la journée »

A la différence de ces projets déjà en activité, Toit tout vert ne vise pas une niche et veut s’adresser au grand public, en proposant des produits de qualité à des prix inférieurs au bio. Bien sûr, la start-up ne proposera pas toute la gamme des fruits et légumes que l’on trouve au marché. Sur un toit, pour des questions de résistance, il n’est pas possible de cultiver des espèces trop gourmandes en terre.

L’offre, travaillée avec l’équipe du centre régional d’innovation et de transfert de technologie horticole de Rochefort-sur-Mer (Charente-Maritime), sera néanmoins variée et évolutive au gré des saisons. « Et selon les goûts des clients, précise Philippe Le Borgne, un des fondateurs de Toit tout vert. Non OGM et cultivées sans pesticide, les semences seront choisies pour leur goût et leur qualité nutritionnelle, non pour leur calibrage, leur couleur ou encore leur capacité à résister au transport sur de longues distances. Cueillis à maturité, nos produits seront livrés par tricycle électrique dans la journée. Il n’y aura ni stockage ni réfrigération. »

Une partie de la chaleur nécessaire à la culture des fraises, salades, tomates, concombres, courgettes, champignons et plantes aromatiques sera fournie naturellement par dissipation de la chaleur venant de l’immeuble. Constituant une importante biomasse installée en toiture, la serre contribuera, elle, à réduire les îlots de chaleur du quartier, par l’évapotranspiration des plantes. Reste, bien sûr, à mesurer, une fois la serre en activité, à quel niveau elle y contribuera. « Une chose est sûre, nous serons obligés d’évacuer cette humidité, ne pouvant en garder trop dans la serre », explique Philippe Le Borgne, qui précise que les fruits et légumes cultivés consommeront, durant leur croissance, dix fois moins d’eau que les cultures conventionnelles en plein champ. En circuit fermé, l’eau qui ne sera pas utilisée par les plantes sera en effet récupérée et réinjectée.

Révolution urbanistique

Paris s’est fixé l’objectif d’atteindre 100 hectares végétalisés d’ici à 2020

Un tel projet ne verrait peut-être pas le jour si la Mairie de Paris n’avait pas décidé de faire évoluer son plan local d’urbanisme (PLU). Eriger une serre sur le toit d’un immeuble est de fait considéré dans la plupart des villes comme un étage supplémentaire. Avec le nouveau PLU, la serre de Toit tout vert ne sera plus qu’un équipement technique, à l’instar des serres en plein champ.

« C’est une vraie révolution urbanistique, un signe fort en faveur du développement de l’agriculture urbaine, se félicite Christine Aubry, chercheuse à l’Institut national de recherche agronomique (INRA) et professeure à Agro Paris Tech. Lancé par la ville de New York, ce type de disposition vient faciliter l’installation de projets de fermes urbaines qui ne sont plus dès lors susceptibles d’entrer en concurrence avec des projets de logements, commerces ou bureaux. »

Paris, qui s’est fixé l’objectif d’atteindre 100 hectares végétalisés d’ici à 2020, espère une multiplication de ce genre de projet grâce à Parisculteurs. Sur les 47 sites mis à disposition et identifiés sur le patrimoine de la ville, des bailleurs sociaux mais aussi de partenaires, 18 – des toits et des murs – sont réservés à la végétalisation, et 29 – représentant 4,5 hectares – sont consacrés à l’agriculture urbaine.

« Nous sommes ouverts à tous types de projets, lesquels pourront prendre la forme de serres, de potagers, de vergers, de pépinières et utiliser différentes techniques, cultures en bac, en hydroponie, aquaponie… », précise Pénélope Komitès, adjointe socialiste de la maire Anne Hidalgo chargée des espaces verts, de la nature et de la biodiversité, qui espère, dès 2017, les premiers signes de « métamorphose de la ville ». Start-up, paysagistes, agriculteurs, architectes, artistes, mais aussi associations (pour des jardins partagés ou des chantiers de réinsertion) ont jusqu’au 4 juillet pour constituer leur dossier.

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