Au fil des mois, le dossier grec est devenu le cas d’école pour aborder l’Europe et ses dysfonctionnements. Rien d’étonnant, donc, à ce que le débat entre Daniel Cohn-Bendit et Yanis Varoufakis, organisé dimanche 27 septembre dans le cadre du Monde Festival sur le thème « L’Europe a-t-elle tué la gauche ? », débute par une question sur le pays et les conséquences de l’application du mémorandum du 13 juillet : « Quelle sera la situation de la Grèce dans deux ans ? »

Premier sourire de l’ancien ministre des finances grec. « Si l’accord est mis en œuvre en l’état, le futur ne sera que la continuité de ce que l’on constate aujourd’hui. » Et l’économiste de rappeler son opposition au texte conclu au terme de longues heures de discussion entre l’exécutif grec et les dirigeants européens, et de souligner que, dans tous les cas, le premier ministre, Alexis Tsipras, ne tiendra pas ses promesses – vis-à-vis de ses concitoyens ou des créanciers.

Première réaction de l’ancien député d’Europe écologie-Les Verts au Parlement européen : « Théoriquement, Yanis a raison, politiquement, il a tort. » Lui aussi partage l’opinion que le gouvernement grec, sous pression, ne peut pas mettre en place les réformes dans les délais imposés. Lui aussi déplore les logiques contradictoires des différents Etats membres de la zone euro. Mais Alexis Tsipras a dû faire « face à un choix cornélien » : accepter l’austérité ou sortir de la zone euro. « Si certaines des réformes sont réellement adoptées, il y aura une possibilité de réduire la pression du mémorandum. La Grèce ne terminera pas dans deux ans avec le même poids de la dette qu’aujourd’hui », clame-t-il.

« Les forces politiques ont abdiqué »

Puis, « Daniel » et « Yanis » ont fait du « Cohn-Bendit » et du « Varoufakis » à grand renfort de phrases-chocs et d’expressions savoureuses saluées par les applaudissements de la salle. « Arrêtons ces négociations entre gouvernements qui ne font que chatouiller les égoïsmes nationaux ! », lance le premier. « Nous ne sommes plus une nation souveraine », tance le second en référence au contrôle de la « troïka » sur le budget du pays.

Derrière le cas grec, le véritable enjeu de ce débat a été celui de l’avenir d’une Europe aujourd’hui « paralysée ». L’ancien leader du mouvement étudiant de Mai 68 est fermement partisan d’une solution fédérale. Une proposition qui ne semble pas déplaire à M. Varoufakis : « Si l’on veut créer des Etats-Unis d’Europe, il faut donner de la souveraineté au Parlement européen. » Pour lui, l’Eurogroupe – réunion mensuelle des ministres des finances de la monnaie unique – a pris le dessus sur les autres instances de l’UE. Même constat pour M. Cohn-Bendit, qui souligne que cette instance est non démocratique et qu’il est aujourd’hui impossible de remettre en cause les décisions prises en son sein : « Mais le problème ce n’est pas le Parlement, ce sont les forces politiques qui ont abdiqué. »