A l’Olympique de Marseille, le quotidien est aussi mouvementé que les tourbillons de mistral. L’OM, c’est un modèle réduit de sa ville, où les relations sont aussi variables que la température de la Méditerranée : un jour chaudes, puis le lendemain glaciales. Depuis la reprise du club, en 1996, Robert Louis-Dreyfus et sa famille ont été en plein cœur du maelström marseillais.

Vingt ans après l’arrivée de « RLD » aux commandes de l’OM, l’histoire atteint son dernier chapitre. Margarita, héritière du club depuis la mort de son mari, en 2009, a annoncé mercredi 13 avril la mise en vente de l’OM : « Je comprends la frustration de ne pas voir l’OM pouvoir être compétitif à ce niveau et je vous informe que j’ai pris la décision de céder le club au meilleur investisseur possible pour le long terme. » Au lendemain de la nouvelle défaite des Phocéens à Monaco dimanche (2-1), qui enfonce encore un peu plus le club dans la crise, le nom du futur repreneur agite la cité phocéenne.

2007, l’épisode Kachkar

Cette officialisation donne enfin corps à une cession du club qui couvait depuis des années. En 2007, l’histoire entre Robert Louis-Dreyfus et l’OM était déjà passée à deux doigts de la rupture. Condamné en 2006 à trois ans de prison avec sursis et à 375 000 euros d’amende – finalement réduits en appel à dix mois de sursis et 200 000 euros d’amende – pour abus de biens sociaux dans le cadre d’une affaire de transferts aux commissions occultes entre 1997 et 1999, le propriétaire du club avait souhaité mettre les voiles.

Le divorce n’avait été évité que grâce à une duperie de Jack Kachkar, un homme d’affaires canadien, finalement sans le sou. Robert Louis-Dreyfus, croyant avoir trouvé chez le Nord-Américain un sérieux repreneur pour 115 millions d’euros, avait finalement dû annuler la vente, à cause d’un manque de fonds du candidat, et des zones d’ombre sur sa fortune. Au terme de cette négociation ubuesque, Kachkar avait été condamné à dix mois de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende. Se disant toujours désireux de vendre le club, le propriétaire de l’OM n’avait par la suite pas trouvé de successeur fiable pour investir, refusant même une offre dubaïote en 2008.

Margarita, héritière contrainte

Margarita Louis-Dreyfus, le 9 novembre 2014. | MIGUEL MEDINA / AFP

Finalement, comme dans une tragédie, ce sera la mort de RLD qui mettra fin à sa relation avec l’Olympique de Marseille. Emporté par une leucémie en 2009, le businessman aura préféré ne pas vendre, que mal vendre. A sa mort, le sort de l’OM est incertain. C’est d’abord Jacques Veyrat, président du groupe Louis-Dreyfus, gérant l’ensemble des activités de la famille, qui est pressenti pour reprendre le club. Mais encore une fois, rien n’aboutira de ces tergiversations. C’est Margarita, la veuve de RLD, qui héritera du bébé.

Dans son testament, Robert Louis-Dreyfus a fixé le prix de vente de l’Olympique de Marseille à 150 millions d’euros. Les années suivant sa mort, personne ne se manifeste sérieusement. Contrainte d’entretenir sa relation avec le club,  « MLD » goûte aux victoires, qui avaient échappé à son mari. En 2010, l’OM redevient champion de France, après dix-huit ans de disette. Un an plus tard, dans les colonnes du Monde, celle que les Marseillais surnomment « la Tsarine », pour ses origines russes, se dit « libre de vendre l’OM demain ».

Alors que les émirs du Golfe se sont emparés du PSG, la propriétaire du club marseillais dresse un constat qui illustre son rapport pour le moins distant avec le milieu du foot et son club : « Je n’ai pas des moyens illimités comme le Qatar ou comme avait peut-être Robert. Robert dépensait son argent par amour de l’OM ; le Qatar,pour le business. Mais moi, je ne suis ni Robert ni le Qatar. »

2014, la piste Al-Walid

Dans les années qui suivent, l’OM n’est pas officiellement mis en vente, mais des rumeurs sporadiques soufflent dans l’air marseillais. En 2014, l’une d’entre elles provient de la péninsule Arabique. Le 24 novembre, L’Equipe fait sa « une » sur une possible reprise du club par le prince saoudien Al-Walid, 35fortune mondiale. Mais, à nouveau, le soufflet retombera rapidement.

Le prince saoudien Al-Walid, le 1er juillet 2015. | FAYEZ NURELDINE / AFP

Finalement, les choses commencent à se matérialiser en 2015. Les pistes de possibles investisseurs se multiplient. Comme s’il parlait de l’homme qui a vu le yéti, Didier Poulmaire, avocat ayant géré les intérêts de Laure Manaudou ou encore Yohan Gourcuff, déclare dans L’Equipe du 1er mars 2016 connaître un investisseur américain intéressé par la reprise du club.

Tempête de rumeurs

Mais c’est depuis le communiqué officiel de MLD que la vente de l’OM commence à se dessiner précisément. « Nous savons depuis deux semaines qu’il y a deux pistes très sérieuses, confie Luc Laboz, le chargé de communication du club. Mais pour avoir des informations, il faut demander à Margarita Louis-Dreyfus. »

Il n’en fallait pas plus pour alimenter les potins dans Marseille. Les noms des futurs repreneurs viennent aujourd’hui du Golfe, de l’Inde, des Etats-Unis, voire de Marseille même. Le 12 avril, le journal La Marseillaise annonçait que selon une source interne du club, l’homme d’affaires marseillais Xavier Giocanti, également mari de Christine Lagarde, était candidat avec Eric Cantona comme directeur sportif.

Invité de l’émission « C à vous » mardi 12 avril sur France 5, « Canto » a démenti, en assurant que « la page foot est complètement tournée ». Avant toutefois d’ajouter, en bon personnage provençal, « l’avantage quand vous êtes un personnage public, c’est que même les vérités, on peut les faire passer pour des rumeurs, on ne sait jamais où est la vérité ». Les rumeurs n’ont pas fini de souffler sur Marseille.