De ce côté de l’Atlantique, le monde des affaires a suivi avec passion le psychodrame du mariage avorté entre Orange et Bouygues. Ce dossier refermé, il faudrait peut-être s’intéresser de nouveau à Internet, le meilleur ennemi des opérateurs de télécommunications. En dix ans, le réseau a apporté un relais de croissance exceptionnel et en même temps des concurrents redoutables qui ne rêvent que de détruire le modèle économique des géants du téléphone. En Amérique, la bataille a déjà commencé.

D’où l’intérêt d’ATT et de Verizon, les deux poids lourds du secteur aux Etats-Unis, pour les contenus. Le premier a dépensé 50 milliards de dollars (44 milliards d’euros) pour s’offrir le distributeur de télévision payante DirecTV, et le deuxième a acheté l’ex-gloire de l’Internet AOL et s’intéresse de très près à Yahoo!, autre star sur le déclin, qui ne s’est jamais totalement remise de l’arrivée de Google sur ses terres. Il est donné comme favori, face notamment à des fonds d’investissement. Une opération estimée autour de 10 milliards.

Pour Verizon, cette extension du domaine de la lutte est essentielle dans la construction de son identité. La société est, comme ATT, issue du grand chambardement décrété par l’Etat américain dans les années 1980, quand il a libéralisé le secteur et donné leur autonomie aux compagnies régionales de téléphone. Verizon, qui puise ses racines dans la compagnie de la Côte est Bell Atlantic, s’est ensuite développé dans le mobile, devenu aujourd’hui sa première source de revenu. Le fixe ne représente plus que 30 % de son chiffre d’affaires et 7 % de ses profits. Depuis une semaine, cette activité est, de plus, confrontée à une grève dure de près de 40 000 employés concernant les rémunérations et les conditions de travail.

Avertissement

Mais, comme en France, la croissance du mobile appartient, à son tour, au passé et les marges s’amenuisent. D’où l’offensive Internet. Objectif : développer une offre de contenu face aux appétits des Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA). Dans l’information ou le divertissement, et dans le paiement ou le commerce.

Ce goût très « vintage » de Verizon pour les stars des années 1990 sera-t-il suffisant pour contrer cette lame de fond ? Probablement pas. On ne voit pas pourquoi Yahoo! s’en sortirait mieux au sein d’une énorme structure gérée depuis New York que seul dans son fief de Californie. Mais cette agressivité sur le territoire du Net est un avertissement. Depuis quatre ans, ATT et Verizon sont les plus gros investisseurs en capitaux des Etats-Unis, largement devant des rois du pétrole comme Exxon, et ils ne s’arrêteront pas là. Car, s’ils veulent stopper l’érosion de leur activité, il leur faudra prendre pied dans le domaine le plus dangereux pour eux, celui des messageries, où Facebook règne en maître à coups de milliards. Pas facile de courir après son identité, quand elle change perpétuellement de forme.

Aux Etats-Unis, les communications téléphoniques pourraient être affectées par une grève chez Verizon
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