Une dizaine d’« incidents », selon la terminologie militaire, se sont produits dans la zone frontalière de la bande de Gaza en quarante-huit heures. Une situation sans précédent depuis la dernière guerre qui ravagea le territoire, à l’été 2014, causant la mort de près de deux mille cent Palestiniens, dont une majorité de civils, et de soixante-treize personnes, dont soixante-sept soldats, côté israélien.

Ce spectaculaire regain de tension entre l’armée israélienne et les activistes du Hamas, qui gouverne cette langue de terre soumise à un blocus, s’explique par les efforts de l’Etat hébreu pour localiser et neutraliser des tunnels d’attaque. Ceux-ci pourraient servir à conduire des raids souterrains vers une communauté frontalière israélienne, entraînant une possible prise d’otages, soit le cauchemar des autorités. Ces zones d’habitation ont été déclarées fermées à titre temporaire.

Le 18 avril, l’armée avait annoncé la découverte de l’un de ces tunnels, dans le sud de la bande de Gaza. Jeudi matin, l’entrée d’un second a été repérée, à l’intérieur de la zone tampon. Sa profondeur est de 28 mètres, son débouché inconnu. Les incursions israéliennes — dans un rayon limité à 100 mètres, assure l’armée — ont entraîné une réplique du Hamas, dont l’un des atouts les plus redoutables se trouve actuellement menacé.

Personne ne veut perdre la face

Une série d’obus de mortier ont été tirés, sans aucun blessé côté israélien. L’aviation y a répondu en bombardant dans la nuit, puis dans la journée de jeudi, des cibles liées au Hamas, notamment près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Une Palestinienne de 54 ans aurait été tuée. Selon l’agence de presse palestinienne Ma’an, plusieurs autres personnes ont été blessées.

Le bilan de part et d’autre semble indiquer que les deux camps ne cherchent pas l’escalade. Mais leurs intérêts sont diamétralement opposés sur la question des tunnels, et personne ne veut perdre la face. « Nous ne tolérerons pas un retour à une routine de tirs et de tentatives pour porter atteinte aux civils et aux soldats, a averti jeudi soir le ministre de la défense israélien, Moshe Yaalon. Nous agirons de façon agressive et avec une main de fer, comme nous l’avons fait ces dernières vingt-quatre heures, contre les organisations terroristes, dont la direction du Hamas, qui est responsable des tirs [contre les soldats israéliens] et de ce qui se passe à Gaza. »

Pendant plusieurs jours, des experts israéliens doivent étudier les caractéristiques du tunnel découvert, avant de le détruire. Mais l’armée dispose déjà, semble-t-il, de beaucoup d’informations. Le Shin Bet a révélé, dans la journée de jeudi, qu’il avait recueilli des indications précieuses sur la localisation des tunnels grâce à Mahmoud Atuna.

Cet activiste du Hamas, âgé de 29 ans, a été arrêté courant avril alors qu’il traversait la frontière vers Israël, armé de deux couteaux. Il aurait admis au cours de son interrogatoire sa volonté d’attaquer des civils et des soldats. Une opération assez étrange, vu la difficulté de traverser la zone tampon, extrêmement surveillée par l’armée israélienne. Selon le Shin Bet, Mahmoud Atuna est un membre de la branche militaire du Hamas, les brigades Al-Qassam. L’essentiel de son activité aurait été consacré au réseau de tunnels.

Les tunnels, enjeu fondamental

« Atuna a fourni des informations détaillées sur les trajectoires des tunnels dans le nord de la bande de Gaza, les méthodes de construction du Hamas et la façon dont le Hamas utilisait des domiciles privés et des bâtiments publics pour cacher les tunnels », a expliqué l’armée dans un communiqué. Le militant aurait donné beaucoup d’indications sur les lieux de forage des tunnels d’attaque vers Israël, mais aussi sur le réseau souterrain dans la bande de Gaza, qui s’étendrait « dans des zones de repos, des douches, des zones de restauration ». Après l’annonce de la découverte d’un premier tunnel d’attaque, le 18 avril, le premier ministre Benyamin Nétanyahou avait surtout insisté sur la « percée technologique » dont bénéficiait l’armée dans la détection.

L’enjeu des tunnels est absolument fondamental pour les deux parties. le Hamas dispose d’un stock de roquettes limité en nombre et surtout en précision. Le système Dôme de fer, développé par les Israéliens, a fait ses preuves pendant la dernière guerre. Le réseau des tunnels et la menace qu’ils laissent planer sur Israël étaient un atout important. Israël avait justifié l’opération « Bordure protectrice », au début de juillet 2014, par la nécessité de détruire les tunnels d’attaque creusés de Gaza. L’armée en neutralisa trente-deux au total. Mais personne ne sait combien demeurèrent intacts, ou furent creusés pendant les deux années suivantes.