Parti d’une, deux ou trois bâtisses qui totalisaient entre 200 et 400 mètres carrés, le château Diter en fait aujourd’hui plusieurs milliers. | CHATEAU DITER

Jeudi 12 mai, le riche homme d’affaires Patrick Diter a vécu de pénibles heures. Au tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes) se jouait l’avenir de l’œuvre de sa vie : un palais Renaissance aux allures toscanes, édifié « de [ses] mains » entre 2000 et 2012 dans les collines de la ville.

Parti d’une, deux ou trois bâtisses qui totalisaient entre 200 et 400 mètres carrés, l’ensemble en fait aujourd’hui plusieurs milliers et risque d’être démoli. Chaque année, d’entre les cyprès et les oliviers, a surgi une nouvelle construction : une orangerie, une cuisine d’été, un pigeonnier, une galerie à colonnes, sous les yeux incrédules des voisins. Or, M. Diter ne s’est guère embarrassé de formalités, négligeant de demander des permis de construire réputés difficiles à obtenir dans cette zone naturelle.

Au cours de l’audience, le président du tribunal, Alexandre Julien, a égrené les procès verbaux d’infractions dressés, sans grand résultat, par le service d’urbanisme de la mairie puis ceux de la préfecture... sans oublier les arrêtés, tout aussi vains, d’interruption des travaux pris en mai 2009 et octobre 2012. « Avec vous, c’est pas vu, pas pris, un peu comme les automobilistes qui conduisent sans permis et roulent tant qu’on ne les arrête pas », a tancé le magistrat, très pugnace.

Report de la clôture des débats

Chaque année, d’entre les cyprès et les oliviers, a surgi une nouvelle construction : une orangerie, une cuisine d’été, un pigeonnier, une galerie à colonnes, sous les yeux incrédules des voisins. | CHATEAU DITER

M. Diter a dû reconnaître, devant sa femme et ses deux filles venues le soutenir, qu’il avait démarré les chantiers avant d’avoir obtenu les autorisations. Il a aussi admis avoir ignoré les injonctions municipales ou préfectorales. Il a nié avoir voulu tromper les services instructeurs de la ville, lorsqu’il a obtenu, en juillet 2006, un permis de régularisation pour près de 1 000 mètres carrés, dans cette zone où sont, en principe, autorisées les seules extensions de bâtiments existants.

L’enjeu est crucial car si la fraude est avérée, la sanction sera probablement la démolition de l’ensemble, et la complicité de son architecte et ami Jean-Pierre Draillard, qui a déposé les dossiers de permis, pourra être retenue. Ces menaces ont plané durant l’audience, venant autant du procureur de la République, Guillaume Bricier, que du président du tribunal, s’appuyant tous deux sur l’analyse du représentant du préfet des Alpes-Maritimes, Olivier Brau, qui dénonce une manœuvre frauduleuse.

Lorsque les débats se sont enlisés sur le point de savoir quels étaient précisément les bâtiments déjà présents lors de l’achat de la propriété, en 2000, par M. Diter, son avocat, Me Alain Luciani, comme celui de l’architecte, Me Stéphane Choukroun, se sont engouffrés dans la brèche, plaidant que l’instruction était peu précise et devait être complétée d’une expertise. Après de longues palabres, le président Julien a accédé à cette demande et reporté la clôture des débats au 13 octobre. « Mais, a-t-il ajouté, c’est moi-même qui me chargerai de ce supplément d’information. Vous viendrez tous dans mon bureau m’apporter les factures, devis, marchés de travaux et métrés qui manquent cruellement au dossier. » Un répit de six mois pour la famille Diter.