Facebook fait partie des « sponsors » de la convention républicaine comme de la convention démocrate. | KAREN BLEIER / AFP

Depuis le début de la semaine, Facebook fait face à de nombreuses critiques aux Etats-Unis, après la publication d’un article sur le site Gizmodo accusant le réseau social de censurer des sites conservateurs dans ses « trending topics ». Cette fonctionnalité, uniquement activée outre-Atlantique, et dont l’arrivée n’est pas prévue en France, affiche deux listes de « sujets populaires sur Facebook en ce moment » : la première est basée sur les centres d’intérêt de l’utilisateur ; la seconde sur les « grands événements d’actualité ».

C’est la manière dont cette dernière est gérée qui a suscité une volée de critiques de la part d’élus, médias et sympathisants de droite aux Etats-Unis. Citant des sous-traitants anonymes chargés d’éditer cette liste au quotidien, le site affirme que Facebook y « injecte » artificiellement des sujets, et que les sujets et sites « conservateurs » y sont souvent censurés.

Facebook a vivement démenti ces accusations, ce qui n’a pas empêché la commission du commerce du Sénat américain (à majorité républicaine) de poser une série de questions à Mark Zuckerberg. La commission demandait notamment au PDG de Facebook de lui communiquer les règles internes utilisées par les éditeurs des trending topics.

Opération transparence

Jeudi soir, le Guardian a justement rendu public ce document. Quelques heures plus tard, Facebook a lui-même publié ce texte d’une vingtaine de pages, dans une version plus récente que celle du Guardian. « Facebook n’autorise pas et ne demande pas à ses éditeurs de censurer des sources d’aucune origine politique, point final », explique le réseau social dans un texte accompagnant le document. De fait, ce document technique ne mentionne aucun critère politique pour savoir si un sujet doit ou non figurer dans la liste — les seuls motifs justifiant de rejeter un sujet sont l’absence ou l’insuffisance de sources ou le fait qu’il s’agisse d’un sujet « doublonnant » avec un autre.

Un second document publié par le Guardian, et fourni par Facebook, liste un millier de sites considérés comme des sources fiables par les éditeurs des trending topics. On peut voir qu’y figurent plusieurs des sites de droite, dont le Drudge Report ou l’ultraconservateur Breitbart, qui faisait partie des sites ayant accusé Facebook de censure de manière très véhémente.

En revanche, parmi les dix sites américains « de référence », utilisés par Facebook pour confirmer l’importance des sujets nationaux ou internationaux, figurent principalement des sites du centre ou de la gauche, même si on y trouve aussi Fox News ou le Wall Street Journal. La liste recoupe largement celle des dix médias ayant le plus de lecteurs en ligne aux Etats-Unis.

Le Guardian a également interrogé plusieurs anciens employés ayant travaillé sur les trending topics. Ces personnes disent être en désaccord avec l’article de Gizmodo sur le fait que des malversations ou des biais aient pu avoir lieu.

« Injection » de sujets

Plutôt convaincantes sur les accusations de biais, les explications de Facebook sont plus floues sur le fait que les éditeurs de cette liste aient, ou non, le pouvoir « d’injecter » des sujets qui ne sont pas, ou pas encore, populaires sur le réseau social. Facebook réaffirme que seuls peuvent figurer dans les trending topics des sujets qui ont été sélectionnés par ses algorithmes de détection de tendances.

Mais l’un des outils utilisés par les éditeurs liste, en plus des sujets très lus, très commentés ou très « likés » sur le réseau social, des titres issus des principaux sites d’information. La fonctionnalité avait d’ailleurs démarré de manière totalement automatisée, avant que Facebook ne choisisse d’ajouter une intervention humaine dans ses processus lors des émeutes de Ferguson : le réseau social avait fait l’objet de vives critiques parce que cet événement d’actualité majeur n’apparaissait pas dans son flux de trending topics, faute d’être plus lu ou plus commenté que d’autres événements beaucoup plus anecdotiques, mais plus « viraux ».

Contexte de méfiance pour la droite et l’extrême droite

Si l’article original de Gizmodo, qui se fondait sur des sources anonymes et avançait peu d’éléments concrets, a déclenché une telle polémique, c’est aussi parce qu’il s’inscrit dans un contexte politique particulier aux Etats-Unis. Mark Zuckerberg a vivement critiqué à plusieurs reprises les positions de Donald Trump sur l’immigration, et, dans une Silicon Valley qui vote et soutient de manière écrasante les démocrates plutôt que les républicains, la droite est prompte à suspecter des ingérences des grandes entreprises des nouvelles technologies.

Dans un message publié sur son compte Facebook, jeudi 12 mai, Mark Zuckerberg invitait « les leaders conservateurs et des personnes de tous les bords politiques à venir discuter avec [lui] de ce sujet. Je veux que nous puissions avoir une conversation directe à propos de ce que Facebook représente, et sur la manière dont nous pouvons rester aussi ouverts que possible ».

Pourtant, Facebook, comme Google, fait partie des « sponsors » de la convention républicaine qui se tiendra en juillet — les deux géants participeront aussi à la convention démocrate. Et Donald Trump compte aussi un soutien de poids en Californie en la personne de l’investisseur Peter Thiel, qui sera l’un de ses délégués à la convention républicaine. Cofondateur de Paypal, Peter Thiel est aussi… investisseur historique de Facebook, et siège au conseil d’administration du premier réseau social au monde.