Henri Poupart-Lafarge, le PDG d’Alstom. | PHILIPPE DESMAZES / AFP

Alstom va mieux. Pendant des années, ce rejeton de la défunte Compagnie générale d’électricité a été l’un des enfants mal en point de l’industrie bleu-blanc-rouge. Le traitement a été radical : toutes les activités dans l’énergie, qui constituaient le gros du chiffre d’affaires, ont été vendues en 2014 à General Electric, suscitant une énorme polémique. Pour redresser le cap, le conglomérat américain a annoncé, en janvier 2016, la suppression de 6 500 emplois en Europe.

Le nouvel Alstom, réduit à la production de trains, de métros, de tramways, etc., paraît, lui, en meilleure posture, comme le montrent les résultats annuels publiés mercredi 11 mai. Le chiffre d’affaires a progressé de 7 %, à 6,9 milliards d’euros, lors de l’exercice clos le 31 mars 2016. Les commandes ont atteint un niveau record. Le résultat net, gonflé par la vente à General Electric, a atteint 3 milliards d’euros. Le fabricant du TGV pâtit encore de plusieurs points faibles. En particulier en France, où les syndicats redoutent la fermeture d’usines. Pour Le Monde, le PDG Henri Poupart-Lafarge, qui a succédé à Patrick Kron, s’explique.

Alstom publie ses premiers résultats annuels depuis la vente de ses activités d’énergie. Comment va le groupe, recentré sur le ferroviaire ?

Très bien ! Alstom a traversé ces deux années de transition de façon positive. Nous sommes bien positionnés sur un marché ferroviaire porteur. Les résultats en témoignent. Nous avons reçu des commandes pour 10,6 milliards d’euros en un an, un record historique. Preuve que le recentrage n’a pas provoqué de crise, ni de doute chez les clients. Il nous a au contraire donné de l’élan. Ces succès commerciaux obtenus à travers le monde, en Inde, en Italie, en Azerbaïdjan… vont nourrir notre croissance. Notre carnet de commandes représente quatre ans et demi de chiffre d’affaires. Deuxième bonne nouvelle, l’exécution de ces contrats se passe bien. Cela nous a permis de faire croître notre chiffre d’affaires de 7 % à structure constante, davantage que ce que nous avions annoncé.

Vous progressez plus vite que le marché ?

Oui. Pour la quatrième année d’affilée, notre croissance dépasse 5 %, alors que celle du marché est de l’ordre de 2,8 %, selon l’organisation professionnelle Unife. Nous sommes présents partout dans le monde, ce qui nous permet d’accrocher la croissance là où elle se trouve.

En France, en revanche, le marché semble à l’arrêt. Vous en souffrez beaucoup ?

Le marché ferroviaire français traverse une période de basses eaux, malgré quelques appels d’offres attendus, notamment en Ile-de-France. Heureusement, nos sites français travaillent à 40 % pour l’international : Belfort exporte des trains en Azerbaïdjan, Reichshoffen en exporte en Algérie, etc. Le marché français demeure néanmoins indispensable pour que nos sites fonctionnent à plein.

Ce n’est pas le cas ?

Aujourd’hui, c’est un peu juste. Et surtout, la question de l’avenir se pose. La charge de travail en France va probablement diminuer. Comment y adapter progressivement nos sites ? Nous en discutons avec les pouvoirs publics et avec les représentants du personnel.

Les syndicats s’inquiètent du « démantèlement » d’Alstom en France, en citant 1 000 suppressions d’emplois à Reichshoffen. Allez-vous fermer des usines ?

Nous n’avons pas de plan en ce sens mais la faiblesse du marché français fragilise notre outil industriel. Notre fédération professionnelle a alerté les pouvoirs publics : la filière est en danger. Quand Alstom s’enrhume, nos sous-traitants souffrent davantage encore.

Au-delà des commandes, arrivez-vous à dégager des profits, de la trésorerie ?

Oui. En 2015-2016, notre résultat d’exploitation a progressé de 23 %. La marge d’exploitation est ainsi passée de 4,8 % du chiffre d’affaires à 5,3 %. Le cash-flow libre [flux de trésorerie disponible] généré par nos opérations, lui, est légèrement positif.

Vous dégagez donc juste assez de trésorerie pour financer vos activités et vos investissements…

Il nous reste des marges de progrès ! Mon objectif est d’atteindre une marge d’exploitation de 7 % en 2020, et un cash-flow libre nettement positif, équivalent au résultat net.

Comment comptez-vous faire ?

Cette bataille passe par de multiples actions pour réduire les coûts, à la fois avec nos sous-traitants et en interne, par exemple en testant davantage nos trains en amont, de façon virtuelle, ce qui revient moins cher qu’une fois qu’ils sont construits. Il s’agit aussi de fabriquer nos trains plus vite. Construire un métro en un an et demi, voire quinze mois seulement, au lieu de deux ans permet de réduire les stocks, donc le besoin en fonds de roulement. C’est un élément essentiel pour dégager vraiment du cash.

Hitachi a racheté Ansaldo, le chinois CRRC entre en Europe… Comment faites-vous face à cette concurrence accrue ?

Pour nous, il n’y a plus de marché protégé. Il faut donc être compétitif, partout dans le monde. Quant à la consolidation du marché, le mouvement va se poursuivre et Alstom a, en tant que leader mondial, vocation à y participer.

De quels moyens disposez-vous ?

Depuis la vente des activités d’énergie à General Electric, Alstom a un bilan très solide, avec une dette nette ramenée à 200 millions d’euros pour 3,3 milliards de fonds propres. Ce niveau me paraît sain au regard de notre activité. Par ailleurs, nous disposons de participations dans des sociétés communes avec General Electric pour 2,4 milliards d’euros. Pour l’heure, il n’y aucun gros dossier à l’étude. Mon obsession est de gagner des marchés, de croître, de dégager de la trésorerie et des profits.