La ministre française de l’environnement, Ségolène Royal, remet un cadeau à la secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Christiana Figueres, à Bonn, le lundi 16 mai 2016. | PATRIK STOLLARZ / AFP

Comme chaque année, les délégués des 195 pays membres de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) sont rassemblés à Bonn, en Allemagne, depuis lundi 16 mai, pour une session de négociations techniques. Comme chaque année, le centre de conventions de la cité rhénane va sortir de sa douce torpeur pour dix jours d’interventions solennelles en assemblée plénière et de discussions serrées dans les salles annexes fermées au public et aux médias. Comme chaque année, les délégués débuteront dès potron-minet leur marathon quotidien par une séance de débriefing des avancées, et des blocages, enregistrés la veille.

Mais cette session 2016 ne devrait pas ressembler à tous points de vue à la précédente. Il s’agissait en 2015 de préparer une base de négociations pour la conférence de Paris (COP21) et de se donner les chances de conclure en décembre un accord universel permettant de contenir le réchauffement sous le seuil des 2 °C. Cette tâche particulièrement ardue a nécessité quatre sessions de travail, une à Genève puis trois à Bonn.

Il s’agit cette fois de mettre en place un cadre de travail fonctionnel après le compromis adopté le 12 décembre au Bourget. Il faut désormais « assurer un équilibre de tous les sujets qui doivent être traités et rendre opérationnel l’accord de Paris », expliquent dans une note de réflexion commune, publiée le 6 mai, la France, qui assure la présidence de la COP21 jusqu’en novembre, et le Maroc, qui lui succédera lors de la conférence de Marrakech (COP22).

Ratification par la France

« La phase de négociation est derrière nous, nous entrons dans une phase de collaboration, a dit à sa manière Christiana Figueres, la patronne de la CCNUCC, en ouvrant les travaux de Bonn, lundi 16 mai. Le monde entier est uni derrière cet engagement. » « Les fondations sont posées, à nous de construire maintenant notre maison commune, a ajouté, dans un même élan d’optimisme, la ministre française de l’environnement, Ségolène Royal. Je vous appelle à être des constructeurs et des facilitateurs. »

« Vous devrez définir des règles et des mécanismes qui aideront tous nos pays à mettre en œuvre l’accord de Paris, et à transformer et développer leurs économies », a poursuivi la présidente de la COP21, avant de regagner Paris, où sera discuté, mardi 17 mai, devant l’Assemblée nationale, le projet de loi portant ratification de l’accord de Paris. Ségolène Royal devrait faire un nouveau déplacement à Bonn en fin de semaine pour un bilan à mi-session des négociations.

Le premier chantier est de constituer le groupe de travail chargé de concrétiser l’accord de Paris, baptisé APA, pour « Ad hoc Working Group on the Paris Agreement ». Il sera animé par deux coprésidentes, la Néo-Zélandaise Jo Tyndall et la Saoudienne Sarah Baashan, selon le principe de l’équilibre Nord-Sud. Le group APA doit s’atteler notamment au suivi des contributions nationales (pour lutter contre le réchauffement climatique), au mécanisme de transparence qui permettra de juger des efforts respectifs de chaque Etat et à la préparation d’un premier grand bilan mondial, ou « global stocktake », prévu en 2018.

Agir avant 2020

Les engagements nationaux pris à ce stade pour réduire les émissions de gaz à effet de serre s’inscrivent dans une perspective de 3 °C de réchauffement, bien au-delà de l’engagement pris par la communauté internationale en décembre 2015 à Paris de rester « largement sous les 2 °C ». Dans la dernière synthèse des contributions nationales mise à jour le 2 mai, la CCNUCC rappelle que les 189 pays (contre 161 en octobre 2015) qui se sont pliés à l’exercice représentent près de 96 % des émissions mondiales. La Convention-cadre précise aussi que les plans d’action ne sont pas suffisants pour tenir l’objectif de hausse des températures défini dans l’accord de Paris.

« Il a été annoncé aujourd’hui que le mois dernier a été le mois d’avril le plus chaud jamais enregistré, ce qui signifie que nous avons connu ces sept derniers mois des records de température, a rappelé lundi à Bonn Teresa Anderson, de l’ONG ActionAid. Nous avons besoin d’une ambition bien plus forte pour réduire radicalement les émissions, et d’un rythme bien plus rapide dans la mise en place des stratégies nationales affichées. »

Sur la même ligne, le « Groupe des 77 + Chine » ou G77 (qui rassemble les 134 pays en développement et émergents) a mis en avant l’importance d’agir avant 2020, date d’entrée en application de l’accord, si le monde veut tenir ses objectifs. L’accord de Paris a d’ores et déjà été signé par 177 Etats, dont 175 dès le jour où il a été ouvert à la signature, le 22 avril à New York. Seize Etats ont jusqu’à présent franchi l’étape suivante, celle de la ratification. Les présidences française et marocaine de la COP prévoient de consulter les délégués présents jusqu’au 26 mai à Bonn sur l’hypothèse d’une entrée en vigueur de l’accord avant 2020, possibilité ouverte si au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions ratifient le texte.

Le dossier du financement devrait être également au cœur des négociations de la CCNUCC en Allemagne. « Nous ne pouvons pas trouver une réponse au dérèglement climatique sans une aide adaptée des pays riches, a souligné le Maldivien Thoriq Ibrahim, président du groupe de 44 Petits Etats insulaires. La seule question est de savoir si nous allons nous y mettre tous ensemble suffisamment vite et fortement pour éviter la catastrophe. »

Salaheddine Mezouar, président désigné de la COP22 et ministre des affaires étrangères du Maroc, a suggéré lors de l’ouverture des travaux que les gouvernements et les institutions financières créent un « mécanisme accéléré » pour le financement du climat.