Le célèbre Roundup de Monsanto, l’herbicide le plus populaire à base de glyphosate. | Charles Platiau / REUTERS

Montrer que l’imprégnation de la population au glyphosate ne s’arrête pas aux portes des lieux de pouvoir et peser sur les dernières discussions qui pourraient aboutir à sa réautorisation en Europe. C’était l’objectif assumé d’une opération de communication lancée voilà plusieurs semaines par des eurodéputés belges et consistant à mesurer la présence de l’herbicide, molécule active du célèbre Roundup de Monsanto, dans l’urine d’un échantillon de leurs pairs du Parlement européen. Les résultats, rendus publics jeudi 12 mai, sont éloquents.

Sur les 48 parlementaires s’étant pliés à l’exercice – de treize nationalités et de toutes les couleurs politiques – tous présentaient une teneur détectable de glyphosate dans leur urine. A des taux souvent élevés, la moyenne étant de 1,7 microgramme par litre (µg/l), soit dix-sept fois le seuil légal toléré dans l’eau potable. Les taux de contamination les plus élevés sont plus de trente-cinq fois supérieurs à ce seuil.

La cinquantaine d’eurodéputés cobayes n’est nullement représentative de l’ensemble de la population européenne. Les Français sont très présents, avec sept députés testés, dont la teneur moyenne de glyphosate est d’environ vingt fois le seuil limite toléré dans l’eau potable.

Les Belges sont également très surreprésentés, avec vingt volontaires. « Nous nous sommes particulièrement mobilisés car la Belgique est l’un des pays qui se montre le plus favorable à la réautorisation du glyphosate en Europe, annonce le porte-parole de Marc Tarabella, l’un des eurodéputés à l’origine de l’initiative. Les résultats de ces analyses ne sont pas représentatifs de la population générale, mais ils sont parfaitement cohérents avec les résultats d’autres enquêtes, en particulier celle conduite en Allemagne voilà quelques mois, qui mettait en évidence des taux de contamination semblable. »

La réautorisation du glyphosate en question

Il est cependant difficile d’évaluer les effets sanitaires d’une telle exposition. Réagissant à l’étude allemande, l’Institut fédéral d’évaluation des risques allemand (Bundesinstitut für Risikobewertung) avait estimé que les taux détectés étaient sans danger.

La toxicité du glyphosate – pesticide le plus utilisé dans le monde – est cependant au cœur d’une intense polémique scientifique. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) l’a classé « cancérogène probable » pour l’homme, tandis que quelques mois plus tard, les experts européens jugeaient « improbable » son potentiel cancérogène, lui donnant un blanc-seing pour sa réhomologation sur le Vieux Continent. Car à la fin de juin l’autorisation du glyphosate arrive à expiration en Europe.

L’analyse de l’urine europarlementaire aura-t-elle un effet sur la décision probable de l’Europe ? Rien n’est moins sûr. Le Parlement de Strasbourg s’est déjà mobilisé sur le sujet et a voté, le 13 avril, une résolution non contraignante demandant des restrictions d’usage de cette substance et la limitation de sa réautorisation à sept ans.

La Commission européenne conduit les dernières discussions avec les Etats membres, qui doivent voter, au cours d’un comité prévu pour les 18 et 19 mai, la remise en selle du produit en Europe. La dernière version de travail fait état d’une réautorisation de neuf ans, sans restrictions d’usage.

Pour convaincre, les eurodéputés belges devraient plutôt tenter de mettre la main sur des échantillons d’urine prélevés sur les ministres et les chefs d’Etats de l’Union. L’expérience a déjà été proposée par des eurodéputés écologistes à Jean-Claude Juncker, mais le chef de l’exécutif européen n’y a pas donné suite…