Didier Deschamps et quelques dizaines de sélectionneurs, le 8 mai à Paris. | Michel Euler / AP

C’est devenu un cérémonial aussi rodé que les vœux de nouvelle année du président de la République. Un printemps sur deux, au mitan du mois de mai, un sélectionneur tricolore s’assied devant une meute de journalistes pour égrener une liste de noms, correspondant généralement à des joueurs de football, et annoncer la composition de son groupe pour le tournoi — mondial ou continental — qui s’annonce. Les jours qui précèdent frémissent de rumeurs, de pronostics, d’analyses et autres supputations sur qui en sera, qui n’en sera pas, qui pourrait en être, qui devrait, qui le mérite, et ainsi de suite jusqu’à ce que le couperet tombe.

En ce qui concerne le championnat d’Europe de football 2016, organisé en France du 10 juin au 11 juillet, ce sera donc jeudi 12 mai à 20 heures que Didier Deschamps donnera sa liste, devant les caméras du journal télévisé de TF1, et nulle part ailleurs, partenaire des Bleus oblige.

Depuis plusieurs mois, le Basque claironne qu’il connaît sa liste, à quelques unités près. Entre-temps, deux absences de taille ont rebattu quelques cartes. Celles de Karim Benzema, impliqué dans l’affaire dite « de la sextape », et celle de Mamadou Sakho, qui ne devrait pas échapper à une sanction rédhibitoire à la suite d’un contrôle antidopage positif, conséquence, selon l’intéressé, de la consommation d’un brûleur de graisses. Deux appels d’air, en attaque et en défense, qui ont ouvert quelques perspectives, et quelques questions à régler pour Deschamps.

Didier Deschamps parmi ses joueurs lors d’un match amical contre l’Albanie, le 13 juin 2015 à Elbasan. | GENT SHKULLAKU / AFP

  • 23 + 7 ?

Le sélectionneur optera-t-il pour la même formule que lors de la préparation à la Coupe du monde au Brésil ? Il avait alors annoncé une liste de vingt-trois joueurs, tout en convoquant sept réservistes, chargés de faire le nombre aux entraînements et surtout de pallier une éventuelle blessure — ce qui fut le cas en 2014 pour Rémy Cabella et Morgan Schneiderlin, après les forfaits de Franck Ribéry et de Clément Grenier.

La formule avait plu, alliant la clarté à la prudence, ce qui n’est pas rien, et elle devrait être reconduite par Didier Deschamps. La Fédération française de football a simplement précisé dans son communiqué que les Bleus choisis seraient convoqués le 17 mai à Biarritz pour une préparation, qui comptera deux matchs amicaux, le 30 mai contre le Cameroun, à Nantes, et le 4 juin contre l’Ecosse, à Metz — deux régions qui n’accueilleront aucun match de l’Euro.

Alexandre Lacazette et Samuel Umtiti, le 7 mai au Parc OL de Lyon. | ROMAIN LAFABREGUE / AFP

  • L’attaque, la meilleure défense ?

Dans cette liste des trente moins sept, ils sont dix-sept à avoir déjà préparé leurs bagages.

A moins d’une blessure, d’une sextape ou d’un brûleur de graisses (rayez la mention inutile), les footballeurs suivants formeront l’ossature des Bleus : Hugo Lloris, Steve Mandanda, Raphaël Varane, Laurent Koscielny, Patrice Evra, Bacary Sagna, Paul Pogba, Blaise Matuidi, Lassana Diarra, Moussa Sissoko, Yohan Cabaye, Antoine Griezmann, Olivier Giroud, Anthony Martial, Kingsley Coman. On peut y ajouter le champion d’Angleterre N’Golo Kanté, la surprise du chef, qui n’en est plus une puisque déjà révélée lors des matchs amicaux du mois de mars.

Au poste de gardien, les dernières listes portent à croire que confiance sera maintenue au Rennais Benoît Costil pour ce rôle très particulier de doublure de la doublure. Le milieu de terrain est à guichets fermés avec ses six éléments, au contraire de la défense, devenue un vrai chantier. On peut considérer que trois ou quatre places sont à prendre — deux en défense centrale, une ou deux sur les côtés.

En attaque, il reste également une ou deux places, lesquelles dépendent du nombre de défenseurs retenus (oui, il faut suivre).

Deschamps peut en effet choisir une liste classique, avec huit défenseurs de métier, ou une autre plus baroque, avec sept défenseurs, en considérant qu’un ou plusieurs peuvent couvrir différents postes (concrètement, un central qui jouerait aussi latéral). Dans ce dernier cas, un attaquant de plus pourra embarquer, quitte à ne servir vraiment à rien pendant la compétition, mais c’est aussi le charme d’une liste baroque.

  • La Ligue 1 ou le reste du monde ?

Reste enfin à sélectionner les hommes. Et c’est finalement entre ceux qui évoluent dans le championnat de France et les autres que l’affaire se réglera, ce que Jean-Michel Aulas avait résumé dans son style, en évoquant « le joueur exotique » (comprendre André-Pierre Gignac, qui évolue au Mexique) qui pourrait être préféré au Lyonnais Alexandre Lacazette.

La fin de saison tonitruante du gone l’autorise à croire à un retour en grâce, d’autant qu’il peut jouer à tous les postes devant. Mais Gignac a marqué des points, et des buts, lors de ses dernières apparitions en bleu, et jouit d’une expérience plus grande, ce qui est non négligeable dans un groupe rajeuni.

Hatem Ben Arfa, le 7 mai à l’Allianz Riviera de Nice. | VALERY HACHE / AFP

Le troisième larron se nomme Hatem Ben Arfa. Plébiscité par les médias, le Niçois surfe sur une saison pleine, et la promesse enfin tenue d’un talent hors norme, de ceux qui peuvent selon la formule consacrée faire basculer un match à eux tout seuls.

Si Deschamps opte pour sept attaquants, Ben Arfa devrait en être, même si le Sévillan Kevin Gameiro postule aussi, mais d’un peu loin. La polyvalence de Martial ou de Griezmann, qui jouent en pointe en club, est aussi un élément perturbateur à prendre en compte.

En défense, l’absence de Sakho devrait profiter à Eliaquim Mangala. Le joueur de Manchester City a retrouvé du temps de jeu, notamment en Ligue des champions. Le quatrième poste en charnière se jouera entre le Lyonnais Samuel Umtiti, jamais appelé mais en pleine forme, et le Barcelonais Jérémy Mathieu, guère plus capé (cinq sélections), et à peine revenu à la compétition après une blessure au genou. Les deux joueurs peuvent jouer latéral gauche dans le cas d’une liste à sept défenseurs.

Dans le cas contraire, le Romain Lucas Digne tient la corde face au Parisien Layvin Kurzawa, rarement titulaire au PSG. A droite, deux anciens espèrent être la doublure de Sagna, Christophe Jallet (OL) et Mathieu Debuchy (Bordeaux). A moins que Deschamps ne se souvienne que Lassana Diarra peut aussi jouer arrière droit… ou que Pascal Chimbonda ne revienne pour une pige… ou qu’Olivier Giroud ne se révèle enfin dans un rôle de libéro… ou que… Clôture des débats jeudi 12 mai, à 20 heures.