Manifestations contre le gaz de schiste près de Jouarre, en Seine-et-Marne, le 3 août 2013. | PIERRE ANDRIEU/AFP

La ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, Ségolène Royal, a annoncé mardi 10 mai qu’elle voulait interdire l’importation en France d’hydrocarbures non conventionnels, comme le gaz de schiste. Alors que, juridiquement et techniquement, elle a peu de chances d’y parvenir, quels sont les enjeux que présente ce gaz naturel ?

Qu’est-ce que le gaz de schiste ?

Le gaz de schiste est un gaz en tout point semblable à du gaz naturel : il s’agit de méthane. Ce qui le différencie des gaz dits conventionnels, c’est la difficulté de son exploitation.

Les gaz conventionnels sont contenus dans des roches poreuses et perméables, leur extraction est plus facile que les gaz non conventionnels. Ceux-ci, dont le gaz de schiste, sont prisonniers d’une roche-mère, généralement des argiles, qui contraignent l’extraction.

Mais une fois extraits, il n’y a aucune différence entre gaz conventionnels et non conventionnels. En termes d’émissions de gaz à effet de serre, cette énergie fossile émet moins que le pétrole ou le charbon.

Comment l’extrait-on ?

C’est la technique d’extraction du gaz de schiste qui pose problème : la fracturation hydraulique, seule méthode éprouvée, consiste à injecter d’énormes quantités d’eau, de sable et de produits chimiques sous pression pour fracturer la roche et « libérer » les gaz emprisonnés à une grande profondeur (environ 3 000 mètres).

Cette méthode est extrêmement coûteuse et controversée, car elle peut causer des pollutions massives de l’eau, de l’air et des sols, la contamination des nappes phréatiques par les rejets de produits chimiques et par le gaz libéré. Elle consomme également des quantités importantes d’eau.

L’exploitation du gaz de schiste a en outre un impact significatif sur les territoires : il faut construire un puits de forage au kilomètre carré, contre moins d’un tous les dix kilomètres carrés pour le gaz conventionnel.

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Quel impact environnemental ?

Aux Etats-Unis, premier producteur de gaz au monde, l’exploitation du gaz de schiste est mise en cause dans la multiplication des séismes dans certaines régions. En 2015, l’Oklahoma a recensé plus de 900 tremblements de terre d’une magnitude proche de 3, soit deux et demi par jour. La multiplication des sites de forage et les énormes volumes d’eau injectés dans le sol pourraient être à l’origine de ces séismes.

La Californie, le Dakota du Nord ainsi que le Texas connaissent le même type de phénomène.

En Pennsylvanie, selon une étude conduite en 2013 par le biologiste Robert Jackson, professeur à la Duke University à Durham (Etats-Unis), des nappes phréatiques situées jusqu’à un kilomètre autour des points de forage dans le nord-est de l’Etat étaient polluées au méthane.

Au Canada, l’injection de fluides pendant la fracturation hydraulique d’un puits dans l’ouest du pays a également été à l’origine en août 2014 de deux séismes, l’un de magnitude 4,4 et l’autre de 3,9, selon la commission de réglementation de l’industrie pétrolière et gazière de la Colombie-Britannique.

Quels pays importent du gaz de schiste ?

La plupart des pays produisant du gaz de schiste le destinent à leurs réseaux nationaux. Seuls les Etats-Unis, en surproduction, ont commencé à en exporter en début d’année 2016. Plusieurs compagnies ont signé avec eux des contrats commerciaux, pour en importer notamment au Portugal, en Norvège, en Amérique du Sud ou en Asie.

Comme le gaz de schiste n’est pas différenciable du gaz conventionnel, il est impossible de déterminer quelle part de gaz importé est issue de la fracturation hydraulique. Compte tenu de la production américaine, on peut déduire que 40 à 50 % du gaz américain sont non conventionnels. « Si on veut être sûr de ne pas utiliser de gaz de schiste, il faut ne pas du tout importer de gaz en provenance des Etats-Unis », résume Jean-Louis Schilansky, président du Centre hydrocarbures non conventionnels (CHNC).

Carte des pays producteurs de gaz non conventionnels dans le monde. Données agrégées en 2016 par le Conseil mondial de l’énergie. En bleu foncé, les producteurs actuels, en violet ceux à venir. Les volumes de production sont exprimés en tcm (trillion cubic meters ou billion de mètres cubes). | Conseil mondial de l'énergie.

En France, Ségolène Royal a fait savoir qu’elle allait étudier les moyens juridiques permettant d’« interdire l’importation de gaz de schiste », arguant que ce commerce était incohérent avec l’interdiction d’extraire des gaz de schiste en France. Mais les obstacles sont nombreux. A commencer par le fait que plusieurs pays européens ont déjà importé du gaz américain – issu donc pour partie du gaz de schiste –, lequel est amené à circuler entre pays européens…