Les fumées des fours à brique près de New Dehli en juin 2015. | ALTAF QADRI / AP

La pollution atmosphérique touche plus de huit citadins sur dix dans le monde. Et la situation continue de se dégrader, notamment dans les pays émergents. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) publie jeudi 12 mai un vaste panorama de la qualité de l’air en milieu urbain. Cette nouvelle base de données couvre quelque 3 000 villes (soit 42 % de la population urbaine mondiale) situées dans 103 pays, doublant ainsi quasiment de volume la précédente étude publiée en 2014.

Globalement, les niveaux de concentration de particules fines en milieu urbain se sont accrus de 8 % au cours des cinq dernières années. Si la situation est plus ou moins sous contrôle dans les pays riches, la pollution de l’air s’aggrave dans les pays en développement.

Peshawar, ville la plus polluée

Le seuil maximum fixé par l’OMS de 20 microgrammes par mètre cube (µg/m3) pour la concentration annuelle de particules fines PM10 (d’un diamètre égal ou inférieur à 10 micromètres) dans l’air est pulvérisé dans la plupart des villes des pays émergents. La ville la plus polluée au monde n’est plus New Delhi comme en 2014, mais Peshawar, au nord-est du Pakistan, où le niveau de concentration atteint 540 µg/m3.

Dans la quasi-totalité (98 %) des municipalités de plus de 100 000 habitants des pays à revenu faible ou intermédiaire, le seuil maximum de l’OMS est dépassé, et souvent très largement. Avec des records beaucoup plus élevés que ceux enregistrés lors des pics de pollution dans un pays comme la France (100 µg/m3).

Le Pakistan, l’Afghanistan et l’Inde apparaissent comme les pays les plus à risque. A Karachi, capitale économique du Pakistan (290µg/m3), à Rawalpindi (448 µg/m3), l’air n’est pas moins irrespirable qu’à Peshawar. Tout comme dans l’Afghanistan voisin, à Kaboul (260 µg/m3) et Mazar-e-Sharif (334 µ/m3). L’Inde est aussi pointée du doigt avec de nombreuses villes très polluées à l’instar de Raipur (268 µg/m3) dans le centre du pays et d’Allahabad (317 µg/m3) au sud est de New Delhi, la capitale, qui affiche tout de même encore une concentration de 229µg/m3.

Les pays du Golfe ne sont pas en reste. En Arabie Saoudite, les habitants de Ryad et de Al Jubail à l’est du pays sont soumis à des niveaux de concentration dépassant 350 µg/m3. Ceux de Hamad Town au centre du Bahreïn voisin (318 µg/m3) et de Ma’ameer plus à l’est (257µg/m3) ne sont pas mieux lotis.

Face à de tels records, l’air en Chine en paraît presque plus respirable. Près de quarante villes dépassent néanmoins largement les seuils sanitaires recommandés par l’OMS, avec des niveaux de concentration compris entre 100 et 200 µg/m3. Seul Shijiazhuang, capitale du Hebei à l’est du pays, se situe bien au dessus avec un niveau de concentration de 305 µg/m3. Niveau que peuvent toutefois atteindre voire dépasser les autres villes chinoises lors des fréquents pics de pollution qu’elles connaissent.

Dépendance persistante aux combustibles fossiles pour alimenter les centrales électriques, usage croissant de la voiture individuelle par les classes moyennes émergentes, construction de bâtiments peu économes en énergie, utilisation du charbon pour la cuisine et le chauffage, sont autant d’éléments qui expliquent la persistance de cette forte pollution urbaine.

3,7 millions de morts en 2012

A l’autre bout du prisme, le Canada se classe parmi les meilleurs élèves avec la Finlande, l’Estonie, l’Islande, l’Australie, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande. Dans chacun de ces pays, la quasi-totalité, quand ce ne sont pas toutes les villes, ne dépassent pas le seuil maximum de 20µg/m3. Dans les autres pays développés, « et même dans les pays à revenu faible ou intermédiaire d’Europe de l’Est et d’Amérique latine, la qualité de l’air urbain tend à s’améliorer », observe le docteur Annette Prüss-Ustün de l’OMS, qui note des progrès en particulier en Argentine, en Bolivie, Colombie, ou encore en Bulgarie, en Lituanie, et même en France, en Allemagne et en Italie.

Les particules fines pénètrent dans les ramifications les plus profondes des voies respiratoires et le sang, et provoquent des troubles respiratoires, des maladies cardio-vasculaires, des cancers du poumon. En 2012, elles ont été classées cancérogènes par l’OMS. Cette même année, la pollution de l’air a été responsable de la mort 3,7 millions de personnes dans le monde.

« Si les contrôles de la qualité de l’air restent très lacunaires dans les pays en développement comme en Afrique, on assiste néanmoins à une prise de conscience croissante des risques pour la santé causés par la pollution atmosphérique. De plus en plus de villes mettent en place des systèmes de surveillance de l’état de l’air », observe Sophie Gumy, scientifique au sein du département Santé publique, environnement et déterminants sociaux de la santé de l’OMS, qui insiste sur le rôle que peuvent jouer les collectivités locales.

« Il est fondamental que les municipalités ainsi que les décideurs nationaux fassent de la qualité de l’air en milieu urbain une priorité de santé et de développement, abonde le docteur Carlos Dora. Lorsque la qualité de l’air s’améliore, les coûts sanitaires liés à des maladies dues à la pollution diminuent, la productivité des travailleurs s’accroît et l’espérance de vie augmente. La réduction de la pollution atmosphérique est aussi bénéfique au climat, et peut donc s’intégrer dans les engagements des pays pris dans le cadre de l’accord de Paris. »