Soldats belges arrivant à la prison de Saint-Gilles (région de Bruxelles), le 9 mai, pour aider les agents pénitentiaires non grévistes. | FILIP DE SMET / AFP

Une grève des surveillants pénitentiaires qui s’éternise a entraîné une réaction inattendue du gouvernement de Charles Michel : depuis lundi 9 mai des militaires sont envoyés dans les prisons belges « pour garantir des missions humanitaires ».

Dans un premier temps, 160 militaires seraient déployés. Ils n’étaient que quarante, lundi, censés exercer des missions qui sont autant de premières pour l’armée du royaume : ouvrir des portes, distribuer des repas, superviser des douches et des promenades. Les responsables du ministère de la justice assurent cependant que les soldats n’auront pas de contacts directs avec les détenus et ne seront présents qu’en « deuxième ou troisième ligne ».

Dans l’esprit du gouvernement, il s’agit d’aider la direction des établissements, les gardiens qui ne font pas grève et la Croix-Rouge, sur la brèche depuis près de deux semaines. Les policiers, censés suppléer les gardiens quand ceux-ci déclenchent une grève, invoquent quant à eux une surcharge de travail, compte tenu du maintien du niveau d’alerte terroriste à un seuil élevé (3 sur 4) dans le pays. Ils menacent d’ailleurs, eux aussi, de faire grève.

Les « heures noires de l’Europe de l’Est »

Quant aux syndicats de militaires, ils s’inquiètent de voir leurs affiliés apparaître comme des briseurs de grève et critiquent une mesure prise, selon eux, dans une totale improvisation. C’est toutefois le commentaire du directeur de l’une des prisons en grève, Marc Dizier, qui a suscité le plus d’étonnement : « Voir l’armée dans les prisons, cela me fait penser aux heures noires de l’Europe de l’Est, à une certaine Russie, à la Corée du Nord », a déclaré le responsable de la prison d’Andenne, par ailleurs dirigeant de l’Association des directeurs de prison francophones.

Du côté gouvernemental, on multiplie les réunions afin de trouver une solution. Le ministre de la justice, Koen Geens, un chrétien-démocrate flamand, a proposé le recrutement de quelque quatre cents agents, dont cent chargés spécifiquement de la lutte contre le radicalisme. Les économies budgétaires prévues seraient gelées, les agents disposeraient de primes de flexibilité et les effectifs globaux retrouveraient leur niveau du début de 2015.

Comme tous les autres, ce plan, présenté comme celui de la dernière chance par un ministre qui dit avoir atteint les limites de son budget, a été rejeté par les grévistes. M. Geens ne peut plus, dès lors, qu’évoquer « un problème pour l’ensemble du gouvernement ».

Une situation potentiellement explosive

Une manière pour lui de tenter d’impliquer l’Alliance néoflamande (Nieuw-Vlaamse Alliantie – NVA), le parti nationaliste flamand qui détient des postes clés au sein du gouvernement fédéral. La formation de Bart De Wever semble toutefois peu encline à s’engager : les prisons où les surveillants sont en grève sont toutes situées en Wallonie ou à Bruxelles.

Les gardiens flamands, dont les établissements ont été modernisés plus tôt, ont admis le principe de mesures de rationalisation pour la surveillance. Le seul incident survenu durant le week-end en Flandre, à Merksplas, près d’Anvers, concernait une rixe entre détenus et n’avait rien à voir avec la grève.

Dans la partie francophone du pays, où trois prisonniers ont obtenu des condamnations de l’Etat pour la violation de leurs droits, la situation est décrite comme potentiellement explosive. Cellules surpeuplées et non nettoyées, un seul repas froid par jour, la privation de douche : les détenus n’en peuvent plus, indiquent leurs proches. Et il n’est pas certain que l’arrivée de militaires calmera les esprits.

Lundi soir, les syndicats menaçaient de bloquer tous les transferts vers les palais de justice et de réduire encore l’accès du personnel aux divers établissements en grève.