Détail d’une photo postée sur Instagram le 27 mars. | INSTAGRAM/AGAINWITHBETH

Le mystère aura plané pendant près d’un mois et demi, mais la police vient de retrouver le coupable : Brian Andrew Whiteley, un artiste new-yorkais de 33 ans. C’est donc lui qui avait fait apparaître une pierre tombale au nom de Donald Trump en plein Central Park, le dimanche de Pâques à l’aube. Sur l’imposant bloc de granit était gravé « TRUMP, Donald J. 1946-  », au dessus d’une épitaphe : « A fait haïr l’Amérique à nouveau ».

L’œuvre avait été rapidement retirée par les responsables du parc, et confisquée par la police. Mais ces quelques heures d’exposition auront laissé le temps aux passants les plus matinaux de prendre une photo de la curiosité, qui a ainsi fait le tour des réseaux sociaux et de la presse. Quelques jours plus tard, le 2 avril, le site Gothamist publiait l’interview anonyme d’un artiste revendiquant le coup.

« Une satire politique et une pièce de résistance »

Lundi 9 mai, des officiers et un agent des services secrets sont venus sonner à sa porte, dans le quartier de Brooklyn, rapporte le New York Times. C’est la piste du fournisseur et graveur de la pierre tombale qui a permis à la police de remonter jusqu’à son commanditaire. A l’issue d’interrogatoires, aucune charge n’a finalement été retenue contre lui. Il aura convaincu que son œuvre « n’est pas un appel à la mort de Donald Trump », comme certains avaient pu l’affirmer, mais « une satire politique et une pièce de résistance ».

L’artiste a ainsi voulu suggérer à Donald Trump, candidat à la primaire républicaine pour l’élection présidentielle de novembre, de « reconsidérer son héritage » : « J’ai pensé que la seule chose qui pouvait affecter quelqu’un qui construit des immeubles, parle très fort, et joue les brutes, est de lui rappeler sa propre mortalité. » Et en laissant la date de sa mort ouverte, de souligner « qu’il avait encore le temps de changer ».

La date avait été choisie pour sa symbolique, le jour de Pâques étant le jour de la résurrection du Christ. Quant au lieu public, il venait rappeler un lien particulier entre l’homme d’affaires new-yorkais et Central Park, puisque Donald Trump tire une partie de ses revenus de l’exploitation touristique de la mention « Central Park », qu’il a le droit de décliner sur des produits dérivés selon un accord avec la ville remontant à plus de vingt ans.

L’ancien bus de campagne de Trump détourné

Brian Andrew Whiteley s’en était déjà pris à Trump en février, lors d’une performance dans une galerie de la ville où il incarnait le politicien, accompagné d’une autre artiste déguisée en Sarah Palin. Par le passé, il s’était déjà illustré dans le registre mortuaire décalé, puisqu’il avait déambulé déguisé en clown dans plusieurs cimetières américains, explorant alors les codes des « evil clowns » (les clowns maléfiques, prenant pour modèle le clown Pennywise, héros du film It, de Stephen King) et leur traitement par les médias.

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La campagne des primaires pour la présidentielle a déjà fait réagir nombre d’activistes que d’artistes. Hillary Clinton, Bernie Sanders et Ted Cruz n’ont pas été épargnés, mais Donald Trump est de loin celui qui déchaîne le plus la créativité. L’une des images qui a le plus circulé est celle d’un street artist new-yorkais, Hanksy, qui l’a représenté façon « Dump Trump ». Un portrait nu du candidat avait également fait grand bruit (et l’artiste s’était fait agresser).

Le collectif d’artistes t.Rutt a racheté l’ancien bus de campagne du candidat républicain, dans le but de dénoncer sa « rhétorique clivante, xénophobe et misogyne ». | T.RUTT

A l’automne, un collectif d’artistes, t.Rutt, avait racheté l’ancien bus de campagne du candidat, trouvé sur une petite annonce, pour le refaire circuler à travers le pays en s’arrêtant dans des meetings politiques ou des festivals avec le souhait de dénoncer sa « rhétorique clivante, xénophobe et misogyne » en misant sur l’absurde. Car le collectif a choisi de remplacer son slogan « Make America Great Again » (faites que l’Amérique retrouve sa grandeur) par « Make Fruit Punch Great Again » (faites que le jus de fruits retrouve sa grandeur), et d’ajouter un point à son nom, (T.RUMP), jeu de mots sur rump, le postérieur. Un derrière qu’ils invitaient les spectateurs à botter, si l’on peut dire, en leur proposant de bombarder le véhicule de jus de fruit afin de « traduire l’émotion d’une campagne qui s’annonçait clairement agitée ».

L’équipe de Donald Trump n’a pas commenté l’affaire de la pierre tombale. Brian Andrew Whiteley espère de son côté pouvoir la récupérer afin de l’exposer, sans désirer la vendre pour le moment (elle avait été financée par des collectionneurs).