Seymour Morsy, le 18 avril 2016 à Mamoudzou. | ORNELLA LAMBERTI / AFP

Dans le bureau du préfet de Mayotte, Seymour Morsy, était affiché en majesté un imposant kakémono : « projet Mayotte 2025 », le plan de développement de l’Etat. « C’est une belle feuille de route », disait-il à ses visiteurs, les mains sur les hanches. Il n’aura pas eu le temps d’en commencer la mise en œuvre. Le 4 mai, cet homme né il y a 53 ans au Maroc, grand et un peu voûté, a été nommé préfet de l’Indre.

« Une évolution classique de carrière », assure le ministère de l’outre-mer. Mais le préfet quitte son poste sous de vives critiques, et après un mois d’avril marqué par un violent conflit social. Seymour Morsy sera resté un peu moins de deux ans en poste, le cycle habituel des préfets à Mayotte, sans doute l’un des départements les plus difficiles.

Vendredi 15 avril, alors qu’il allait récupérer son fils au judo, Christophe Brousset, résidant à Mayotte depuis une vingtaine d’années, est mortellement poignardé. Trois jours plus tard, 6 000 Mahorais défilaient à Mamoudzou pour crier leur ras-le-bol : entre 2014 et 2015, les agressions physiques ont augmenté de 50 %. Le préfet est accusé d’avoir laissé la sécurité se dégrader, même par certains de ses soutiens habituels. « Il a été totalement impuissant, explique Eric Hourcade, secrétaire général de l’UNSA Mayotte. Aujourd’hui, des gens se font justice eux-mêmes. » « La sécurité n’a pas été sa priorité », assène un haut fonctionnaire.

« Dégradation des conditions sécuritaires »

A sa prise de poste en septembre 2014, Seymour Morsy, débarquant d’Essonne où il était préfet délégué à l’égalité des chances, avait fait bonne impression. « Très vite, il s’était rendu sur le terrain à la rencontre des élus et habitants des dix-sept communes », raconte Bacar Ali Boto, premier adjoint à Mamoudzou. « Régulièrement, il réunissait les maires dans son bureau. Avant lui, ces rencontres n’étaient pas aussi structurées. » Dans l’éducation, un enjeu de taille à Mayotte au vu de la démographie, Eric Hourcade rappelle le plan d’urgence de construction d’écoles lancé en novembre 2014. « Il fallait faire vite, cela a été son premier mérite. » Le président du Medef local, Th ierry Galarme, se souvient d’un homme engagé. « Nous avons signé ensemble en janvier une charte pour aider à l’intégration des jeunes dans les entreprises. »

Mais sur l’île, certains acteurs lui reprochent un certain autoritarisme, un ton jugé parfois méprisant face aux élus locaux. « Lorsqu’une subvention était donnée à ma commune, il me lançait : ‘’Madame le maire, vous n’avez même pas dit merci’’. Cet argent il est pour nos concitoyens, nous ne sommes pas des mendiants ! », maugrée Anchia Bamana, maire de Sada.

Mardi 19 avril, la rupture a été consommée lorsque préfet, autorités et élus se sont retrouvés autour de la table pour discuter sécurité. Le ton est vite monté et les élus ont claqué la porte. « L’attitude colonialiste cela suffit !, fulmine Abdou Salam Baco, fonctionnaire à la mairie de Koungou. Ce n’est pas à lui de décider quels sujets sont importants pour nous, Mahorais. Le débat sur l’immigration clandestine ne doit pas être un tabou. » « Il a oublié qu’il n’était pas gouverneur et que la décentralisation a bien eu lieu », ironise un édile.

Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, « conscient de la dégradation des conditions sécuritaires » dans l’île, doit annoncer « d’ici à la fin du mois » de mai un « dispositif global » concernant la sécurité à Mayotte, après l’annonce par le premier ministre, Manuel Valls, d’un plan contre l’insécurité et l’immigration clandestine et d’une série de mesures s’élevant à 50 millions d’euros en faveur de Mayotte. C’est désormais le successeur de M. Morsy qui aura la mission de mettre en œuvre ces mesures.