En septembre 2013, au centre d’entrainement du Camp des Loges, à Saint Germain en Laye. | FRANCK FIFE / AFP

Il ne quittera pas le Parc comme un prince, mais, selon ses propres mots, « comme une légende ». C’est à dire, selon la définition du Larousse, comme le héros d’un « récit populaire traditionnel, plus ou moins fabuleux, merveilleux ». « Je ne suis que moi-même », affirmait pourtant Zlatan Ibrahimovic, dans un entretien au Monde, en 2013. Ce qu’il ne faut surtout pas confondre avec de la modestie : « Je pense que ’zlataner’ signifie dominer. Dans un sens bénéfique et positif, je l’espère. C’est faire quelque chose d’acrobatique, de différent, d’impossible ».

Depuis son arrivée en 2012, le Suédois est celui qui aura marché, parfois jusqu’à l’écœurement, sur le championnat de France, celui qui aura incarné, parfois jusqu’à l’écœurement, la nouvelle ère qatarie du Paris Saint-Germain, et celui qui aura fait s’emballer, parfois jusqu’à l’écœurement, la machine médiatique... Retour sur un phénomène.

  • L’homme des records

152 buts en 178 matchs et quatre saisons parisiennes. La cadence infernale parle d’elle-même. Le Suédois a parfaitement tenu son rang de première superstar du football recrutée par le PSG version qatarie. Il a d’ailleurs éclipsé tous les autres buteurs du club de la capitale. Le Portugais Pedro Miguel Pauleta, resté cinq ans au PSG (2003-2008), est relégué loin derrière : 109 buts en 211 rencontres.

Zlatan à Paris, c’est également trois titres de meilleurs joueurs de la saison en Ligue 1 (2013, 2014 et 2016), trois titres de meilleurs buteurs (2013, 2014 et 2016) et le roi des salaires puisqu’il termine sa carrière parisienne avec des émoluments de près de 1,5 millions d’euros brut par mois. On estime ses revenus annuels au PSG autour de 20 millions d’euros.

S’il ne figure qu’au 59e rang du classement des buteurs du championnat de France, dominé par l’Argentin Dellio Onnis et ses 299 buts en 449 matchs, Ibrahimovic est inégalable au ratio nombre de but par match joué, avec 0,92 but.

Zlatan Ibrahimovic s’apprête à dire quelque chose, le 8 mai à Paris. | Michel Euler / AP

  • L’homme des médias

Il aura alimenté les gazettes de la presse française comme aucun autre joueur auparavant. Zlatan Ibrahimovic aime que l’on parle de lui et la presse aime parler de lui. Il compte autant de détracteurs que d’admirateurs. Le cercle est vertueux pour tous les acteurs du football français. Le gouvernement a commenté son salaire. La presse s’est inquiétée de ses incertitudes immobilières. Au bout d’une saison, les médias auraient dû faire une overdose. Mais le Suédois alimente la bête. En marquant des buts qui n’appartiennent qu’à lui, comme face à Bastia en 2013, en exhibant ses tatouages (« Only god can judge me ») dont certains éphémères pour une opération de communication tenue secrète, en chambrant les journalistes ou ses adversaires.

L’homme fascine, bien au delà du monde du football. En 2015, il fait la couverture de la très chic revue ­Egoïste. Sous un titre emprunté à Bernanos, « Sous le soleil de Zlatan », l’écrivain et éditeur Jean-Paul ­Enthoven décrit le phénomène comme une divinité moderne, le ­surhomme ­Zlatan s’étant déjà lui-même comparé à Dieu  : « D’emblée, le zlatanisme eut donc droit à son haut rang parmi les monothéismes. Son prophète avait, et a toujours, des mauvaises manières, des muscles fiables, un don spécial pour la voltige, ainsi qu’une psyché dont la robustesse concurrence fièrement ces mobiliers en kit qui ont fait la fortune scandinave. » Il « méprise tous ceux qui ne sont pas lui » et « ignore, par principe, les dix satellites en sueur qui s’agitent dans son sillage ».

En annonçant lui-même son départ, il aura écrit jusqu’au bout sa propre histoire, sa légende, corrigerait-il, dont feront aussi partie ses dérapages.

  • L’homme des polémiques

Roi de la punchline dévastatrice, adepte du tacle les deux pieds en avant, l’ancien joueur de la Juventus Turin, du Milan AC ou du Barça gère depuis ses débuts son image de bad boy provocateur.

En quatre saisons en France, Zlatan aura multiplié les embrouilles, grandes ou petites, sur et hors du terrain. On ne compte plus les escarmouches et passes d’arme avec ses adversaires, avec notamment les Stéphanois Paul Baysse et Mustapha Bayal Sall, ou les Lillois Florent Balmont et Rio Mavuba. Ses relations avec le corps arbitral sont au diapason. Ses coéquipiers n’ont jamais été à l’abri de son ire, en toute fraternité.

« Il respecte les hommes qu’il a autour de lui », assurait au Monde en novembre 2012 le milieu du PSG Blaise Matuidi, pourtant tancé comme ses coéquipiers à la mi-temps d’un match de championnat gagné (4-0), quelques semaines plus tôt, contre Troyes. « Même mes enfants jouent mieux que vous », avait tonné le colosse dans les ­vestiaires du Parc des Princes.

Le 15 mai 2015, après un match de championnat à Bordeaux, il dérape de manière plus ou moins contrôlée devant les caméras de télévision. Mécontent des décisions arbitrales de Lionel Jaffredo, il vitupère dans les couloirs du stade : « En quinze ans de football, je n’ai jamais vu un [bon] arbitre dans ce pays de merde. » La suite est plus claire : « Ce pays ne mérite pas le PSG, nous sommes trop bons pour vous, vous devriez vous estimer heureux de nous voir à la télévision. » L’impudent sera suspendu pour quatre rencontres suite à ses propos.

Cette saison, entre deux huitièmes de finale de Ligue des champions face à Chelsea, il agace tous les anciens joueurs du club en donnant sa vision toute personnelle de l’histoire du PSG, affirmant tranquillement que « le club est né vraiment avec l’arrivée des Qataris. » Peut-il péricliter sans lui ?

Zlatan Ibrahimovic, le 20 avril 2016 au Parc des Princes. | FRANCK FIFE / AFP

  • L’homme irremplaçable ?

Pour le PSG, c’est forcément le début d’un nouveau cycle. Le club hésitait depuis quelques semaines à prolonger le contrat de son attaquant, qui quittera Paris par la grande porte, s’évitant la saison de trop. Car si le Suédois a écrasé la L1 de son talent, son bilan en Ligue des champions n’a pas forcément été à la hauteur des ambitions démesurées du PSG sur la scène européenne. Loin de soulever la coupe aux grandes oreilles, Ibrahimovic a certes empilé les buts en phase de groupes, mais aussi les cartons rouges dans les matchs décisifs, comme contre Valence puis Chelsea en huitièmes, en 2013 et 2014.

Il aura surtout échoué à porter son club vers le dernier carré continental, ombre non négligeable à son tableau de chasse, symbolisée par l’élimination piteuse en quart de finale de l’édition en cours, contre Manchester City.

Zlatan s’en va, vive Zlatan. Mais peut-on le remplacer ? Depuis des mois, les rumeurs d’intérêt du PSG pour de grands attaquants fleurissent. Mais lorsqu’on parle de Zlatan à Paris, on évoque autant une machine à buts que la pierre angulaire d’un projet économique. Seuls trois joueurs paraissent avoir la stature footballistique, marchande et médiatique : Cristiano Ronaldo, Neymar et Lionel Messi.

Le PSG aura-t-il la possibilité d’en attirer l’un des trois ? L’Argentin semble installé à vie au Barça, son coéquipier brésilien un peu moins, tandis que le Portugais du Real a déjà été approché. Si le joueur remporte une nouvelle Ligue des champions à la fin du mois face à l’Atletico, les Madrilènes seront peut-être moins enclins à le laisser partir, à moins que le joueur ne se dise justement qu’il peut changer d’air.

En attendant, le PSG a déjà annoncé... le retour de Zlatan : « Il est convenu qu’une fois sa carrière de joueur achevée, Ibra rejoindra le management du club dans un poste à responsabilités ». La légende attend son prochain chapitre.