Le milliardaire François Pinault entouré de son fils et de son petit-fils, le 27 avril, à l’Hôtel de Ville de Paris. | BERTRAND GUAY/AFP

« On m’a prévenu il y a quelques jours. J’étais en vacances, j’ai pu venir. » François Pinault junior, petit-fils de l’homme d’affaires et collectionneur, ne s’attendait pas à son quart d’heure médiatique. Couvé par l’état-major du milliardaire breton, ce jeune homme de 18 ans, qui doit passer son bac cette année, était aux premières loges lors de l’annonce, le 27 avril, de l’ouverture d’une antenne de la collection Pinault à la Bourse de commerce à Paris en 2018.

« Avec mes frère et sœur, on a assisté pendant quinze ans à la passion dévorante de notre père. » François-Henri Pinault

C’est entouré de tous ses proches, en particulier donc de son petit-fils et surtout de son fils François-Henri, que François Pinault a voulu marquer son ancrage à Paris, dix ans après avoir renoncé au projet sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt. Le bail de la concession signée avec la Ville, d’une durée de cinquante ans, couvre deux générations. Celui établi en 2006 avec la municipalité de Venise pour le Palazzo Grassi s’étire sur 99 ans. « Avec mes frère et sœur, on a assisté pendant quinze ans à la passion dévorante de notre père. L’histoire personnelle est devenue une aventure familiale. On ne fait pas ça pour cinq ou dix ans. J’ai pris l’engagement envers lui pour que ça aille au-delà d’une génération », a martelé François-Henri Pinault. Et d’ajouter : « Mon père ne voulait pas prendre cette décision seul. De façon naturelle, il m’a dit : “C’est à toi de le faire”. Et j’ai mon fils, François, qui poursuivra l’aventure. » Une aventure parisienne qui promet d’être coûteuse – on parle de 15 millions d’euros pour les deux premiers exercices.

La dépense n’a pas l’air d’émouvoir le PDG de Kering qu’on a rarement vu aussi ­rayonnant et disert que sous les lambris de l’Hôtel de Ville à Paris ce jour-là. Bien qu’il déclare être « né dans l’art », François-Henri Pinault admet ne pas avoir la « passion dévorante » de son aîné. Les œuvres qu’il achète restent dans « la sphère familiale » : elles ont seulement vocation à orner ses murs. L’homme ­d’affaires reconnaît une proximité avec des artistes tels que Damien Hirst et ­Youssef Nabil – tous deux proches de son épouse, l’actrice Salma Hayek –, Adel Abdessemed, Thomas Houseago ou ­Martial Raysse. Récemment, il a acheté une toile de Paul Rebeyrolle. Il en rit presque : tous ces créateurs figurent déjà dans la collection paternelle qui a clairement modelé son goût.

Un nouveau chapitre

Officialisé à l’hôtel de ville de Paris, le passage de témoin par anticipation n’est pas sans rappeler celui opéré voilà treize ans dans le champ des affaires. Lorsqu’en 2003, François Pinault décide de transmettre son fauteuil de président de PPR (rebaptisé Kering) à son fils, il lui offre un porte-clefs avec trois cercles en or entrelacés. Sur l’un était gravé son nom, sur le deuxième celui du fils. Le troisième ne comportait aucune inscription. Comme s’il incombait désormais à l’héritier d’écrire un nouveau chapitre. Gageons qu’il en sera de même dans quelques décennies sur le terrain de l’art. « A l’avenir, je m’impliquerai, affirme François-Henri Pinault. Je n’ai pas son expertise pour détecter, décider d’acheter ou pas. Mais je m’organiserai, m’entourerai, pour que ça continue. »