Quinzaine des réalisateurs

On pleure beaucoup, cette année, au soleil de Cannes. Après avoir versé des larmes dans les entrailles du Palais des festivals en voyant souffrir les damnés de la terre de Moi, Daniel Blake, de Ken Loach, on a sangloté à l’autre bout de la Croisette aux malheurs des enfants perdus et retrouvés de Ma vie de courgette, film d’animation de Claude Barras retenu par Edouard Waintrop, le délégué artistique de la Quinzaine des réalisateurs.

C’est loin d’être la première fois que la section parallèle présente un film sans acteurs à l’écran. Mais il est beaucoup plus rare d’y voir des productions destinées spécifiquement aux enfants, ce qui est le cas de Ma vie de courgette. Le roman de Gilles Paris, paru chez Plon en 2002, dont est tiré le film, portait le titre plus adulte d’Autobiographie d’une courgette. Ici, le scénario de Céline Sciamma et l’univers plastique et graphique de Claude Barras sont faits pour mettre à la portée des plus jeunes (à partir de huit ans – disons) cette terrible et finalement réconfortante histoire.

Les personnages sont des figurines aux grands yeux ronds animées image par image

Courgette s’appelle Icare, mais quand il arrive dans le foyer où est situé l’essentiel du film, il ne lui reste de sa mère morte que ce sobriquet, auquel il s’accroche désespérément. Les séquences d’ouverture ont montré brièvement la vie commune et morne d’une femme alcoolique et d’un petit garçon rêveur. Les personnages sont des figurines aux grands yeux ronds animées image par image, les décors semblent avoir été bricolés en classe par des enfants au goût et à l’imagination très sûrs.

Il y a là de quoi désamorcer un peu la somme de souffrance accumulée entre les murs du foyer. Non qu’on y soit méchant avec les enfants. Un peu comme dans La Tête haute, le film d’ouverture de la sélection officielle de 2015, les gens chargés de s’occuper des enfants tombés entre les mailles du filet de sécurité sont ici des professionnels compétents et d’honnêtes gens, éducateurs ou policiers.

Alliage de réalisme et de rêverie

Mais ce qui est arrivé aux enfants est terrible, à commencer par la mort de la maman de Courgette montrée ici avec un remarquable sens de l’ellipse. Ce qui suit, le passage par la police, le voyage jusqu’au foyer, l’arrivée dans un milieu inconnu, est montré avec une gravité qui évite la pesanteur grâce à l’animation. Ces êtres pourraient habiter un pays imaginaire, avec des arbres en barbe à papa et des voitures volantes, mais ce sont de vrais enfants souffrants – une petite fille qui attend le retour de sa mère expulsée, une autre qui a été violée par son père, un fils de détenu. Le scénario joue sur la compréhension qu’ont les enfants (ils ont moins de dix ans) de ces situations. Le spectateur adulte les déchiffrera sans peine, mais, dans la salle, les plus petits en feront l’apprentissage.

Si l’on n’oublie jamais qu’il s’agit d’histoires qui pourraient être vraies, c’est aussi grâce au soin qui a été porté à la mise en scène des voix. Ce sont de vrais enfants (et non pas des actrices qui parlent comme si…) que l’on entend, et les acteurs adultes (parmi lesquels Michel Vuillermoz qui prête sa voix au policier chargé du cas Courgette) prennent le même naturel – jamais on n’a l’impression d’entendre un doublage. La musique de Sophie Hunger parfait cet alliage de réalisme et de rêverie.

My Life as a Zucchini / Ma vie de courgette (2016) - Excerpt 1 (French)
Durée : 01:17

Film d’animation français de Claude Barras (1 h 06). Sur le Web : ritaproductions.com/films/ma-vie-de-courgette et www.gebekafilms.com