La réforme des rythmes scolaires est en place depuis près de deux ans dans les écoles primaires publiques (et trois ans pour les communes volontaires). | PATRICK HERTZOG / AFP

Cela fera bientôt deux ans que la totalité des communes disposant d’une école primaire appliquent la réforme des rythmes scolaires. Et même trois ans pour les 4 000 d’entre elles qui avaient choisi, dès septembre 2013, de sauter le pas et de rétablir la demi-journée d’école supprimée, en 2008, sous la droite. Les critiques générées par la « réforme Peillon » – que l’ancien ministre de l’éducation avait payée de son départ du gouvernement – demeurent vives. « Enfants fatigués », font valoir nombre de parents d’élèves qui regrettent la « pause » du mercredi matin ; impact difficile à mesurer sur les apprentissages ; « périscolaire » grignotant sur le « scolaire » ; ateliers de qualité toute relative… Avec le sentiment, partagé au sein de la communauté éducative, d’être soumis à l’arbitraire : dans telle ville, une application de la réforme ambitieuse et volontaire ; dans telle autre, une mise en œuvre a minima. Parfois gratuite… et parfois pas.

Face aux appréciations au doigt mouillé, le gouvernement a, tôt dans le quinquennat, promis une évaluation fine du retour à la semaine de quatre jours et demi d’école. S’est-elle « égarée en chemin », comme le craint le SNUipp-FSU, principal syndicat du primaire, dans un communiqué daté du 10 mai ? « Deux années après [sa] généralisation, on a beaucoup étudié l’organisation et la qualité des temps périscolaires, très peu celles des temps de l’école, fait valoir le syndicat d’instituteurs. A plusieurs reprises, la ministre de l’éducation a affirmé que les élèves de CP auraient trois semaines d’avance en lecture mais on cherche encore l’enquête objective ou le rapport qui lui ont permis d’avancer une telle conclusion. »

Pédagogie, périscolaire, fatigue : trois enquêtes en cours

Affirmant que le rapport de l’inspection générale sur l’efficacité pédagogique des nouveaux rythmes est « finalisé depuis près d’un an mais toujours pas publié », le SNUipp-FSU en appelle aux promesses de la gauche : « Vincent Peillon s’était engagé à rendre public l’ensemble des rapports de l’inspection générale qui ont été cachés ces dernières années. La transparence devait être la règle ».

Pas de freins à cette « transparence », rétorque-t-on dans l’entourage de Najat Vallaud-Belkacem, en promettant « pour juin » au moins une partie des enquêtes en cours. Car celles-ci portent sur trois domaines :

  • les « bénéfices pédagogiques », évalués par l’inspection générale – comme l’a rappelé le SNUipp-FSU – mais aussi par la DEPP, le service statistique du ministère de l’éducation ;
  • la qualité de l’offre périscolaire, sur laquelle a été mandatée, par le premier ministre en personne, la sénatrice de Gironde Françoise Cartron (PS).
  • la fatigue des enfants. Deux études sont en cours : une dirigée par le chronobiologiste François Testu et centrée sur la ville d’Arras (Nord) et une autre menée conjointement par le ministère de l’éducation et l’université de Tours.

Un bilan politiquement risqué

Que ressortira-t-il de ces différents rapports, s’ajoutant à ceux des associations d’élus et des Caisses d’allocations familiales (CAF), et interrogeant, tous azimuts, tout le spectre des nouveaux rythmes ? Le bilan d’étape rendu public le 22 juin 2015 par le Comité national de suivi de la réforme présidé par la rectrice de Lyon, Françoise Moulin-Civil, rappelait que les « bénéfices pédagogiques se mesureront scientifiquement sur le temps long ».

Pris entre le temps de l’école et celui de la politique, la gauche peut difficilement différer. D’autant que les opposants à la réforme mettent, eux, en avant leur propre bilan : 98 % des 800 professeurs des écoles parisiens sondés par le SNUipp-FSU-Paris, fer de lance de la contestation des nouveaux rythmes, estiment que les « objectifs ne sont pas atteints ». « Les élèves sont plus fatigués, moins disponibles pour les apprentissages. Leur comportement s’est dégradé », soutient Jerome Lambert, porte-parole syndical, en résumant l’enquête rendue publique le 9 mai.

Reste qu’à un an de l’échéance présidentielle, le gouvernement prend indubitablement un risque à communiquer sur cette mesure si difficilement engagée aux premières heures du quinquennat, alors qu’il lui reste à mettre en musique, en septembre 2016, son dernier grand chantier : la réforme du collège, tout aussi décriée.

Un constat partagé mais une réforme décriée

La réforme des rythmes scolaires repose sur un constat : les écoliers français avaient le nombre de jours d’école le plus faible des 34 pays de l’OCDE (144 jours contre 187 jours en moyenne), une semaine particulièrement courte avec 4 jours d’école par semaine, contre 5 voire 6 chez la plupart de nos voisins européens et une année scolaire concentrée sur seulement 36 semaines.

Le constat avait été posé sous la droite. La gauche, avant même son installation au pouvoir, l’a cru unanimement partagé au point d’en faire la première pierre de son édifice de « refondation » de l’école. Mauvais calcul ? Sans contester le besoin d’un changement, les enseignants, les maires et les parents opposés au « décret Peillon » n’ont eu de cesse de réclamer une « autre réforme ».