Les routiers de Force ouvrière (FO) ont appelé à une grève reconductible à partir de mardi 17 mai. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Barrages filtrants, ports bloqués, trains annulés, avions à l’arrêt. Sept syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL et FIDL) ont appelé leurs organisations respectives à « construire » deux nouvelles journées de grève et de manifestations les 17 et 19 mai. A partir du mardi 17 mai, l’opposition à la loi travail veut donc remobiliser ses troupes, malgré l’adoption du projet en première lecture à l’Assemblée.

Des grèves reconductibles sont prévues chez les routiers, dockers, marins, facteurs, à la SNCF ainsi qu’à Paris Aéroport (groupe Aéroports de Paris), le rejet de la loi travail se greffant parfois sur des revendications propres à chaque secteur. De manière générale, les syndicats jugent le texte trop favorable aux entreprises et pas assez protecteur pour les salariés, en particulier parce qu’il instaure la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche.

  • Routiers :

Les routiers ont été les premiers à ouvrir le bal dans la nuit de lundi à mardi, à l’appel des fédérations FO, CGT et SUD. Leur mouvement devrait toucher le Nord, Nantes, Caen, Marseille et surtout Bordeaux, mais pas l’Ile-de-France, selon les syndicats.

Les routiers sont particulièrement remontés contre l’article 2 du projet de loi, qui porte sur le temps de travail, et qui pourrait engendrer une baisse drastique de leur salaire. Cet article offre aux employeurs le droit de réduire, via un accord d’entreprise, la rémunération des heures supplémentaires à 10 %, contre 25 % à 50 % actuellement.

Or, les heures supplémentaires « font partie intégrante de la rémunération » des routiers, explique FO. Pour un chauffeur « qui fait 200 heures par mois, c’est 1 300 euros en moins sur la fiche de paie » annuelle, calcule le secrétaire général de la CGT des transports, Jérôme Vérité.

  • SNCF et RATP :

A la RATP, le préavis déposé par la CGT ne couvre que la journée de mardi. Mais à la SNCF, la CGT-Cheminots, le premier syndicat, a appelé les salariés du groupe public ferroviaire à cesser le travail chaque mercredi et jeudi. SUD-Rail, le troisième syndicat, a appelé, lui, à se mobiliser tous les jours jusqu’au 11 juillet, soit le lendemain de la finale de l’Euro de football. Les deux syndicats ont une audience forte chez les conducteurs, soit 75 % à eux deux.

Les cheminots entendent dénoncer la loi El Khomri, mais surtout peser dans les négociations en cours sur leurs conditions de travail, alors que l’ouverture totale du trafic ferroviaire à la concurrence est prévue en 2026. Cette ouverture à la concurrence prévoit que d’autres compagnies pourront se servir du réseau existant pour faire circuler leur train. Ce qui implique surtout de nouveaux salariés. Tout l’enjeu est donc de négocier les conditions de recrutement de ces nouveaux personnels.

Les syndicats de la SNCF estiment que les conditions de négociation de cette convention collective commune – impliquant le fret, les voyageurs, la SNCF et les acteurs privés – sont insatisfaisantes. Les négociations de branche, ouvertes mi-avril, doivent aboutir d’ici à fin juin, afin que l’ouverture totale à la concurrence se déroule dans de bonnes conditions (de sécurité et sans dumping social). Des accords d’entreprise viendront compléter le dispositif légal.

Parallèlement à ces négociations, les cheminots de la SNCF et leur direction planchent sur une nouvelle organisation du travail, visant à harmoniser leur situation avec celle des opérateurs privés. Les syndicats de cheminots défendent, contre l’avis de leur direction, leur droit à être indemnisés pour le trajet séparant leur domicile de la gare. Un trajet considéré comme un temps de travail effectif.

Enfin, les cheminots réclament l’ouverture de discussions salariales pour permettre des embauches immédiates, afin de répondre aux urgences, comme les suppressions de plus en plus courantes de TER.

  • Paris Aéroport :

A Paris Aéroport (groupe ADP), la CGT a appelé tout le personnel à faire grève dès mardi pour 24 heures reconductibles, FO s’est inscrite dans un mouvement à durée indéterminée, et l’UNSA a déposé un préavis de 24 heures à partir de jeudi à 11 heures.

Les trois syndicats réclament le retrait du projet de loi travail. Ils ont également des revendications propres à leur entreprise. La CGT appelle ainsi à la « mise à niveau des effectifs », « l’arrêt de la remise en cause des acquis sociaux », « l’amélioration des conditions de travail » et le « dialogue social ».

L’USAC-CGT, premier syndicat de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), a lui aussi fixé un préavis de grève jeudi, « pour le retrait du projet de réforme du code du travail et contre le passage en force du gouvernement ». Le 28 avril, 20 % des vols avaient été supprimés à Orly, en raison de la grève des contrôleurs aériens contre le projet de loi travail.

  • Marins et dockers :

Les fédérations CGT des marins et des dockers ont invité, le 11 mai, leurs syndicats à mener des « actions fortes » à compter de mardi, en « n’hésitant pas à faire des grèves reconductibles ou des grèves illimitées » en opposition au projet de loi travail. Elles dénoncent un texte qui va « régir notre quotidien, notre temps de travail, nos salaires, nos emplois et remettre totalement en cause nos acquis ».

La Fédération nationale des ports et docks CGT a relayé le message en appelant à « deux arrêts de travail de 24 heures », mardi et jeudi, « en réponse à l’utilisation du 49.3 », une « basse manœuvre » et « un mépris pour les travailleurs en lutte ».

  • La Poste :

La Fédération nationale des salariés du secteur des activités postales et de télécommunications CGT a déposé un préavis de grève mardi pour « les personnels de La Poste », « quel que soit leur statut ». Elle exige « le retrait immédiat du projet de loi travail » et « la construction d’un code du travail du XXIe siècle pour faire progresser le droit du travail dans l’entreprise », ce qui passerait notamment par le « maintien et renforcement de la hiérarchie des normes ».

D’autres revendications s’y ajoutent, dont « la durée légale du temps de travail à 32 heures hebdomadaires en jour et 28 heures en nuit, avec au minimum, maintien des salaires et création d’emplois nécessaires ».