Alain Juppé, pendant une réunion pour exposer son programme économique à Paris le 19 mai. | ERIC FEFERBERG / AFP

Dès le départ, Alain Juppé a annoncé la couleur : « Je vous préviens, ça ne va pas être rock’n’roll ce que je vais vous dire ». Pas de slogan, ni de phrase choc : fidèle à son style, le favori de la primaire à droite pour la présidentielle a exposé son programme économique sur un ton posé et volontairement studieux, mardi 10 mai, lors d’un meeting au Palais des congrès de Paris, à la veille de la publication de son livre Cinq ans pour l’emploi (JC Lattès, 264 pages, 12 euros).

Cela ne l’a pas empêché de tenir un discours radical sur le fond. Pendant plus d’une heure, le maire de Bordeaux s’est posé en réformateur déterminé, qui n’hésitera pas à engager les mesures nécessaires pour redresser le pays. Sans forcément chercher à plaire. « J’ai réfléchi à la politique que je veux conduire en pensant à son utilité pour la France et non aux paillettes, écrit-il dans son troisième ouvrage programmatique, après ceux sur l’éducation et la sécurité. La campagne ne doit être ni un spectacle, ni un concours Lépine de la proposition la plus alléchante. »

Faisant « le pari que les Français attendent du sérieux », M. Juppé affirme vouloir leur tenir un discours de vérité sur l’ampleur des efforts à fournir. « C’est en disant clairement avant les élections ce que l’on entend faire, que l’on acquiert la légitimité pour le mettre en œuvre », juge-t-il, en s’engageant à ne boucler qu’un « seul mandat ». Un gage, selon lui, de sa capacité à mener des réformes structurelles – souvent impopulaires – sans se soucier de sa réélection. Car son projet visant à atteindre « le plein-emploi » se veut résolument libéral, et ne paraît pas aisé à mettre en œuvre dans son intégralité. La ligne directrice ? Une politique de l’offre pour restaurer la compétitivité des entreprises, plutôt qu’une politique de relance keynésienne par le pouvoir d’achat.

Des réformes lourdes

Pour alléger les contraintes pesant sur les entreprises et leur permettre de créer de l’emploi, M. Juppé propose une baisse du coût du travail en refondant tous les allégements de charges existants en un seul dispositif concentré sur les bas salaires ; une réduction des cotisations patronales familles à hauteur de dix milliards d’euros, financée par une hausse d’un point de TVA ; ainsi qu’une diminution de onze milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés. L’ex-premier ministre promet également d’abolir l’ISF dès 2018 ; de supprimer les 35 heures, en fixant à 39 heures la durée de référence du travail ; ou de faciliter les conditions du licenciement pour introduire davantage de flexibilité de l’emploi. Son seul geste de redistribution vise les familles, qui bénéficieront d’une baisse de leur impôt sur le revenu de deux milliards, via un relèvement du plafonnement du quotient familial.

Résolu à financer son projet sans creuser les déficits, M. Juppé s’engage à tailler dans les dépenses publiques, en réalisant entre 80 et 100 milliards d’économies. Au menu : la réduction de 250 000 postes de fonctionnaires, le report de l’âge légal de la retraite à 65 ans, la diminution des dépenses d’assurance maladie, le plafonnement des minima sociaux ou la dégressivité des allocations-chômage.

Des réformes lourdes, qui visent autant à faire redémarrer l’économie française qu’à contrer les attaques de ses rivaux. Lesquels mettent en doute sa volonté de transformer le pays, en le présentant comme un « mou ». « Alain Juppé porte un programme volontairement libéral car il veut montrer qu’il saura réformer, tout en rappelant qu’il est bien de droite pour consolider sa popularité auprès de l’électorat de la primaire », explique un proche. Pour accréditer cette idée, M. Juppé a joué le clivage, en lançant à la tribune : « On me dit toujours que la droite et la gauche font la même politique, ce n’est pas vrai ! »