La justice française a déclaré jeudi 9 juin « irrecevable » une plainte en diffamation du Maroc contre Zakaria Moumni, un jeune boxeur qui a porté plainte en France pour torture contre le patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi. Cette affaire avait nourri un désaccord diplomatique entre Paris et Rabat.

Le tribunal correctionnel de Paris a estimé que le royaume, un Etat ne pouvant « être assimilé à un particulier », ne pouvait poursuivre en diffamation au titre de l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 qui « réprime la diffamation publique commise envers les particuliers ».

Sans trancher sur le fond, il a donc déclaré « le royaume du Maroc irrecevable en son action à l’encontre de Zacharie (dit Zakaria) Moumni ».

La justice française a été saisie de plusieurs plaintes mettant en cause le patron marocain du contre-espionnage (DGST) Abdellatif Hammouchi ou émanant des autorités marocaines, notamment pour dénonciations calomnieuses. En revanche, c’est la première fois que l’un de ces dossiers arrivait au tribunal.

« Enlevé, séquestré et torturé »

Les propos attaqués par le Maroc avaient été prononcés par Zakaria Moumni en marge de la grande manifestation du 11 janvier 2015 après les attentats de Paris. L’homme avait dénoncé sur les chaînes iTélé et BFMTV la présence dans la capitale de représentants du Maroc, estimant qu’ils n’y avaient « pas leur place ». Il avait réaffirmé avoir été « enlevé, séquestré et torturé » au Maroc, mettant à nouveau en cause le patron du contre-espionnage de Rabat.

Les avocats du royaume, Yves Repiquet et Ralph Boussier, ont immédiatement annoncé dans un communiqué qu’ils feraient appel de ce jugement « afin que le crédit médiatique qui a été accordé aux propos de M. Moumni soit définitivement ruiné et qu’un Etat puisse défendre son honneur devant les juridictions françaises ».

Le défenseur du boxeur s’est au contraire félicité de « l’effet boomerang de la plainte du Maroc », pour deux raisons : « La première, c’est qu’il est de notoriété publique que la torture est pratiquée au Maroc, et la deuxième, est que si le royaume s’est imaginé qu’on pouvait bâillonner toute critique du pouvoir dans un pays démocratique, c’est raté », a expliqué Me Patrick Baudouin.