The logo of French flag carrier Air France is pictured at the headquarters in Roissy, northeast of Paris, on October 12, 2015. Five Air France employees were arrested on October 12 over the violent scenes that saw an executive for the struggling airline have his shirt ripped off as he fled an angry mob, police sources said. The five men arrested work for the Cargo Air France division but are not elected union officials, one of the sources said. Several hundred employees disrupted a meeting on October 5 at Air France's headquarters near Paris' Charles de Gaulle airport while executives were detailing plans to lay off 2,900 workers as part of cost-cutting measures. AFP PHOTO / THOMAS SAMSON | THOMAS SAMSON / AFP

J-2. Alors que l’Euro 2016 de football démarre vendredi 10 juin, la situation ne s’améliore pas à Air France : les trois syndicats de pilotes ont rejeté, jeudi matin, le nouveau protocole de fin de conflit transmis dans la nuit par la direction. Mercredi soir, le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), le Syndicat des pilotes d’Air France (SPAF) et Alter – les trois syndicats de pilotes représentatifs – avaient déjà indiqué qu’ils maintenaient le « préavis de grève prévue du 11 au 14 juin ». La compagnie aérienne a indiqué qu’elle devrait annoncer, dans la journée, les « premières annulations de vols » pour cause de grève, notamment à travers l’envoi « de SMS aux passagers ». La loi Diard oblige en effet les grévistes à se déclarer 48 heures à l’avance.

Mais pourquoi les syndicats de pilotes ont-ils appelé leurs adhérents à la grève ? Cette fois, ce n’est pas tant la question des salaires que celle du « maintien de l’activité pilotes » qui les motive, expliquent-ils. Et ils assurent ne pas profiter de l’Euro en France pour se faire entendre, évoquant juste une « concomitance de calendrier ».

  • Une demande rééquilibrage de l’activité entre Air France et KLM

« Cela fait dix-huit mois que nous sommes en désaccord avec la direction qui a choisi de faire porter la croissance du groupe chez KLM en Hollande plutôt qu’en France », se désespère Philippe Evain, président du SNPL, syndicat très majoritaire chez les pilotes (65 %).

Aux yeux des pilotes, la compagnie tricolore décline d’année en année au profit de sa consœur néerlandaise, malgré les accords passés lui garantissant un nombre d’heures de vol supérieur.

Selon leurs calculs, Air France devrait augmenter la flotte long-courrier de la compagnie de vingt appareils supplémentaires pour combler le « déséquilibre » avec KLM.

« Ça ne demande pas d’acheter des avions à la fin de la semaine, ni d’avoir une croissance à 15 %. Il suffit juste de changer la répartition du nombre d’avions nouveaux déjà programmés, en accordant la priorité à Air France, sans faire décrocher KLM », assure Emmanuel Mistrali, porte-parole du SNPL.

Ce n’est pas l’objectif de la direction. D’ici à la fin 2017, la flotte d’Air France devrait accueillir cinq long-courriers Boeing 787. Dans le même temps, la compagnie mettra au rancart un nombre équivalent d’Airbus A340.

Ce jeu à somme nulle ne satisfait en rien les pilotes. Selon eux, ce différentiel fait perdre plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel à Air France. « C’est 20 % du chiffre d’affaires qui est volé » chaque année, déplore Philippe Evain.

Par ailleurs, à ce stade, M. Gagey se refuse à prendre tout engagement, indiquant que ceux-ci sont de la responsabilité du PDG d’Air France-KLM : or, Jean-Marc Janaillac, qui a été nommé pour succéder à Alexandre de Juniac à la présidence de la compagnie franco-néerlandaise, ne prendra ses fonctions que le 4 juillet. Avant cette échéance, il ne souhaiterait pas intervenir dans le conflit.

  • La baisse des rémunérations pèse aussi sur les discussions

Pour le président du SNPL, ce conflit n’a rien à voir avec les salaires. « Les conditions salariales des pilotes sont secondaires », explique-t-il. Pourtant, depuis le 1er juin, la direction de la compagnie a décidé de baisser les rémunérations de ses navigants. Ce coup de rabot devrait rapporter environ 25 millions d’euros à Air France.

En marge du congrès annuel de l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui se tenait à Dublin (Irlande) du 1er au 3 juin, Frédéric Gagey, PDG d’Air France, a justifié cette décision au nom de la cohésion de l’entreprise. Et, pour l’instant, aucune issue de sortie de crise n’est en vue.

Contrairement aux autres catégories de personnel, les pilotes n’ont pas tenu leurs engagements de 2012, dans le cadre du plan de restructurations Transform 2015, de dégager 20 % de gains de productivité.

A moins d’un mois de l’arrivée, prévue le 4 juillet, aux commandes d’Air France-KLM du nouveau PDG Jean-Marc Janaillac, M. Gagey souhaite solder le plan Transform avec les pilotes pour enfin « tourner la page ». D’après lui : « Air France reste sur la même ligne. Nous avons essayé de finaliser Transform par la négociation ». Sans succès.

Pour le PDG, « il ne s’agit pas d’une agression. Les salaires des pilotes ont augmenté en moyenne de 5 % à 6 % ces dernières années ».

  • La grève n’est pas illimitée, mais possiblement reconductible

Le SNPL et les autres syndicats ont choisi des grèves de courte durée « pour laisser de la place à la négociation », explique M. Evain. Pourtant, par référendum, le SNPL a obtenu de ses adhérents le mandat de déposer des préavis de grève de plus de six jours.

Mais contrairement au conflit de 2014, le syndicat ne « souhaite pas faire une grève illimitée par souci de ménager les (…) clients ». Ainsi le SNPL, à la différence des autres syndicats de pilotes, a choisi de faire grève « le matin, le midi et le soir pour ne pas bloquer complètement l’entreprise ».

Les syndicats affichent « une détermination sans faille ». Ils menacent de déposer des préavis de quatre jours de grève à répétition « tant que nous n’aurons pas obtenu satisfaction ». Les pilotes sont d’autant plus déterminés qu’ils sont « convaincus d’être soutenus par les (…) autres catégories de personnels », dit M. Evain.

De fait, les hôtesses et stewards sont en négociation avec la direction pour renouveler leur accord collectif, qui expire en octobre, et menacent, eux aussi, de se mettre en grève. « Nous sommes assez d’accord avec eux », indique un des principaux syndicats d’hôtesses et de stewards. L’arrivée de nouveaux avions signifiant la création d’emplois avec l’embauche de nouveaux équipages et de personnels au sol.