Le père Alex Adkins est un Anglais en colère. Il est « atterré » par le niveau de la campagne pour le référendum du 23 juin. « Tout le débat se résume à combien vais-je gagner si nous restons dans l’UE ? Combien je risque de perdre si nous sortons. Voilà où nous en sommes ! J’ai honte ! », s’étrangle le prêtre catholique en charge de la paroisse de St-Mary à Boston (Lincolnshire, nord-est de l’Angleterre), une ville secouée par l’arrivée récente de nombreux travailleurs d’Europe de l’Est attirés par les emplois dans l’agriculture locale.

Dans son bureau tapissé de livres, le prêtre âgé de 72 ans témoigne d’une vivacité de jeune homme. Il invoque l’héritage des chrétiens-démocrates, pères fondateurs de l’Europe. « Adenauer et Schuman ont conçu l’Europe d’après-guerre sur la base de la solidarité. Je suis peiné que tout cela ait été complètement perdu. On ne parle plus que d’argent, de bénéfices. C’est épouvantable. »

« Trump avec un accent chic »

Souriant derrière ses lunettes, le prêtre se fait cassant lorsqu’il évoque Boris Johnson, ancien maire de Londres et leader de la campagne pro-« Brexit ». « C’est [Donald] Trump avec un accent chic », assène-t-il. Pour lui, le regain nationaliste qui alimente le vote « out » se nourrit de la nostalgie à l’égard de l’empire britannique perdu. « Nous avons vu pendant des siècles ce que donnaient les Etats-nations. Il est temps de dépasser le stade de la compétition entre Etats. »

Mais ce qui le révulse le plus, c’est l’exploitation du thème de l’immigration, extrêmement sensible à Boston. « La réalité est que les étrangers acceptent les emplois que les Anglais ne veulent pas faire ou font mal. Ils ne prennent le travail de personne et, sans eux, le NHS [service national de santé qui emploie beaucoup d’étrangers] s’effondrerait. » Il est vrai que pour la paroisse catholique, l’afflux d’Européens de l’Est a constitué une aubaine. « Les Polonais lui ont redonné une nouvelle vie », reconnaît le père Adkins.

Le curé de Boston constate que l’accueil d’étrangers constitue un défi pour la ville et pour sa paroisse, mais lui qui est « habitué à être entourés de gens de toutes origines, Polonais, Portugais, Philippins, Antillais » se dit « effrayé par l’attitude des responsables politiques dans ce référendum ». Que deviendraient les Européens de l’Est venus pour travailler à Boston si le  « Brexit » passait ? Seraient-ils contraints au retour ? « Si nous perdions le référendum, envisage le prêtre, il faudrait en parler sérieusement. Pour l’instant, nous prions. »