Le bar restaurant hôtel du Cadran, le vendredi 3 juin, à Longjumeau, dans l’Essonne. | PIERRE BOUVIER / LE MONDE

Il aura fallu moins de trente minutes pour que l’eau envahisse son restaurant. Il faudra cinq mois pour effacer les stigmates de cette inondation aussi soudaine que violente. Au lendemain des crues diluviennes qui ont ravagé la ville de Longjumeau, en Essonne, les habitants pansent leurs plaies, comme Saidh Aissou, le propriétaire du bar brasserie hôtel du Cadran. Deux jours plus tôt, mercredi 1er juin, l’Yvette a débordé, s’immisçant du rez-de-chaussée à la cave, en passant, parfois, au premier étage des habitations. Depuis, la rivière a regagné son lit. Elle continue à couler, tumultueuse.

Il est 16 heures ce vendredi 3 juin, la ville attend la visite de Manuel Valls. Le premier ministre vient parler des indemnisations des victimes des intempéries. Il est accompagné de Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France et de Bernard Spitz, président de l’Association française de l’assurance (AFA).

Deux tonnes de nourritures jetées

Les rideaux des magasins sont fermés. Pourtant, les commerçants s’affèrent, à l’arrière de leur boutique, dans leur cave. Dans certaines, l’eau est montée à 1,80 mètre, comme chez Eric Péan, propriétaire de la boucherie qui porte son nom, dans la rue du Président François Mitterrand. Il avait pourtant anticipé la montée des eaux, en surélevant tous ses produits de quelques centimètres. Mais jamais il n’aurait imaginé que son établissement serait autant submergé.

Eric Péan, propriétaire de la boucherie qui porte son nom, dans la rue du Président François Mitterrand, à Longjumeau, dans l’Essonne. | PIERRE BOUVIER / LE MONDE

« La population a été très surprise, prise à court, par cette montée rapide de l’eau et par l’ampleur des dégâts », explique Sandrine Gelot, la maire (Les Républicains) de Longjumeau. « Ça a commencé mercredi matin, à 7 heures, j’étais venu pour l’ouverture, comme d’habitude. Mais le sous-sol était déjà plein d’eau. Je n’avais plus de courant », raconte Saidh Aissou, qui a reçu la visite des officiels.

« Jamais je n’aurai laissé des amis dormir dans un gymnase »

Le patron du Cadran et les autres commerçants déplorent tous des pertes considérables. « J’ai tout perdu : denrée alimentaire, frigo, mobilier, chaudière, moteur, bar, boiserie. Au total, pour nous, c’est 900 mètres carrés d’impactés », se désole M. Aissou, une photo de son enseigne à la main, datant de 1903. Jacky Lecos et son cousin Michael Lecos, qui tiennent le charcutier traiteur Au Plaisir des papilles, accusent 35 000 à 40 000 euros de dégâts. Lors de la crue, la cave stockait un repas destiné à quatre cents personnes. Résultats : les deux commerçants ont jeté près de deux tonnes de nourritures. « Ce serait trop long de dire toute notre misère, mais elle est énorme », résume Jacky Lecos, dont la pompe à eau vient de tomber en rade après avoir désengorgé la cave sans discontinuer pendant 24 heures.

« On s’est débrouillés seuls, on a vidé nos caves, les pompiers étaient complètement assaillis de demandes. »

Le vendredi 3 juin 2016, Jacky et Michael Lecos dans les sous-sols de leur charcuterie inondée, à Longjumeau, dans l’Essonne. | PIERRE BOUVIER / LE MONDE

Dans cette ville de 22 000 habitants, une vingtaine de commerces ont été inondés, deux milles personnes ont dû être évacuées. Et autant étaient toujours privées d’électricité vendredi à 17 heures. Parmi elles, seulement une centaine a passé la nuit dans le gymnase de la ville, transformé en centre d’urgence. « Beaucoup de gens ont trouvé des modes de relogement par eux-mêmes. La mairie a également mis à disposition une liste de volontaires disponibles pour accueillir les victimes des crues », détaille la maire de la ville, qui est née à Longjumeau et confie n’avoir jamais connu une telle situation. Jacky Lecos, dont le logement a été épargné par les crues, a hébergé sept sinistrés chez lui :

« Ici, il y a beaucoup de solidarité, jamais je n’aurai laissé des amis dormir dans un gymnase. »

« On ne veut pas que des discours »

Les habitants sont conscients que ces relogements au débotté appellent à des solutions plus pérennes. Lors de son discours, Manuel Valls a d’ailleurs insisté sur le « souci des victimes » quant à « la rapidité et l’efficacité » de la prise en charge par les assureurs. « C’est déjà un bon signe que le gouvernement se préoccupe de notre sort. Mais on ne veut pas que des mots », réagit le gérant du Cadran, à qui le premier ministre a rendu visite.

Saidh Aissou, patron du Cadran, inondé mercredi 1er juin, à Longjumeau, dans l’Essonne. Il prévoit plusieurs mois de travaux et attend l’expert. | PIERRE BOUVIER / LE MONDE

Sur ce point, Juliette Méadel, la nouvelle secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, se veut rassurante. Elle a été chargée par M. Valls de réunir, dès lundi, les assureurs pour faciliter et accélérer l’indemnisation :

« Il faut des indemnisations simples et rapides. Ça veut dire que des avances doivent être versées dans des délais minimums, avec des formalités allégées sans exigence de nombreuses factures. »

Pour l’heure, les dirigeants de l’AFA estiment à 600 millions le montant des dommages. Mais la situation devrait évoluer, les habitants étant encore en train de constater les dégâts. Jacky Lecos espère rouvrir dans une dizaine de jours. Saidh Aissou, lui, table sur cinq mois de travaux. Et d’ajouter : « le vrai combat commence. »