Pierre Gattaz, président du Medef, le 22 mars à Paris. | THOMAS SAMSON / AFP

Sauf coup de théâtre, la négociation sur l’assurance-chômage, engagée fin février, risque fort de se solder par un échec. Lundi 13 juin, le Medef, qui réunissait son conseil exécutif (CE), s’est montré inflexible : pas question de discuter d’un relèvement des cotisations sur les contrats à durée déterminée (CDD), dans le cadre des discussions relatives à la nouvelle convention Unédic, l’association chargée de gérer l’assurance-chômage. Or c’était une condition sine qua non posée par les syndicats pour parapher un éventuel accord. Dès lors, la probabilité est forte que les partenaires sociaux constatent leur incapacité à s’entendre, jeudi 16 juin, au cours de leur prochaine rencontre sur le sujet, et se séparent sans avoir trouvé le moindre compromis.

La décision du Medef a été approuvée par une « grosse majorité » des présents selon une source patronale, par « la quasi-totalité » d’entre eux selon une autre. Parmi les quelques voix favorables à un geste sur les CDD, la fédération de la métallurgie et celle de la plasturgie. « On ne peut pas revendiquer davantage de souplesse en faveur des entreprises et, en même temps, accepter une augmentation des contributions pesant sur celles-ci alors que se dessine une reprise, confie un membre du CE. D’autant que le frémissement de notre économie passe justement, dans un premier temps, par le recours à des CDD, en particulier chez les petites et moyennes entreprises (PME). S’ils sont plus taxés, elles en signeront moins et l’emploi va être pénalisé, au final. »

« Ligne dure »

Pour cette même source, le projet d’accord qui s’esquissait présentait un autre défaut : il ne permettait pas de dégager des « économies structurelles », ce dont le régime d’assurance-chômage a précisément besoin. « Une hausse des contributions fait plaisir aux syndicats mais ce n’est pas la solution », ajoute ce représentant patronal. « Nous n’avons plus rien à donner en échange, insiste un autre membre du CE. Les entreprises, surtout les plus petites d’entre elles, ne peuvent plus supporter de charges supplémentaires. Le CICE avait justement été mis en place pour les réduire. »

La position réaffirmée lundi par le Medef n’a surpris personne, au sein du gouvernement comme chez les syndicats. « Il adopte une ligne dure, c’est lié à des questions d’équilibre interne, commente une source au sein de l’exécutif. Les tenants du dialogue, qui recherchaient un compromis avec les centrales de salariés, n’ont pas eu gain de cause. » L’organisation de Pierre Gattaz a une autre préoccupation en tête : sa « représentativité », qui sera mesurée en 2017 (tout comme celle des autres syndicats d’employeurs), ce qui l’amène à tenir compte de l’opinion des PME, très remontées contre l’idée de majorer les prélèvements sur les CDD, observe Jean-François Foucard (CFE-CGC). La – difficile – mise en place du compte pénibilité dans les entreprises et le projet de loi travail contribuent aussi à mettre sous tension le monde patronal.

A l’arrivée, il y a un fort sentiment de gâchis. « Ils nous ont menés en bateau depuis le début, ils n’ont jamais vraiment négocié. Les discussions n’ont tout simplement pas démarré », s’indigne Eric Aubin (CGT). « On regrette l’obstruction du Medef. Si elle se traduit par un constat de désaccord, il en portera l’entière responsabilité », complète Michel Beaugas (FO).

Du côté de l’exécutif, on fait mine de croire que la messe n’est pas encore dite. « Qui sait ? Un rebondissement peut se produire d’ici au 16 juin », indique-t-on à Matignon. « Il faut attendre », renchérit un conseiller. Dans l’entourage de la ministre du travail, Myriam El Khomri, l’hypothèse d’un compromis à l’arraché n’est pas écartée : « Si les autres membres de la délégation patronale (CGPME, UPA) sont sur une ligne différente que celle affichée par le Medef, les discussions pourraient se poursuivre, uniquement avec eux, explique-t-on au ministère du travail. Contrairement aux entreprises, les règles de représentativité ne s’appliquent ni aux accords d’assurance-chômage ni à leurs conditions de négociation. »

Mais ce scénario semble peu probable tant les syndicats patronaux semblaient, ces derniers mois, au diapason, tous unis contre une hausse des cotisations. Si l’échec des négociations se confirme, le gouvernement reprendra la main. Il pourra, alors, soit proroger la convention actuelle, signée en 2014, pour une durée qu’il devra fixer. Soit élaborer de nouvelles dispositions pour le régime général d’assurance-chômage. Au ministère du travail, on affirme que toutes les possibilités ont été étudiées et que les équipes sont prêtes à tous les scénarii. « Il y a tout un tas de paramètres sur lesquels nous pourrions jouer pour réaliser des économies », explique une source au sein de l’exécutif. Mais le plus probable est que le dispositif mis en place en 2014 sera prolongé, avec le risque de ne pas tenir les engagements pris à l’égard de Bruxelles en matière d’économies (1,6 milliard d’euros sur 2016 et 2017).

Seul point positif pour le gouvernement, l’accord conclu le 28 avril sur le régime des intermittents du spectacle devrait, lui, entrer en vigueur. Si le gouvernement proroge la convention actuelle, il lui suffira, selon le ministère du travail, d’inclure les modifications apportées aux annexes 8 et 10.