« Nous attendons une réponse valable, durable pour ces femmes qui souffrent. Il y a à peu près vingt ans que ces femmes souffrent ! » Théodile Mbilizi Bulabula est coordinatrice de la Dynamique des femmes du Kivu, une région de l’est de la République démocratique du Congo en proie à une instabilité chronique nourrie par des groupes armés locaux ou étrangers.

Selon l’ONU, le pays compte 1,8 million de déplacés, qui vivent dans une précarité extrême. « Il faut la guerre finisse, que la guerre cesse. Tous les jours, il y a des tueries, des morts, des violences… En tout cas, trop c’est trop ! », s’énerve la militante.

En attendant une paix durable, il faut sensibiliser, prévenir, lutter contre l’oubli, contre la banalisation. Avec d’autres Congolaises engagées, elle espère donc renforcer ses capacités lors du Sommet humanitaire mondial, du 23 au 24 mai à Istanbul, en Turquie. Elle n’est pas venue les mains vides : dans sa valise, des « petits livres » pour qu’on « se souvienne » des femmes qui risquent d’être violées par des hommes armés en allant au champ ou chercher du bois, de l’eau. D’autres sont parfois obligées de se prostituer pour faire vivre leur famille.

Au Nord-Kivu et en Ituri

Les femmes se sacrifient car elles « prennent leurs responsabilités plus au sérieux », expliquait fin avril Chaloka Beyani, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme des personnes déplacées, qui venait de visiter des camps dans les provinces troublées du Nord-Kivu (Est) et de l’Ituri (Nord-Est). Reste que certains jugent que leurs besoins ne sont pas assez pris en compte. Comme Annie Matundu Mbambi, consultante en genre et développement, qui appelle l’ONU à doper la « dimension genre » de son assistance humanitaire. « Ça fera pour nous un atout pour pouvoir continuer notre plaidoyer sur la cause de la femme, qui souffre réellement, qui est en même temps victime et survivante. »

Le 23 mai, en marge du sommet d’Istanbul, le premier du genre, Care International, ONU Femmes, Oxfam Canada et Action Aid vont plancher sur comment soutenir les femmes et les filles – où qu’elles vivent – afin d’en faire des acteurs de résilience sociale en cas de crise. Dans un communiqué diffusé la veille du sommet, Wolfgang Jamann, secrétaire général et PDG de Care, souligne que pour aider des victimes à survivre avec « dignité », il faut prendre en compte leurs besoins spécifiques, mais que « trop souvent » la question du genre est considérée « après coup ».

C’est ainsi que la promiscuité des abris favorise des violences sexuelles « dont on ne parle pas », estime Faida Fabiola Mwangilwa, ex-ministre congolaise de la condition féminine. Peut-être plus tabou encore, il y a l’accès aux serviettes hygiéniques, dont ne bénéficient pas toutes les femmes. « Vous pouvez prendre une jeune fille, elle fuit avec ses parents, elle n’a qu’un seul habit avec elle, elle doit avoir ses règles… Cette fille-là, elle peut se retrouver dans l’abri mais [si] elle n’a pas de protection pour ses règles, elle se sent très mal, elle se sent humiliée, et c’est dur ! »