Le rapprochement entre BMM et Rotschild est une belle opération pour David de Rothschild qui cherche à renforcer son pôle de banque privée et de gestion d’actifs | ERIC PIERMONT / AFP

Pas de mise aux enchères. Pas de prédateur chinois. Mais un rapprochement sous le signe suranné de la fidélité et de l’amitié : on ne pensait plus revoir cela un jour dans le monde des affaires. La Banque Martin Maurel (BMM), l’une des dernières banques régionales familiales indépendantes, a dévoilé, lundi 6 juin, un projet de rapprochement avec Rothschild & Co afin de créer un ténor de la banque privée en France avec 17 milliards d’euros sous mandat. Créé en 1825 à Marseille, le groupe Martin Maurel, avec 7 milliards d’euros en banque privée, avait de quoi attiser les convoitises. Il aurait pu se vendre plus cher que les 240 millions d’euros consentis par le groupe dirigé par David de Rothschild.

« Ne pas nous vendre au plus offrant »

Combien ? Ce n’est pas le sujet pour Lucie Maurel-Aubert, à qui son père, Bernard Maurel, 84 ans, a transmis les rênes opérationnelles de la banque en 2012, après avoir passé près de cinquante ans à sa tête. « Nous ne voulions pas nous vendre au plus offrant. Nous voulions continuer. Nous ouvrons un nouveau chapitre de notre histoire », dit-elle. A l’issue du rapprochement, s’il va à son terme, l’activité de banque privée et de gestion d’actifs des maisons se rebaptisera Rothschild Martin Maurel. La famille de Bernard Maurel détiendra 5 % de Rothschild & Co et participera au concert familial des Rothschild.

Ce qui avait commencé comme une discussion de partenariat autour des services de dépositaire, l’arrière-cour de la banque, s’est donc terminé par un adossement complet de BMM au groupe Rothschild. Ce dernier était entré au capital de la banque régionale il y a quatre-vingts ans, à l’époque où les Worms – autre dynastie bancaire – rôdaient également à Marseille. De son côté, Bernard Maurel avait donné un coup de main à David pour relancer sa banque après la nationalisation.

Succession de séismes

L’amitié n’explique pas tout. Il aura fallu une succession de séismes pour que la prospère banque familiale se décide à abdiquer son indépendance. Le premier, c’est bien sûr l’environnement de taux nuls qui rabote la performance des portefeuilles et lime la marge des professionnels. Le deuxième, c’est le choc réglementaire. Grosse parmi les petites banques, BMM s’est retrouvée prise dans les serres de Bâle 3 et ses exigences coûteuses en matière de conformité. Troisième secousse, enfin, le numérique et les lourds investissements que cela implique.

Une belle opération pour David de Rothschild qui cherche à renforcer son pôle de banque privée et de gestion d’actifs, dont les résultats sont réputés moins volatils que ceux de la banque d’affaires, le métier phare du groupe. De quoi empiéter d’avantage sur les plates-bandes des cousins de la Compagnie financière Edmond de Rothschild qui ont attaqué David pour « concurrence déloyale », l’accusant de vouloir accaparer le patronyme Rothschild en évitant de l’assortir d’un prénom ou d’une raison sociale. Au moins, avec Rothschild Martin Maurel, il ne devrait plus y avoir matière à confusion.