Les enquêtes d’opinion sur le « Brexit » montrent des résultats très disparates. | RUSSELL BOYCE/REUTERS

Stupeur au Royaume-Uni : à une quinzaine de jours du référendum du 23 juin sur l’avenir du pays dans l’Union européenne, plusieurs sondages ont donné le « Brexit » gagnant. Le « vote Leave » (pour quitter l’UE) séduit jusqu’à 48 % des sondés d’une enquête de l’institut ICM réalisée le 5 juin (contre 43 % pour le « vote Remain », rester dans l’UE).

Depuis que le premier ministre, David Cameron, a annoncé, en février, la tenue d’un référendum sur la sortie ou le maintien de son pays dans l’Union européenne, les courbes des sondages prédisant une victoire du vote « in » ou du vote « out » s’éloignent, se rapprochent, se touchent, se croisent. Mais quel crédit apporter à ces sondages ? Et lequel croire ?

Les sondages récents pour ou contre le "Brexit"

La question de la fiabilité des sondages se pose d’autant plus que les instituts ont été largement critiqués après la débâcle de l’année dernière. Avant les élections législatives de mai 2015, les sondeurs avaient unanimement donné les conservateurs et les travaillistes au coude-à-coude. Les Tories l’avaient pourtant emporté avec un net avantage, à tel point qu’ils ont obtenu assez de sièges à la chambre des communes pour se passer du soutien des libéraux démocrates avec lesquels ils formaient une coalition depuis cinq ans.

Problèmes d’élaboration de panels

Le conseil britannique des sondages avait enquêté sur ce qui avait pu mener à une telle erreur, et conclu que les sympathisants travaillistes étaient surreprésentés dans les échantillons, au contraire des électeurs conservateurs.

Depuis, les sondeurs disent avoir réagi. Dans une note publiée début mai, l’institut YouGov reconnaît avoir, par le passé, « interrogé les mauvaises personnes, (…) qui étaient trop engagées, trop intéressées par la politique [par rapport à la moyenne de la population] ». YouGov explique avoir fait des efforts pour amener dans ses panels davantage de gens « qui prêtent moins attention à la politique », en prenant en compte leur niveau d’éducation ou leur précédente participation à des scrutins.

L’institut assure que la nouvelle méthode permet d’obtenir des chiffres plus proches des résultats finaux et en veut pour preuve la récente élection du maire de Londres, qu’il a correctement prédit.

Mais, selon Will Jennings, professeur de sciences politiques à l’université de Southampton, qui a participé à l’enquête sur la débâcle sondagière de 2015, « il est trop tôt pour que les instituts de sondage puissent affirmer qu’ils ont complètement corrigé leurs erreurs. Ils ne peuvent pas le savoir avec certitude ».

Un an plus tard, la situation est de toute façon différente à bien des égards et pose de nouveaux problèmes d’élaboration de panels. La nature même du vote rend la tâche des sondeurs difficile. « Le comportement des électeurs est beaucoup moins prévisible que pour des législatives, où les votants sont amenés à faire un choix traditionnel entre des partis », note M. Jennings.

Des écarts entre sondages en ligne et par téléphone

Le référendum sur le « Brexit » dépasse en effet les clivages. Les campagnes du « Leave » comme du « Remain » sont transpartis, ce qui complique la constitution d’échantillons représentatifs.

Une difficulté qui explique en partie la grande disparité des sondages : les instituts ont des méthodes différentes de lissage des résultats, de prise en compte des votes indécis et n’interrogent pas tous la même zone géographique – certains, par exemple, se concentrent sur la Grande-Bretagne et ne prennent pas en compte l’Irlande du Nord.

Les sondages présentent également des résultats différents selon qu’ils sont réalisés sur le Web ou par téléphone – les premiers tendent à favoriser le vote « Leave », les seconds le « Remain ». Plus grande facilité d’exprimer des idées tranchées en ligne ? Surreprésentation de personnes diplômées par téléphone ? Plusieurs instituts se sont penchés sur les raisons de tels écarts sans toutefois tomber d’accord, ni, donc, déterminer quelle méthode est la plus convaincante.

« Cela signifie en tout cas qu’il y a bien quelque chose de problématique autour de la fiabilité des sondages », remarque M. Jennings, selon qui le dispositif le plus efficace ne pourra de toute façon être mieux apprécié… qu’a posteriori, une fois les résultats du vote connus.