Manifestation syndicale à Bruxelles, le 24 mai 2016. | Michel Spingler / AP

La tension sociale ne faiblit pas en Belgique, alors que le pays connaît, mardi 31 mai, une nouvelle journée de manifestations et de grèves dans les services publics. Le mouvement, qui touche les transports en commun, les écoles ou la poste, était prévu de longue date. Il n’est que l’une des étapes dans la mobilisation organisée par les grands syndicats depuis la mise en place de la coalition de centre-droit dirigée par le libéral francophone Charles Michel, en 2014. D’autres actions, manifestations et grèves générales sont déjà planifiées pour le 24 juin et le 7 octobre.

  • Des revendications multiples contre les réformes

La protestation visait au départ à empêcher divers projets gouvernementaux, dont la retraite à 67 ans, la réforme des retraites et du secteur de la santé, des restrictions de personnel dans la fonction publique ou une réforme fiscale jugée trop favorable pour les plus riches et les entreprises. Elle se focalise désormais sur un sous-investissement dans de nombreux services publics.

Ces thèmes sont, toutefois, largement éclipsés par des revendications sectorielles : celles des cheminots, qui ont interrompu le travail depuis le 26 mai pour s’opposer à un projet de réforme de leurs jours de récupération, ou des surveillants pénitentiaires, en grève depuis trente-six jours pour obtenir des embauches.

  • La Wallonie beaucoup plus mobilisée que la Flandre

La prétendue unité syndicale vole en éclats pour d’autres raisons : les débrayages des cheminots, des gardiens de prison, mais aussi des fonctionnaires, se produisent essentiellement en Wallonie et à Bruxelles. Ils sont beaucoup plus rares en Flandre, où les dirigeants des syndicats, dernières structures réellement unitaires du royaume, n’hésitent plus à critiquer le jusqu’au-boutisme de leurs collègues.

En Wallonie, la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB, socialiste) et sa Centrale générale des services publics (CGSP) indiquent, en tout cas, que leur mouvement vise à faire tomber le gouvernement fédéral. Cette prise de position ne passe pas en Flandre, où l’on s’oppose à cette idée de grève « politique ».

Le Mouvement réformateur (MR, libéral), la formation du premier ministre, craint, lui, que les grèves creusent un peu plus le fossé entre le nord et le sud du pays, ce qui est le but ultime de Bart de Wever, le chef de l’Alliance néoflamande (Nieuw-Vlaams Alliantie, N-VA), le plus important des trois partis néerlandophones alliés à M. Michel.

  • Le risque d’un retour des débats communautaires

Les partis francophones d’opposition redoutent également cette évolution mais font mine d’appuyer les revendications syndicales, affirmant qu’elles sont partagées par une majorité de la population, malgré les nombreux désagréments qu’elles entraînent.

Du côté flamand, l’analyse est différente, même chez les adversaires de la N-VA et de son projet indépendantiste : les derniers événements démontrent, selon ces observateurs, que le prétendu fédéralisme belge n’est rien d’autre que l’addition de « deux démocraties », selon la formule de Bart De Wever. L’une, flamande, ancrée à droite ; l’autre, francophone, dominée par le PS et ses alliés syndicaux, qui manipuleraient les mouvements sociaux pour revenir au pouvoir au niveau fédéral, alors qu’ils contrôlent déjà les régions de Bruxelles et de Wallonie.

Des élus flamands et des politologues évoquent le risque d’une remise en cause de la paix entre les communautés, que M. Michel voulait à tout prix protéger en évitant les débats institutionnels durant son mandat. Ils pensent que le PS peut, s’il le décide, encore éviter le piège d’une relance du conflit entre Flamands et Wallons.

En réalité, la gauche traditionnelle et les états-majors syndicaux semblent de plus en plus dépassés par une base qui ne se contente plus de leur discours réformiste, et qu’attire à lui le Parti du travail de Belgique, le parti de la gauche radicale qui a percé au niveau municipal et régional en Wallonie.