La Grande Barrière de corail, en novembre 2014. | SARAH LAI / AFP

Ce n’est pas un secret. La Grande Barrière de corail, dans les eaux territoriales du nord-est de l’Australie, est menacée. Elle compte même parmi les plus célèbres victimes du changement climatique. Alors on peut s’étonner qu’elle n’apparaisse pas dans un rapport publié jeudi 26 mai par l’Unesco, le Programme des Nations unies pour l’environnement et l’organisation non gouvernementale Union of Concerned Scientists. Ce document intitulé « Patrimoine mondial et tourisme dans le contexte des changements climatiques » recense 31 sites menacés, dans 29 pays. Sans aucune mention, donc, du plus grand ensemble corallien du monde.

Des médias australiens ont révélé qu’un chapitre consacré à la Grande Barrière de corail et des passages sur deux autres sites du pays (Kakadu et les forêts de Tasmanie) avaient été supprimés, après l’intervention de Canberra. Le scientifique Will Stephen, professeur à l’Australian National University, et responsable de l’association Climate Council, a participé au rapport. Il a rapporté qu’il avait été « très surpris » en découvrant que l’Australie ne figurait pas dans le document, d’autant plus que la Grande Barrière était l’un des principaux cas étudiés.

Le ministère de l’environnement australien n’a pas tardé à se défendre dans un communiqué. Il explique avoir expliqué à l’Unesco, par le biais de son ambassadeur, qu’il « n’était pas favorable au fait que des sites australiens classés au Patrimoine mondial figurent » dans le rapport, invoquant d’éventuelles « confusions ». « L’expérience récente en Australie a montré que des commentaires négatifs sur le statut des sites inscrits au Patrimoine mondial avaient un impact négatif sur le tourisme. » Le communiqué se termine de manière laconique : « Le ministère n’a pas informé le ministre de cette affaire. »

La Grande Barrière en voie de disparition

Sur son site, le Guardian Australia a publié des éléments qui auraient dû figurer dans le rapport, s’ils n’avaient pas été supprimés. Il est expliqué que le tourisme sur la Grande Barrière, qui représente environ 64 000 emplois, a rapporté en 2012 5,2 milliards de dollars (3,35 milliards d’euros) à l’Australie. Mais il est également écrit que l’état de la Grande Barrière a été jugé « pauvre et en voie de détérioration ». Il est rappelé que la moitié de la couverture corallienne a été perdue en trois décennies. Au début des années 2020, cette couverture corallienne pourrait représenter 5 % à 10 % de la Grande Barrière de corail contre 28 % en 1985.

« On ne peut pas cacher ça sous le tapis ! », a réagi Will Stephen à la radio ABC. « Peut-être qu’avant, dans l’ancienne Union soviétique, ce genre de choses arrivait, des gouvernements étouffaient des informations parce qu’elles leur déplaisaient. Mais pas dans des démocraties occidentales. Je n’avais jamais vu ça jusqu’ici », a-t-il déploré.

La Grande Barrière de corail, inscrite au Patrimoine mondial depuis 1981, a évité en juillet, après une forte mobilisation de Canberra, d’être placée sur la liste du Patrimoine en péril. Mais elle a fait face depuis le début de l’année au plus grave épisode de blanchissement des coraux jamais enregistré, en grande partie à cause du réchauffement du climat. Plus de 90 % des récifs étudiés présentent des signes de blanchissement. Certains coraux retrouveront leurs couleurs dans les mois à venir, mais d’autres mourront. En avril déjà, des scientifiques qui avaient fait connaître ces informations alarmantes avaient été accusés, notamment par des médias conservateurs, de vouloir saper le tourisme sur la Grande Barrière.