Il manque au sénateur du Vermont, Bernie Sanders, 850 délégués  pour emporter l’investiture. | JOSH EDELSON/AFP

La saison des primaires touche à sa fin, et Bernie Sanders n’abandonne pas. Le sénateur du Vermont a beau être largement devancé par Hillary Clinton dans la course à l’investiture présidentielle, il continue de défier les appels à se retirer, retardant le nécessaire rassemblement démocrate.

Selon le décompte de l’agence AP, il ne totalise que 1 533 délégués (dont 39 superdélégués) sur les 2 383 nécessaires pour décrocher l’investiture à la convention démocrate de Philadelphie, du 25 au 28 juillet, tandis que Hillary Clinton a recueilli 2 293 délégués (dont 525 superdélégués).

Il manque donc 850 délégués à M. Sanders pour emporter l’investiture, et 90 à Mme Clinton, qui est quasi certaine d’atteindre la majorité lui assurant automatiquement l’investiture.

Près de cinquante consultations ont eu lieu depuis février, et seuls quelque 20 % des délégués sont à attribuer. Et il ne reste que quatre journées de primaires, dont la grande du 7 juin en Californie et dans cinq autres Etats. La course ne prendra fin que le 14 juin avec la primaire de Washington DC.

Faire durer la course

Cette résistance du sénateur du Vermont bouscule le projet de Hillary Clinton d’unifier le parti et d’abréger les primaires. En campagne en Californie, mardi 17 mai, devant des fans survoltés, le sénateur a lancé :

« Beaucoup de gens, d’experts et d’hommes politiques disent que Bernie Sanders devrait se retirer. (…) Les Californiens ont le droit d’exprimer leur choix pour la présidence. Que les choses soient claires (…) nous resterons en course jusqu’au dernier bulletin de vote ! »

Après sa victoire dans l’Oregon,  Bernie Sanders se prend à rêver d’emporter aussi à la Californie. | JUSTIN SULLIVAN/AFP

Sur la lancée de sa victoire dans l’Oregon, il se prend à rêver d’emporter aussi la Californie. Même dans ce cas de figure, l’avance de Hillary Clinton est trop forte pour qu’il la rattrape, notamment grâce aux « superdélégués ».

En Californie, le sénateur a encore harangué ses partisans et au-delà, la direction du Parti, et lancé :

« J’appelle la direction du Parti démocrate à ouvrir les portes, et à laisser entrer les gens. (…) L’autre option, pour le parti démocrate, que je considère comme très triste et tragique, serait de maintenir le statu quo, de continuer à dépendre des grands donateurs, et de rester un parti sans grande participation et sans énergie. »

Convention sous tension

Le Parti démocrate s’oriente vers une convention, fin juillet, plus animée que prévu. Les fans de Bernie Sanders, à commencer par les moins de 45 ans, pourraient refuser de voter « utile » tant qu’ils peuvent encore envoyer un message progressiste et anti-élites aux dirigeants du parti.

Dans le passé, le Parti démocrate a connu des conventions mouvementées. Celle de 1968, en pleine guerre du Vietnam, fut violente. | JUSTIN SULLIVAN/AFP

Le site d’analyses de sondages FiveThirtyEight évoque une étude YouGov, selon laquelle 61 % des partisans de Bernie Sanders ont une opinion négative de Hillary Clinton – « Democratic Primary Voters Preferred Nominee » page 8 : en additionnant « Somewhat unfavorable » et « Very unfavorable » de la colonne « Prefers Sanders » on obtient 61 % –, et seulement 38 % en ont une opinion positive.

Néanmoins, un sondage New York Times/CBS News indique que 72 % des partisans de Bernie Sanders indiquent qu’ils soutiendront Hillary Clinton si elle obtient l’investiture démocrate. Politico souligne que 23 % des électeurs démocrates sont « très inquiets » de voir le Parti arrivé divisé à la convention, et 42 % se disent « assez inquiets ».

Tensions persistantes

Les caciques démocrates s’inquiètent que la ferveur pro-Bernie ne gâche le sacre prévu de Hillary Clinton à Philadelphie.

Le chaos de la convention démocrate du Nevada, samedi 14 mai, raisonne comme un avertissement. La soirée, qui a désigné les délégués à la convention nationale, a tourné court après que des militants de Bernie Sanders ont bruyamment et violemment contesté les organisateurs.

Bernie Sanders a condamné les violences… avec un « mais » : « Il est impératif que le Parti, au niveau des Etats, traite nos partisans avec équité et avec le respect qui leur est dû », a-t-il déclaré, en dénonçant la partialité des dirigeants démocrates locaux.

A cela s’ajoute la contestation de la présidente du Parti démocrate, Debbie Wasserman Schultz, accusée depuis des mois de faire le jeu de Hillary Clinton. L’équipe Sanders avait par exemple critiqué la programmation de débats télévisés à des heures de faible écoute. « Depuis le début de la campagne, elle s’est montrée hostile à Bernie Sanders », a accusé Jeff Weaver, directeur de campagne du candidat, sur MSNBC.

Les fans de Bernie Sanders pourraient refuser de voter « utile ». | JUSTIN SULLIVAN / AFP

Chez Mme Clinton, l’entourage de la candidate cherche à dédramatiser la situation, en rappelant à quel point l’inimitié était forte entre les camps Clinton et Obama aux primaires de 2008. « En 2008, la moitié des partisans de Hillary Clinton disaient qu’ils ne soutiendraient jamais Barack Obama, a rappelé le porte-parole de la démocrate, Brian Fallon. In fine, le Parti s’est unifié à la convention et nous avons facilement battu John McCain et les républicains. »

Selon le site Politico, qui a interrogé nombre de caciques du Parti démocrate, Bernie Sanders est responsable de ces tensions au sein du parti, en ayant fait croire à ses partisans qu’il pourrait décrocher l’investiture à la barbe de Hillary Clinton.

Solution de compromis

Mais le Washington Post affirme que pour éviter d’arriver divisé à la convention, le Democratic National Committee, la direction du Parti démocrate est prête à laisser l’équipe Sanders participer à l’élaboration de la plateforme.

Le sénateur a une liste de doléances. Elles portent notamment sur le fond, avec des sujets comme le réchauffement climatique et l’encadrement de Wall Street. Plus polémiques, elles comprendraient un salaire minimum à 15 dollars et une position plus nuancée sur la question des relations entre Israël et la Palestine, rapporte le Washington Post.

Certaines sont plus politiques : le New York Times rapporte qu’il veut changer la manière dont les primaires et les débats se déroulent. Il veut ouvrir le Parti, notamment aux indépendants, l’étiquette qu’il a portée jusqu’à ces primaires, et changer le mode de financement électoral pour réduire l’importance des grands contributeurs et des lobbyistes.

Le sénateur a une liste de doléances. Elles portent notamment sur réchauffement climatique et sur Wall Street... | FREDERIC J. BROWN/AFP

Certain de ne pas décrocher l’investiture démocrate, Bernie Sanders pourrait utiliser sa nouvelle stature pour promouvoir son agenda au Sénat – création d’une assurance maladie à l’européenne, unique et centralisée, éducation supérieure –, dans l’hypothèse où celui-ci serait repris par les démocrates lors de l’élection de novembre.

Le comité Priorities USA Action, qui a lancé cette semaine une campagne de spots télévisés anti-Trump, voit au-delà de ces bisbilles et parie sur cette mobilisation de démocrates et centristes pour empêcher une présidence Trump. « Cela fait peur de l’imaginer à la Maison Blanche, et cela suffira à unifier le Parti démocrate », a dit Justin Barasky, porte-parole de Priorities USA.