Simone Gbagbo, le 9 mai 2016 à Abidjan. | ISSOUF SANOGO / AFP

Déjà condamnée en mars 2015 à vingt ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », l’épouse de l’ancien président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo, 66 ans, déjà incarcérée à Abidjan, comparaît une nouvelle fois devant la justice, mardi 31 mai. Elle est accusée de « crimes contre l’humanité », « crimes contre les prisonniers de guerre » et « crimes contre les populations civiles » lors de la crise postélectorale de 2010-2011. Près de vingt-cinq témoins de l’accusation devraient s’exprimer.

La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (LIDHO) et le Mouvement ivoirien des droits de l’homme (MIDH) ont toutefois annoncé qu’ils se tiendraient à l’écart. Ces organisations, qui disent représenter « près de deux cent cinquante victimes », déplorent que leurs avocats n’aient pas eu accès à toutes les étapes de la procédure.

Human Rights Watch (HRW) salue pour sa part « un moment charnière pour la justice » si les « victimes » ont droit à un procès « crédible, équitable et suivi par d’autres procès visant les auteurs de violations des droits humains des deux parties de la crise postélectorale de 2010-2011. » « Le principal défi pour l’accusation sera d’identifier des preuves liant Simone Gbagbo aux meurtres, aux viols et autres exactions commises par les forces pro-Gbagbo », souligne l’ONG, qui a déjà dénoncé les insuffisances du premier procès.

« Ces accusations sont créées de toutes pièces pour faire plaisir à une certaine communauté internationale. Trop, c’est trop ! », s’est emporté l’un des avocats de Simone Gbagbo, MMathurin Dirabou, dénonçant des accusations « fantaisistes ».

« Une emprise sur les personnes »

Les violences, qui avaient fait plus de trois mille morts en cinq mois, avaient été provoquées par le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire de son rival Alassane Ouattara à l’élection présidentielle de novembre 2010. Jugée avec soixante-dix-huit coaccusés pour son rôle dans cette crise, Simone Gbagbo avait été condamnée le 10 mars 2015 à vingt ans de réclusion pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Un verdict lourd qui doublait les réquisitions du parquet général.

Joël NGuessan, porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR), le parti du président Ouattara, estime que ce deuxième procès « n’est pas le procès de trop », « comment se fait-il que le nom de cette dame soit cité dans des affaires de crimes de guerre ? Quel rôle a-t-elle joué auprès de son mari ? Mme Gbagbo avait une emprise sur les personnes soupçonnées de crimes ».

Refus de transfèrement

Les audiences à Abidjan vont prendre de court la Cour pénale internationale (CPI), où Simone Gbagbo est poursuivie pour « crimes contre l’humanité ». Le tribunal international, devant lequel comparaissent actuellement son époux, Laurent Gbagbo, et Charles Blé Goudé, ancien ministre de la jeunesse, a toujours réclamé de pouvoir la juger, mais Abidjan refuse son transfèrement à La Haye. Le président Ouattara a annoncé au début de février qu’il « n’enverrait plus d’Ivoiriens » à la CPI, arguant que son pays avait désormais une « justice opérationnelle ».

Si les deux camps se sont montrés coupables d’exactions pendant la crise de 2010-2011, aucun responsable pro-Ouattara n’a, à ce jour, été inquiété, ce qui nourrit les accusations par l’opposition de « justice des vainqueurs ».