Manifestation contre le travail du dimanche, devant les Galeries Lafayette, boulevard Haussmann, à Paris, fin 2014. | CITIZENSIDE/AURÉLIEN MORISSARD / citizenside.com

La tension est montée d’un cran, vendredi 27 mai, sur le très symbolique sujet du travail du dimanche aux Galeries Lafayette. Les syndicats FO, SCID (ex-CFDT) et la CGT ont fait savoir qu’ils exerçaient leur droit d’opposition à l’accord collectif sur la mise en œuvre du travail dominical. Un accord signé une semaine plus tôt in extremis, dans la soirée du vendredi 20 mai, par deux organisations, la CFE-CGC et la CFTC.

A eux trois, FO, le SCID et la CGT réunissent les 50 % de voix nécessaires pour faire invalider la négociation qui aurait permis au grand magasin du boulevard Haussmann, à Paris, d’ouvrir tous les dimanches de l’année. Reste à connaître, pour annuler véritablement l’accord, une décision de justice mise en délibéré le 9 juin, qui confirmera ou non la représentativité de la SCID, contestée par la direction des Galeries Lafayette depuis sa scission de la CFDT.

Depuis plusieurs jours, la direction du grand magasin retenait son souffle, après avoir amélioré les conditions de rémunération des dimanches travaillés et obtenu la signature de syndicats représentatifs de 30 % des salariés. Mais c’était sans compter sur le climat de tension actuel sur la loi de la ministre Myriam El Khomri, peu propice à la signature d’un arrangement sur la question du travail dominical entre patronat et syndicats. Cet accord relevait d’ailleurs presque du symbole.

En pratique, il ne concerne que le magasin parisien du boulevard Haussmann. Celui de Montparnasse ne fait pas partie de cette négociation. Les autres Galeries Lafayette, situées en province dans les zones touristiques, disposent déjà un accord d’entreprise en vigueur depuis trois ans.

Christophe Le Comte, secrétaire fédéral de la section commerce de FO, précise qu’il s’agit d’« une opposition, qui porte sur une mise en cause de la loi dérogeant au repos dominical », et d’un combat contre « la volonté de détruire des garanties collectives pour arriver à des solutions individuelles ». Cela s’inscrit « dans la continuité de l’opposition à la loi El Khomri ».

Cette dernière comporte aussi deux dispositions propres au dimanche, qui font bondir les syndicats opposés au travail dominical. L’une permet de modifier les horaires du personnel le dimanche deux mois avant, alors que la loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques d’août 2015 les établissait pour l’ensemble de l’année suivante. L’autre rend possible la tenue d’un référendum à la demande des syndicats, permettant de s’affranchir des délais d’opposition pour faire valider les accords.

C’est un combat qui s’inscrit « dans la continuité de l’opposition à la loi El Khomri », selon Christophe Le Comte du syndicat FO

Dix mois après la promulgation de la loi Macron, ouvrant la porte au travail dominical dans de plus larges zones commerciales, force est de constater qu’il est aujourd’hui bien difficile de s’y retrouver dans ce qui est ouvert et ce qui ne l’est pas le dimanche.

En effet, la loi Macron a défini plusieurs dispositifs qui doivent permettre, ça et là, aux commerces d’ouvrir le dimanche, mais ceux-ci ont beaucoup de mal à être appliqués : les douze dimanches au maximum par an accordés par le maire ou le préfet se heurtent, dans certaines villes, à l’opposition des élus. Et, dans les zones touristiques internationales que la loi a créées à Paris, Deauville (Calvados), Cannes (Alpes-Maritimes) et Nice, où les commerces sont autorisés à ouvrir tous les dimanches et en soirée, la mise en pratique se révèle laborieuse.

Car pas question, selon la loi Macron, de commercer à bride abattue tous les dimanches pour une entreprise de plus de onze salariés, sans qu’un accord sur les compensations salariales propres à ce jour supplémentaire travaillé ait été trouvé avec les organisations syndicales. Et la législation française rend ce principe d’autant plus propice aux rebondissements que, pour être valable, un accord doit être signé avec des organisations syndicales qui représentent au moins 30 % du personnel. Accord qui peut être invalidé quelques jours plus tard par des organisations syndicales représentant 50 % des salariés, selon le principe du droit d’opposition.

Cela a été le cas à la Fnac, en janvier, quand, après plusieurs mois de négociations (et un salaire triplé douze dimanches par an et doublé les quarante autres), l’accord à peine signé par la CFTC, la CFE-CGC et la CFDT a été invalidé par un veto, quelques jours plus tard, de la CGT, de SUD et de FO.

Moult rebondissements

Des négociations d’ensemble, entre patronat et syndicats, au niveau de la branche du commerce – qui auraient eu l’avantage d’harmoniser les compensations salariales dans l’ensemble des enseignes –, avaient commencé en juin 2015. Elles ont échoué au début de l’année, après moult rebondissements. Depuis le premier trimestre, les enseignes se sont retrouvées à devoir discuter, individuellement, avec leurs syndicats d’entreprise. Aux Galeries Lafayette, les négociations se sont ouvertes le 12 février.

De fait, jusqu’à présent, peu d’enseignes sur l’ensemble du territoire sont parvenues à un accord pour pouvoir ouvrir le dimanche : Darty, Etam, Nature & Découvertes, Inditex (Zara, Bershka, Massimo Dutti...), L’Occitane, Marionnaud, Eram et Apple. A celles-ci s’ajoutent deux accords de branche dans le secteur du luxe : celui, signé le 15 janvier par l’Union française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, des pierres et des perles, la fédération des grands joailliers (Baccarat, Boucheron, Cartier…) et celui que la Fédération française de la couture a conclu, le 18 mai, pour les marques de luxe qui dépendent de la Convention de la couture. Deux feux verts qui règlent la question de la rémunération de certains démonstrateurs, cette catégorie de personnel employé par une marque et qui travaille dans les grands magasins.

Enfin, jusqu’à présent, un seul grand magasin parisien, le BHV Marais (qui appartient aussi au groupe Galeries Lafayette), a obtenu, le 3 mai, l’aval de ses syndicats. Il ouvrira tous les dimanches à partir de juillet. Le Printemps n’a, lui, pas encore ouvert de négociations avec ses syndicats et « souhaiterait relancer des négociations au niveau de la branche », assure-t-on à la direction. Des négociations qui seront suivies de près par les autres enseignes du quartier Haussmann ouvertes le dimanche, comme Zara. En raison du grand nombre de magasins fermés autour d’elles, celles-ci sont déçues par la fréquentation de leurs rayons le dimanche.

Les manifestations continuent

Pour s’opposer au travail dominical, près de 300 manifestants contre la « loi travail » et la loi Macron ont envahi, dimanche 15 mai, le centre commercial du Val d’Europe, à Serris (Seine-et-Marne), autorisé à ouvrir ce jour-là grâce au dispositif des « dimanches du maire ». Le site ayant été classé récemment « zone touristique internationale », l’annonce de son ouverture tous les dimanches à partir du 12 juin s’était propagée sur les réseaux sociaux. Les manifestants ont traversé le centre en…