Des grévistes de Verizon, le 14 avril, à Washington. | NICHOLAS KAMM / AFP

Une bonne grève bien dure. Durant sept semaines, près de 36 000 employés qui posent le crayon, le téléphone ou le tournevis. Et au bout de la route, un bel accord, conclu comme il se doit dans le bureau du ministre du travail. Philippe Martinez l’a rêvé, Chris Shelton l’a fait. Après ­un mois et demi de bataille féroce, le Syndicat des travailleurs de la communication d’Amérique, qu’il préside, et la Corporation internationale des travailleurs de l’électricité ont fait plier le géant des télécommunications Verizon.

Ils ont obtenu une augmentation de salaires de 11 % sur les quatre ans de la nouvelle convention collective, une amélioration des retraites, la réduction des délocalisations, la création de 1 300 emplois dans les centres d’appels et l’abandon d’un projet de redistribution des emplois dans les régions. Des bénéfices étendus pour la première fois aux employés de quelque 70 agences commerciales. En échange, les syndicats ont consenti à des sacrifices sur les plans de la couverture santé et de la mobilité.

Victoire au petit goût amer

La France n’a donc pas le monopole des grèves qui durent et des accords arrachés sous l’égide des pouvoirs publics. Le secrétaire au travail des Etats-Unis, Thomas Perez, a dû convoquer le PDG de Verizon, Lowell McAdam, et les représentants des deux syndicats, à Washington, pour trouver une solution au conflit. Voilà plus de quatre ans que le pays n’avait pas connu un aussi grand nombre ­d’arrêts de travail. L’entreprise commençait à souffrir commercialement et les grévistes, eux, ont perdu plus d’un mois de salaire et de couverture santé.

Un signe supplémentaire des tensions qui se font jour sur le marché du travail aux Etats-Unis. Cela semble naturel dans un pays où le taux de chômage est redescendu dans le voi­sinage des 5 %. Voilà qui devrait encourager la Réserve fédérale américaine, la Fed, à relever ses taux d’intérêt, comme elle le laisse entendre depuis plusieurs jours. Vendredi 27 mai, sa présidente, Janet Yellen, avait indiqué qu’une prochaine hausse serait « appropriée probablement dans les prochains mois ». Surtout si l’accord Verizon fait des émules dans les autres grandes entreprises du pays.

Pourtant, cette victoire laisse un petit goût amer. Elle est peut-être l’une des dernières importantes du syndicalisme traditionnel, car obtenue par les travailleurs d’une activité en déclin, celle du téléphone fixe. Cette branche, qui comprend également l’accès fixe à Internet, représentait en 2008 la moitié du chiffre d’affaires de Verizon. Aujourd’hui, c’est moins de 30 %. La firme tire désormais la grande majorité de ses revenus et de ses profits du mobile, dont les employés sont bien moins syndiqués. Résultats, les effectifs des deux syndicats représentatifs ont fondu de moitié en une décennie au sein de l’entreprise. Et les plans de départs mis en place devraient accélérer le phénomène. Le syndicalisme aussi est à réinventer.