Les réseaux féminins d’entreprise et les syndicats œuvrent tous les deux pour faire progresser l’égalité professionnelle et la mixité (les premiers par lobbying, les seconds par la négociation), mais ils ne travaillent pas suffisamment ensemble. C’est la conclusion principale de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) tirée d’une étude publiée le 31 mai, à l’occasion de la Semaine européenne du développement durable.

L’ORSE formule différentes propositions pour améliorer cette collaboration, et par là même, leur efficacité. Les réseaux féminins pourraient, par exemple, faire émerger des problématiques en amont des négociations, alimenter le Comité d’entreprise (CE) en informations et pistes d’actions, participer comme expert à la commission égalité du CE (la loi Rebsamen du 17 août 2015 impose la création d’une commission égalité professionnelle pour les entreprises de plus de 300 salariés), solliciter les partenaires sociaux lorsqu’aucun accord est négocié, suivre les accords signés, proposer de nouveaux indicateurs de suivi…

L’ORSE rappelle que les réseaux féminins en entreprise se sont multipliés depuis les années 2000. Une petite dizaine en 2007, ils sont aujourd’hui dans la majorité des grandes entreprises, sans compter les réseaux interentreprises.

Du levier individuel au levier collectif

Créés par la direction ou initiés par des femmes salariées, principalement cadres, ces réseaux ont pour objectif de faire progresser l’égalité et la mixité femmes-hommes, notamment dans les postes d’encadrement. Concrètement, ils aident les femmes à oser davantage à travers des programmes de formation, de coaching. Ils s’impliquent dans l’organisation du travail et s’efforcent de faire bouger les mentalités.

La promotion de l’égalité professionnelle, salariale et de la mixité des métiers est aussi une prérogative historique et un domaine d’action des organisations syndicales, dans le cadre des négociations et concrétisée par la signature d’accords.

L’ORSE note toutefois une certaine réticence voire une méfiance réciproque qui freine les liens entre ces deux acteurs de l’égalité. « Le choix de s’engager au sein d’un réseau spécialisé sur les questions d’égalité proviendrait d’un sentiment d’impuissance et d’un constat d’inefficacité des autres formes d’action collective (syndicats) ou individuelle (contentieux) », remarque l’étude.

Les réseaux féminins utilisent surtout le levier individuel, les actions immédiates pour faire bouger les lignes, tandis que les syndicats agissent pour le collectif. Enfin, les auteurs notent une certaine crainte de l’étiquette revendicatrice associée au syndicalisme, surtout de la part des cadres.

« Cette barrière des représentations est un frein au dialogue et elle existe dans les deux sens, notamment lorsqu’il s’agit de remettre en cause l’indépendance, et donc la légitimité des réseaux vis-à-vis de l’entreprise, de la direction. Des allégations de groupe alibi pour donner une bonne conscience RSE à l’entreprise existent », indique l’ORSE.

De l’élitisme à l’intérêt général

Certains syndicats reprochent également à ces réseaux leur élitisme. Ainsi, la CFTC estime « qu’ils ne se concentrent que sur une petite partie du problème des inégalités entre les femmes et les hommes, puisque leur principale préoccupation est d’aider les femmes à développer leurs carrières et à briser le plafond de verre. Contrairement aux organisations syndicales qui ont des missions étendues et transversales, qui œuvrent pour le bien commun et luttent contre toutes les formes de discriminations qui peuvent toucher toutes les catégories de salariés – qu’ils soient femmes ou hommes – les réseaux féminins se concentrent sur une petite « niche » : les femmes cadres à haut potentiel ».

De son côté, Force ouvrière estime que « créés, parrainés ou simplement tolérés par l’entreprise, les réseaux féminins n’ont pas de garantie d’indépendance et risquent donc d’être instrumentalisés ».

Partant de ce constat, l’ORSE s’interroge donc sur la façon de créer davantage de liens et d’inventer des formes de coopération entre « ces deux acteurs identifiés et identifiables de l’égalité professionnelle » pour être plus efficaces, à la fois au niveau juridique et sociétal.

En réponse à ces propositions, trois syndicats (CFDT, CFTC et FO) ont réagi plutôt positivement. Ils reconnaissent que « des synergies leur semblent envisageables et souhaitables ». « La coopération entre réseaux et syndicats peut être un levier intéressant au service de l’égalité professionnelle dans l’entreprise », a ainsi indiqué la CFDT. De son côté, malgré ses réticences, FO reconnaît que « les réseaux féminins peuvent partager leurs analyses et réflexions, souvent pertinentes, avec les organisations syndicales qui pourront alors les transformer en revendications. »