Des supporteurs anglais dans les rues de Lille, mercredi 15 juin. | Christian Hartmann/Reuters

Surtout, ne pas voir se reproduire les images désastreuses de Marseille. Eviter à tout prix ces scènes de grande violence observées, samedi 11 juin, en marge du match Angleterre-Russie (1-1). Des affrontements au bilan lourd : 35 blessés, dont un supporteur anglais toujours dans un état grave. La mission des autorités était claire, mais sa réalisation s’avère ardue dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.

Le contexte rend le défi immense, avec la proximité, temporelle et géographique, de deux rencontres sensibles. D’abord un match Russie-Slovaquie, mercredi 15 juin à Villeneuve-d’Ascq (Nord), en banlieue lilloise. Puis l’opposition entre l’Angleterre et le Pays de Galles, jeudi 16 juin à Lens, à moins de 40 kilomètres de là. Dans son édition de mardi, le quotidien régional La Voix du Nord titrait en « une » avec la question que tout le monde se posait : « Comment faire face aux hooligans ? »« Saturer l’espace public de policiers jour et nuit », a martelé en réponse le préfet de région, Michel Lalande, dont le mot d’ordre a été appliqué.

4 000 agents mobilisés

Des dizaines de camions de CRS, des policiers à chaque coin de rue : en marge du match Russie-Slovaquie au stade Pierre-Mauroy, Lille avait des airs de citadelle retranchée. Croisés au détour d’une rue du Vieux Lille, des supporteurs slovaques tenaient toutefois un discours rassurant : « Comme nous, les Russes sont des Slaves. Nous sommes habitués à les croiser lors de nombreuses compétitions, notamment de hockey. Il y a quelques dégénérés mais nous ne sommes pas inquiets : nous avons pris des photos avec des Russes. » Mercredi, le début d’après-midi fut calme.

Lors du match face à la Slovaquie, les Russes se sont fait remarquer en « craquant » un fumigène

Parmi les 4 000 agents mobilisés pour faire respecter l’ordre public, 1 900 policiers étaient en faction pour que « le foot ne soit pas un rendez-vous avec la barbarie », selon la préfecture. Les supporteurs russes, que l’on annonçait nombreux et agités, ne se sont quasiment pas manifestés en ville. Dans le stade, ils n’étaient que 8 000, et non 15 000, comme attendu, pour assister à la défaite des leurs face à la Slovaquie (1-2) et son maître à jouer, Marek Hamsik, passeur et buteur. Les fans russes se sont toutefois fait remarquer en « craquant » un fumigène à dix minutes de la fin du match.

Un incident qui pourrait coûter cher à la Russie, déjà suspendue avec sursis par l’UEFA et condamnée à 150 000 euros d’amende après les violences de ses supporteurs au Stade-Vélodrome. La confédération européenne devait se prononcer jeudi sur ce cas, après la remise du rapport par les délégués du match. Interrogé en conférence de presse sur ce fumigène et l’éventuelle exclusion de son équipe, le sélectionneur Leonid Sloutski a botté en touche : « Je me concentrais sur le terrain, pas sur ce qu’il se passait en tribunes. » Avec un point en deux matchs, la Sbornaïa risque dès la prochaine journée l’élimination… sportive.

Si, malgré l’épisode du fumigène, les Russes se sont faits plutôt discrets, les Anglais ont assuré le spectacle dans les bars des alentours de la gare Lille-Flandres. Gallois et Anglais ont donné de la voix, dans une ambiance bon enfant, jusqu’à 18 heures. Alors que Slovaques et Russes quittaient le stade situé à Villeneuve-d’Ascq pour rejoindre Lille, la tension est montée d’un cran dans le centre-ville lillois. Les forces de l’ordre sont intervenues à plusieurs reprises, notamment après le jet d’un pétard qui a dispersé la foule. Quelques supporteurs russes ont été coursés par des Anglais. La police est intervenue à coups de gaz lacrymogène pour les disperser. Le Monde a croisé deux personnes légèrement blessées, le visage ensanglanté, dont un Slovaque. Le jeu du chat et de la souris entre supporteurs et forces de l’ordre a duré jusque tard dans la nuit. Certains bars et restaurants ont préféré fermer plutôt que de risquer de la casse.

37 interpellations et 16 hospitalisation à Lille

Jeudi matin, la préfecture ne déplorait aucun blessé grave. Une cinquantaine de personnes ont été prises en charge par les services de secours, dont seize hospitalisées. Trente-sept personnes ont été interpellées, dont au moins six ressortissants russes impliqués dans les violences du samedi 11 juin à Marseille. La veille, dans la nuit de mardi à mercredi, quelques débuts de rixes, notamment entre Anglais et Russes, avaient été filmés et relayés sur les réseaux sociaux. Le préfet a pris quatre mesures d’obligation de quitter le territoire français à l’encontre de trois ressortissants russes et d’un ressortissant ukrainien pour des raisons de troubles à l’ordre public.

Alors qu’une grande partie des Russes présents devaient quitter Lille mercredi soir, le centre des préoccupations, jeudi, devait migrer à une quarantaine de kilomètres au sud, du côté de Lens, ville hôte d’Angleterre-Pays de Galles. Mercredi en fin d’après-midi, cinq personnes à bord d’un train transportant des Gallois et des Anglais ont été interpellées en gare d’Hazebrouck (Nord) pour « ivresse publique manifeste ». Comme à Lille, des arrêtés restreignant la consommation et le transport d’alcool sont entrés en vigueur à Lens. Cela suffira-t-il à empêcher de nouveaux débordements ? L’ambiance s’annonce très chaude pour le coup d’envoi du « derby » britannique, à 15 heures.