Plus on est de fous, plus on rit. Le championnat d’Europe 2016 sera l’occasion de vérifier si l’adage vaut aussi pour le football, puisque le tournoi continental dont France-Roumanie va donner le coup d’envoi, vendredi 10 juin au Stade de France, sera le premier à 24 équipes. Soit 8 de plus que depuis 1996 (et 16 qu’entre 1980 et 1992, et même 20 de mieux qu’entre 1960 et 1976…).

Si l’absence des Pays-Bas reste la seule surprise de ce gros tableau final, il est assez logique d’y voir se glisser cinq petits nouveaux : l’Albanie, l’Irlande du Nord, l’Islande, le Pays de Galles et la Slovaquie. Autre conséquence de cet Euro portes ouvertes, l’apparition d’un match de plus, un huitième de finale. Ce qui va forcément amoindrir un peu le suspense lors des matchs de groupes, puisque les deux premiers seront qualifiés, ainsi que les quatre meilleurs troisièmes de chaque groupe. C’est-à-dire 16 équipes. En fait, l’Euro 2016, c’est comme l’Euro 1996, mais en formule de Coupe, à élimination directe. L’écrivain italien Giuseppe Tomasi di Lampedusa avait raison, « il faut que tout change pour que rien ne change ».

Les Bleus à l’entraînement, le 6 juin à Clairefontaine. | FRANCK FIFE / AFP

Groupe A - Les Bleus en terrain connu

En décembre, lors du tirage au sort des groupes de cet Euro, Didier Deschamps avait encore de la chance. Opposée à la Suisse, la Roumanie et l’Albanie, l’équipe de France ne peut même pas faire semblant, elle est favorite de son groupe et tout autre résultat qu’une première place serait une déconvenue annonçant une déconfiture.

Après une série de duels serrés contre les Helvètes (trois matchs nuls lors des qualifications pour le Mondial 2006, puis lors du tournoi final), les Bleus restent sur un joli 5-2 lors du premier tour de la Coupe du monde 2014. Privée de son avant-centre Josep Drmic, blessé, la Nati visera la deuxième place, le sélectionneur Vladimir Petkovic comptant sur quelques jeunes potentiellement turbulents, comme Xherdan Shaqiri, Granit Xhaka ou Haris Seferovic.

La Roumanie, qui ouvrira le bal contre la France, a une bonne tête de trouble-fête. Avec sa défense de fer – 2 buts encaissés en 10 matchs lors des éliminatoires –, la sélection du vétéran Anghel Iordanescu s’appuie sur le défenseur central de Naples Vlad Chiriches et sur les éclairs de son jeune meneur de jeu Nicolae Stanciu. Enfin l’Albanie de Lorik Cana arrive sans certitudes, mais en rêvant de rééditer son exploit contre la France, avec sa victoire 1-0 il y a un an, lors de la campagne de matchs amicaux des Bleus.

Danny Rose et Dele Alli ont leur sac à dos, en route pour la France. | Reuters / Pool Pic / The FA via Getty Images / REUTERS

Groupe B - Deux anciens et deux bizuths

Voilà un beau groupe, bien équilibré : entre une Angleterre ambitieuse, régénérée par l’arrivée de jeunes talents offensifs comme Alli ou Kane, une Russie retrouvée depuis l’arrivée du sélectionneur Leonid Sloutski, un Pays de Galles porté par Gareth Bale et une Slovaquie victorieuse de l’Espagne en qualifications, la lutte pour les huitièmes s’annonce indécise.

La sélection aux Trois Lions part avec les faveurs des pronostics, grâce notamment à un parcours parfait lors des qualifications : 10 matchs, 10 victoires, 31 buts marqués, 3 encaissés. Difficile de faire mieux pour un groupe jeune, imprévisible de par son manque d’expérience. Wayne Rooney du haut de ses 30 ans fera figure d’ancien au milieu des Harry Kane (22 ans), Marcus Rashford (18 ans), Dele Alli (20 ans) ou autre Ross Barkley (22 ans).

Au contraire des Anglais, qui n’ont pas manqué une phase finale de l’Euro depuis 1980, leurs voisins gallois vont faire leurs premiers pas dans le tournoi. Ils les régleront certainement sur celui de leur star, Gareth Bale, vainqueur de la Ligue des champions avec le Real Madrid. Les Russes misent plutôt sur leur force collective et un état d’esprit retrouvé depuis la nomination du coach Leonid Sloutski. L’entraîneur du CSKA Moscou a remis les siens dans le droit chemin, s’appuyant notamment sur la puissance de l’avant-centre Artem Dzyuba et la technique de son compère Aleksandr Kokorine.

Comme les Gallois, les Slovaques vont découvrir l’Euro. Comme les Gallois, ils vont s’appuyer sur une star, Marek Hamsik, le meneur de jeu de Naples. Et, comme les trois autres équipes de ce groupe B, ils vont viser la qualification pour les huitièmes.

L’attaquant allemand Thomas Müller lors d’un casting pour « Les Brigades du Tigre ». | PATRIK STOLLARZ / AFP

Groupe C - Tous contre les champions du monde

Selon nos pronostics, la qualification en huitièmes de finale devrait se jouer dans ce groupe C entre l’Allemagne, la Pologne, l’Ukraine et l’Irlande du Nord. Autant dire que tout est possible dans cette poule, même si l’on peut également voir les choses autrement, et considérer que les jeux sont déjà faits. Ceci car la Mannschaft est championne du monde en titre, ce qui lui confère légèrement plus de crédit qu’à l’Irlande du Nord, par exemple, qui participe à l’Euro pour la première fois.

Derrière les Allemands, et probablement devant les hommes de Michael O’Neill (mais si, le sélectionneur nord-irlandais), il y aura match entre deux anciens colocataires, la Pologne et l’Ukraine, qui avaient organisé l’Euro 2012 ensemble. Eliminés l’un comme l’autre en phase de groupes il y a 4 ans, il y a cette fois matière à passer un cap pour les Biale Orly (« les Aigles blancs ») et la Sbirna.

Alvaro Morato, le nouveau Fernando Torres ? | LEONHARD FOEGER / REUTERS

Groupe D - Quatre couleurs, rouge

Déchue au niveau mondial, la Roja remet son titre européen en jeu, ce qui est chic de sa part. L’impassible Vicente Del Bosque est toujours aux commandes d’une Espagne forcément redoutable, et qui comptera devant sur quelques nouveaux comme Morata, Aduriz ou Nolito.

Légèrement moins flamboyante, la République tchèque arrive avec de l’expérience, mais aussi la crainte de subir la loi d’une compétition qui lui réussit une fois sur deux, et moins en moins bien : finalistes en 1996, demi-finalistes en 2004, quarts-de-finalistes en 2012. La logique suggère donc une élimination en huitièmes de finale cette année, avant de sortir au premier tour en 2020.

La logique, les Turcs aiment la titiller. En 2008, ils avaient été les grands animateurs d’un tournoi légèrement soporifique, régalant les spectateurs avec leurs buts en dernière minute. Le sélectionneur était alors un certain Fatih Terim, qui guidera à nouveau les siens dans l’Hexagone. Une terre que les Croates avaient foulé avec succès lors du Mondial 1998, terminé à la 3e place. Les hommes d’Ante Cacic, qui disputera à Del Bosque le titre honorifique de plus belle moustache du groupe, pourront compter sur un milieu de haut vol avec la paire « espagnole » Modric (Real Madrid) - Rakitic (FC Barcelone).

Même à l’entraînement, Zlatan Ibrahimovic est différent. | JONATHAN NACKSTRAND / AFP

Groupe E - Chocs en stock

Serait-ce lui, le fameux « groupe de la mort » ? Avec un prétendant à la victoire finale (la Belgique), un vice-champion en titre (l’Italie), une méga star et sa sélection (la Suède et son Zlatan), et des diables verts (l’Eire), il y aura forcément du spectacle dans cette poule E comme « excitante ».

Depuis leur finale de 1980, les Belges rêvent de sommets que leur sélection actuelle est enfin en mesure de leur offrir. L’équipe managée par Marc Wilmots regorge de talents offensifs – Hazard, De Bruyne, Mertens, Ferreira Carrasco… – mais a perdu sur blessure deux piliers de sa défense, Kompany et Lombaerts. Au rayon blessure, la Squadra Azzurra fait match nul, après avoir perdu Marco Verratti et Claudio Marchisio. Antonio Conte la jouera donc à l’italienne, en s’appuyant sur l’arrière-garde de la Juventus et en espérant un miracle devant, sans Mario Balotelli, épatant en 2012, beaucoup moins depuis.

« Ibra est venu et il a pris le pouvoir en France », a expliqué doctement le Suédois dans son interview au Monde. Ses adversaires sont prévenus, Zlatan Ibrahimovic revient dans l’Hexagone avant de le quitter pour de bon cet été. On attend avec impatience de voir son duel contre les défenseurs irlandais, pas le genre à se laisser impressionner, surtout quand sur le banc se démène Roy Keane, qui sera l’entraîneur adjoint de Martin O’Neill.

Cristiano Ronaldo enlève son maillot, le 28 mai à Milan. | Stefano Rellandini / REUTERS

Groupe F - Ronaldo et les autres

Il s’entraîne déjà à bander les mucles pour célébrer ses buts ou poser pour la photo des vainqueurs dans le vestiaire, en slip de préférence. Cristiano Ronaldo sera l’attraction de ce groupe F qui promet des affiches improbables, par exemple lors de la première journée, le 14 juin, avec Autriche-Hongrie et Portugal-Islande.

La Selecçao das Quinas semble armée pour éviter une déconvenue, mais les surprenants Autrichiens, premiers de leur groupe de qualification, les intraitables Islandais, avec leur vétéran Eidur Gudjonhsen (37 ans), et les imprévisibles Hongrois, qui ont battu la Norvège en barrages, auront tous une carte à jouer. Reste à savoir laquelle.