Jubilation galloise après le but du 2-1, samedi 11 juin à Bordeaux, contre la Slovaquie. | Albert Gea / REUTERS

Les Gallois n’ont pas manqué leur entrée dans l’Euro 2016 en s’imposant 2-1 face à la Slovaquie, samedi 11 juin à Bordeaux, pour le premier match du groupe B, qui sera suivi d’un explosif Angleterre-Russie dans la soirée à Marseille. Ils l’ont emporté dans la douleur grâce à un but inscrit par leur attaquant remplaçant Hal Robson-Kanu, à moins de dix minutes du coup de sifflet final. But inscrit dans une clameur indescriptible.

Dans l’après-midi, les Bordelais avaient assisté à une scène insolite dans leurs rues, pourtant habituées à la présence de l’Anglois depuis le Prince noir. Si rencontrer des supporteurs gallois en vadrouille est habituel pour les amateurs de rugby, familiers du XV du Poireau lors du Tournoi des six nations ou de la Coupe du monde, cela relève de l’anomalie pour une compétition internationale de football. La précédente et unique apparition des Dragons en phase finale remontait en effet à… 1958 et à des souvenirs en noir et blanc. Ils n’avaient pas démérité puisqu’ils atteignirent les quarts de finale en ne concédant qu’un but au Brésil, marqué par Pelé. Cette interminable traversée du désert aura à jamais privé de grand tournoi des stars comme Ian Rush, Ryan Giggs ou Gary Speed, qui dirigea la sélection jusqu’à son suicide en 2011. Leur héritier, Gareth Bale, n’a pas voulu les imiter.

Cette résurrection si tardive explique la gaieté de leurs fans. Comprimés comme des sardines, ils chantent pourtant à poitrine déployée dans le tram ralliant le nouveau stade dans le quartier du Lac, une enceinte nouveau riche et sans âme qui fait regretter les colonnades art déco de l’ancien Chaban-Delmas. Le peuple rouge a apporté ses dragons, qui donnent à leur parade un air de nouvel an chinois, certains se sont grimés en beaux diables. Les étendards frappés du Y Ddraig Goch, auquel ont été ajoutées les villes des visiteurs, sont pavoisés au bas de la tribune haute : ceux de Cardiff, ceux de Swansea, ceux de Bridgend… Énorme frisson partagé quand retentit un Hen Wlad Fy Nhada, à pleins poumons et juste, ce qui ne surprend pas quand on connaît la tradition des chorales dans ce pays.

Fougue brouillonne

Dans la tribune opposée, les Slovaques, minoritaires, sont impassibles, cohabitant paisiblement avec quelques Gallois, alors que des supporteurs anglais et russes se sont battus dans l’après-midi à Marseille. Si la nation slave dispute son premier Euro depuis la partition de la Tchécoslovaquie en 1992, elle a déjà pris part à une Coupe du monde, en 2010 en Afrique du sud, marquée par une victoire contre l’Italie qui lui permit d’atteindre les huitièmes de finale. Ce que l’on sait moins, c’est que les Slovaques peuvent être considérés comme membres du club des vainqueurs du trophée européen. L’équipe tchécoslovaque qui remporta le titre en 1976 était en effet constituée en très grande majorité de joueurs du Slovan Bratislava.

Au regard de l’histoire, l’affiche paraît inégale. La rencontre est en tout cas déjà décisive pour ces deux petites nations (5,5 millions d’habitants pour la Slovaquie, 3 millions pour Galles) vouées à affronter par la suite leurs ennemis intimes respectifs, la Russie et l’Angleterre. Ce qui explique que l’attentisme n’est pas de mise. L’enthousiasme gallois manque d’être douché dès la 3e minute, quand Marek Hamsik, la star slovaque, passe en revue la défense rouge. Le capitaine de Naples trompe facilement le gardien Danny Ward et n’échoue que grâce à un sauvetage providentiel du défenseur Ben Davies.

On pense alors que les Dragons vont payer leur manque d’expérience face à des adversaires qui comptent nombre de trentenaires, et dont le métier est symbolisé par le crâne chauve du capitaine Martin Skrtel. À cela, les hommes de Chris Coleman opposent une fougue brouillonne. Un bon coup franc à la 10e minute permet enfin à Bale de faire-valoir sa réputation. Jambes écartées façon Cristiano Ronaldo, le Madrilène ne s’en prive pas. Son tir surprend Matus Kozacik, aussi mal placé que son mur, dans un brouhaha d’enceinte britannique. Le duel Bale-Hamsik, chignon de samouraï contre crête de coq, était attendu. Le Gallois prend l’ascendant, alors qu’il a été beaucoup moins entreprenant.

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Les Slovaques doivent désormais passer à l’offensive, secteur pour lequel ils sont le moins bien armés, seul Hamsik semblant capable de faire la différence. Il faut attendre la 20e minute pour que Vladimir Weiss soit en position de cadrer et son tir s’envole dans la tribune rouge, ravie. Tout aussi maladroit s’avère Juraj Kucka – qui arbore également une tonsure d’iguane – sur coup franc.

Les supporteurs slovaques se décident enfin à donner du tambour, mais c’est la tribune galloise qui s’enflamme en réclamant un penalty pour une intervention litigieuse de Skrtel sur Aaron Ramsey dans la surface de réparation. Dans les moments qui suivent, toute erreur technique slovaque sera saluée par des bravos. Skrtel, bien connu des Gallois pour évoluer à Liverpool depuis 2008, est pris pour cible, chacune de ses interventions s’effectuant sous sifflets. A l’inverse, même un contrôle gallois raté est applaudi.

Grand cru bordelais

On a davantage l’impression d’assister à un match d’éliminatoires que de phase finale, la formule à 24 équipes ne contribuant pas à hausser le niveau de la compétition. Les Slovaques manquent de tranchant, alors que s’aventurer dans la défense galloise ne parait pourtant pas bien sorcier. En pointe, Bale ne fait pas des étincelles. Son coup franc est le seul fait à mettre à son actif. Un frisson parcourt les Gallois quand Hamsik manque de trouver la tête de Skrtel sur une erreur de remontée de la défense. Mais à la mi-temps, les Slovaques n’ont pas cadré le moindre tir.

Le premier sera le bon, dix minutes après la reprise. Robert Mak effectue une superbe remontée dans le couloir droit sans rencontrer d’opposition sérieuse pour servir idéalement Ondrej Duda, entré en jeu, dont la reprise du gauche ne laisse aucune chance à Ward. Les Slovaques se font enfin entendre face à des rouges interdits et muets. D’autant que leurs protégés sont désormais à la manœuvre, près de prendre l’avantage sur une frappe lointaine mais vicieuse de Kucka. C’est au tour des Gallois d’avoir leur chance lorsque Ramsey, impeccablement servi par Robson-Kanu, redresse trop sa tête.

La fin de match devient folle, débridée, incertaine, grâce aux largesses dispensées par les deux défenses. Ce sont finalement les Gallois qui s’imposent sur une action un peu foutraque, percée de Ramsey proche de perdre l’équilibre, qui peut toutefois servir Robson-Kanu. Son tir en pivot au ralenti surprend Kozacik. Les Slovaques sont proches de l’égalisation quand une tête d’Adam Nemec trouve le poteau, et les Gallois du KO quand Bale gâche un contre. Les chants reprennent de plus belle à la sortie du stade. Dans le tram, des supporteurs gallois avaient juré qu’en cas de victoire, ils troqueraient leur bière cheap pour un grand cru bordelais.