Dimanche 19 juin, au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq (Nord), avant le match contre la Suisse (0-0). | FRANCK FIFE/AFP

A quoi sait-on que Didier Deschamps est agacé ? Il lève les yeux au ciel, soupire et esquisse son petit sourire narquois. Dimanche soir, dans l’auditorium du stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq (Nord), le sélectionneur des Bleus goûte modérément les remarques déplaisantes qui lui sont faites après le match nul (0-0) concédé face à la Suisse. « Les critiques… Ça, il peut y en avoir, fait mine de concéder le sélectionneur des Bleus devant un parterre de journalistes amusés. Les joueurs savent qu’ils peuvent s’améliorer sur pas mal de points… »

Malgré les occasions en pagaille ratées par son équipe contre la Nati, Didier Deschamps ne souhaite retenir que « cette première place du groupe (A) », préservée au terme d’une rencontre disputée sur une pelouse ravagée. Mauvais appuis, glissades en série, passes mal ajustées : l’état du gazon – abîmé par les averses et semblable par endroits à une patinoire – n’a certes pas aidé les Français. Mais l’essentiel est là, répètent à l’unisson les Bleus et leur chef de file : grâce aux succès obtenus à l’arraché contre la Roumanie (2-1) et l’Albanie (2-0), l’équipe de France termine la phase de poules devant la sélection helvétique.

Au coup de sifflet final, les Bleus prennent leur temps dans le rond central, échangent avec leurs adversaires du soir, tout heureux de passer enfin le premier tour d’un Euro. Auteur de deux frappes sur la transversale du gardien suisse, Paul Pogba part saluer les supporteurs français avec le sentiment du devoir accompli. Sous le feu des critiques après sa prestation décevante lors du match d’ouverture et la polémique suscitée par son bras d’honneur face à l’Albanie, le milieu aux jambes interminables prend son temps avant de regagner les vestiaires et déambule, le sourire retrouvé, sur la pelouse lépreuse.

« Manque de réalisme »

La bande à Pogba a atteint l’objectif que leur sélectionneur leur avait assigné : terminer en tête de leur groupe afin de figurer dans une partie de tableau favorable pour envisager la suite de la compétition. « C’était très important de finir premier, martèle Deschamps, qui avait décidé de titulariser plusieurs remplaçants, comme Yohan Cabaye, André-Pierre Gignac et Moussa Sissoko, contre la Suisse. On vient de jouer trois matchs en neuf jours. Certes, il faut qu’on arrive à davantage se lâcher sur le terrain mais, ce soir, on savait qu’on n’était pas obligé de pousser outre mesure. »

Entre deux considérations tactiques, il a pointé le « manque de réalisme » de ses attaquants, regrettant sans doute que la reprise de volée de Dimitri Payet ait également percuté la barre du portier suisse. S’il a salué la performance de ses défenseurs, moins fébriles que d’ordinaire, le patron des Bleus ne s’est pas attardé à faire un bilan de cette première phase.

La France devra attendre le 22 juin et la fin du premier tour pour connaître son adversaire

Car le technicien aux cheveux argentés a déjà entouré en rouge le prochain rendez-vous de ses joueurs : le huitième de finale, dimanche 26 juin, à Lyon. Il le sait et le dit : « Une nouvelle compétition commence. » Le champion du monde 1998, qui bénéficiera d’une semaine pour préparer l’échéance, devra attendre le 22 juin et la fin du premier tour pour connaître son adversaire. En vertu de leur statut de leader du groupe A, les Bleus sont censés affronter l’un des quatre meilleurs troisièmes.

Selon le tableau fourni par l’Union des associations européennes de football (UEFA) dans son règlement du tournoi, les Tricolores auraient davantage de chance d’hériter du troisième du groupe C (actuellement l’Irlande du Nord), que de ceux de la poule D (République tchèque) ou de la poule E (Suède). Pas vraiment désireux d’attraper la migraine en se lançant dans des calculs savants, Didier Deschamps ne cache pas son irritation, évoquant implicitement le nouveau format de la compétition, élargie de seize à vingt-quatre équipes, et son règlement abscons. Avant l’Euro 2016, les équipes qualifiées à l’issue du premier tour attaquaient directement les quarts de finale.

Une nouvelle compétition

Pour préparer ce huitième à l’adversaire inconnu, les Bleus ont rapidement quitté le stade Pierre-Mauroy pour rallier Clairefontaine, leur quartier général dans les Yvelines. Peu de joueurs se sont arrêtés en zone mixte, l’espace dévolu aux courts échanges avec les journalistes au terme des rencontres. « Maintenant, on est en huitièmes de finale et on sait que ça va commencer à se corser », a reconnu le défenseur Adil Rami, heureux de revenir à Lille, où il a entamé sa carrière professionnelle en 2006.

Derrière les grilles de leur camp retranché de Clairefontaine, les Bleus vont devoir s’armer de patience entre deux séances d’entraînements. « Une semaine sans jouer, cela va être très long, reconnaît Adil Rami. On a vraiment envie de jouer les matchs rapidement, d’aller au bout du tournoi rapidement. Mais on sait qu’il faut procéder par étapes. » « Il va falloir profiter de cette semaine pour avoir davantage d’automatismes », juge Yohan Cabaye, également ancien lillois.

Sortis indemnes du premier tour sans avoir convaincu, les Bleus vont devoir s’habituer à ces longues parenthèses en huis clos

Au terme de cette phase de poules, c’est une nouvelle compétition qui s’ouvre pour les Bleus. Sur le plan psychologique, d’abord. Sortis indemnes du premier tour sans avoir convaincu, les hommes de Didier Deschamps vont devoir s’habituer à ces longues parenthèses en huis clos, certes propices à la récupération. Car s’ils se qualifiaient pour les quarts de finale, les Tricolores devraient de nouveau attendre une semaine avant de rejouer, dimanche 3 juillet, au Stade de France.

Le sélectionneur des Bleus, lui, prend soin de ne pas s’appesantir sur la prochaine échéance et se concentre sur les critiques. « A part l’Espagne, c’est compliqué pour tout le monde », rétorque Didier Deschamps, avant de donner rendez-vous : « A dimanche ! »