Didier Deschamps en conférence de presse, le 25 mai. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

Et si sa légendaire baraka lui faisait soudainement défaut ? Devant un parterre de journalistes, Didier Deschamps est monté au front pour tenter de dissiper les doutes, mercredi 25 mai, à Clairefontaine, quartier général des Bleus. Quelques heures après avoir officialisé le forfait pour l’Euro 2016 de son défenseur Raphaël Varane, victime d’une déchirure du bicepts fémoral gauche, le sélectionneur de l’équipe de France a piqué au vif son auditoire, un brin inquiet.

« On ne doit pas revoir nos ambitions à la baisse, mais faire tout pour aller le plus loin possible » a assuré le patron des Tricolores à deux semaines de leur entrée en lice dans la compétition, le 10 juin, face à la Roumanie. Alors que son objectif minimal est d’atteindre le dernier carré du tournoi, le technicien a déploré l’absence à l’Euro de Raphaël Varane, son vice-capitaine, « le joueur qui a le plus joué depuis la Coupe du monde (au Brésil) ». « C’est un coup dur. Je ne suis pas inquiet mais c’est embêtant, a insisté la « Dèche ». Les joueurs qui sont là, j’ai confiance en eux. »

Afin de parer à toutes les éventualités, le capitaine des champions du monde 1998 avait convoqué, la veille, le défenseur central Adil Rami, 30 ans, récent vainqueur de la Ligue Europa avec le FC Séville. Snobé par Deschamps depuis juin 2013, l’ex-arrière lillois (26 sélections) a finalement été inclus dans la liste des 23 qui disputeront l’Euro. « J’ai l’impression qu’il insinue que je ne suis pas un bon garçon et que je suis un voyou. Si on parle football, je ne vois pas pourquoi je ne suis pas à l’Euro », déclarait-il au micro de RMC, il y a encore quelques jours, à propos du sélectionneur. Lui qui a confié ses intérêts à l’agent Jean-Pierre Bernès, l’impresario de… « DD ». « On a eu une explication », a souri le patron des Tricolores.

Litanie d’infortunes

Le spectaculaire retour de Rami sous le maillot bleu illustre les déboires en cascade de Deschamps, éternel « gagneur », d’ordinaire affublé d’une réputation de veinard. « C’est une situation extrême et compliquée », a-t-il concédé alors que ses protégés disputeront leurs deux derniers matchs amicaux contre le Cameroun, lundi 30 mai à Nantes, et l’Ecosse, samedi 4 juin à Metz.

Le forfait de Raphaël Varane, remplaçant avec le Real Varane mais titulaire indiscutable avec les Tricolores, s’ajoute à une litanie d’infortunes qui polluent la préparation de la sélection. Le 13 avril, à contrecœur, Deschamps le pragmatique a annoncé qu’il ne retiendrait pas son buteur Karim Benzema, mis en examen, en novembre 2015, dans l’affaire du chantage à la sextape, dont son coéquipier Mathieu Valbuena est la victime. Prise en concertation avec le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, cette décision privait déjà les Tricolores de leur arme offensive numéro 1.

Fragiles sur le plan défensif lors de leurs derniers matchs préparatoires contre la Russie et les Pays-Bas, les Bleus devront également se passer des services de l’arrière de liverpool Mamadou Sakho, contrôlé positif à « un brûleur de graisses », en mars, et suspendu à titre conservatoire jusqu’au 28 mai par l’UEFA.

Contraint d’écarter le défenseur des Reds de sa liste des 23, Deschamps a également dû rayer les noms de Kurt Zouma, touché en février au genou, de Benoît Trémoulinas, blessé au ménisque, et de Mathieu Debuchy, atteint à la cuisse le 11 mai. L’arrière-garde des Bleus paraît exsangue alors que le Barcelonais Jérémy Mathieu, victime d’une rupture du ménisque interne en mars, ressent une gêne au mollet. Convoqué pour l’Euro, le joueur de 32 ans doit se ménager pour une durée comprise entre sept et dix jours et ratera ainsi une partie de la préparation des Bleus. A 35 ans, le vétéran Patrice Evra (71 sélections depuis 2004) est ainsi le seul rescapé de la défense qui avait débuté le Mondial 2014.

Doté d’un imposant réservoir d’attaquants (Kingsley Coman, Anthony Martial, Antoine Griezmann, Olivier Giroud entre autres), « la Dèche » a également dû se passer des services du Lyonnais Nabil Fékir, qui n’a pas retrouvé son éclat de la saison dernière suite à sa grave blessure contractée, le 4 septembre, lors de la victoire (1-0) des Bleus au Portugal. A titre de comparaison, la préparation du Mondial 2014 s’apparentait à un long fleuve tranquille. Et ce en dépit du forfait de Franck Ribéry et de la passe d’armes avec le staff médical des Bleus qui en avait découlé.

Les affaires

Outre les blessures et les forfaits, Didier Deschamps a vu son nom cité dans les affaires autour de l’Olympique de Marseille. Fin avril, le Journal du ­dimanche a révélé que le sélectionneur était sous la menace d’une expertise judiciaire dans le cadre de l’enquête autour des transferts de l’OM, dont le quadragénaire fut coach de 2009 à 2012. Le juge chargé du dossier s’intéresse à l’indemnité de départ (900 000 euros) qui lui a été versée, soupçonnant un éventuel recel d’abus de biens sociaux. Lié jusqu’en 2013 avec le club phocéen, le technicien aurait donc dû, selon l’hebdomadaire, en cas de départ de son fait, verser des indemnités à son employeur au titre de réparation du préjudice subi.

Selon le JDD, Antoine Veyrat, ancien directeur général de l’OM (2008-2011), a transmis à la justice « deux paperboards de la main de Didier Deschamps ». Mis en examen comme son ancien président Jean-Claude Dassier (2009-2011), il entend démontrer que l’actuel patron des Bleus était au courant des sommes et montants des transferts concernés. « J’affirme que je ne me suis jamais occupé d’une négociation de transfert ni d’un montant de salaire de joueur ! C’était le travail des dirigeants », a rétorqué l’ex-entraîneur olympien au JDD.

Par ailleurs, L’Equipe et Le Canard enchaîné ont publié des extraits d’écoutes téléphoniques réalisées lors du passage de « DD » dans la cité phocéenne. « C’est une enculerie, j’ai envoyé un scud à Vincent, je t’explique pas ! Il a pas réagi, mais il joue au fils de pute, hein ! Je te le dis, c’est lui qui a fait l’article hein ! (…) Pour sauver sa petite tronche, il me fout sur la gueule », a notamment déclaré le Bayonnais à propos de Vincent Labrune, président de l’OM depuis 2011.

« Je préfère resserrer le groupe »

Se muant en paratonnerre, Deschamps a par ailleurs tenté de rasséréner ses joueurs lors de sa conférence de presse. « Il faut rester compétitif. L’ambition on doit la garder, à partir du moment où on est là. Il ne faut pas faire profil bas et commencer la compétition en se trouvant des excuses », a-t-il clamé.

Le technicien aux cheveux argentés a indiqué que ses huit réservistes quitteront le groupe, le 31 mai, avant le séjour des Bleus à Innsbruck (Autriche). « On sera à onze jours de la compétition, a-t-il observé. Il n’y aura plus beaucoup de temps et je préfère resserrer le groupe par rapport à l’échéance qui est la nôtre. Travailler avec 30 joueurs ce n’est pas facile et je veux que le groupe soit à partir de dimanche dans un mode compétition. » La tension, déjà élevée, montera alors d’un cran.