L’Islande a bien cru que pour son second match dans un Euro, elle allait signer une victoire historique. Un but contre son camp du défenseur Saevarsson à la 88e minute a fini par briser son rêve face à une Hongrie qui a poussé jusqu’au bout pour arracher une égalisation méritée. Les deux équipes restent en course dans le groupe F après deux matches disputés et avant Portugal-Autriche, mais l’Islande va pouvoir regretter d’avoir passé toute la seconde mi-temps recroquevillée sur son but.

Islande – Hongrie au stade Vélodrome… À l’heure du tirage au sort, les moqueries – une tradition locale - avaient accompagné la perspective d’une fréquentation maigrelette. Un match inédit dans un tournoi final, entre une équipe disputant son premier Euro de l’histoire et une revenante, absente des compétitions européennes depuis 1972… On voyait d’ici le fiasco. Mauvais esprit. Les 64 000 places de l’enceinte marseillaise sont bien remplies à l’heure du coup d’envoi. Et les Hongrois y sont très largement majoritaires. Toute la journée, en voiture, en bus, en train, ils ont déboulé à Marseille. Un débarquement qui a surpris, surtout quand les fans magyars, réunis sur le Vieux-Port, ont entamé une « fan walk » en empruntant le parcours habituel des manifestations sociales.

Une impressionnante colonie hongroise

Un cortège de plusieurs milliers de personnes, encadré par des groupes d’ultras en tee-shirts noirs, qui a fait frémir par son organisation. Cette foule est venue remplir, comme un seul homme, le virage sud du Vélodrome, de bas en haut. Face à ce mur rouge et noir, que les joueurs hongrois viennent saluer avant la rencontre, les CRS prennent d’ailleurs immédiatement place, formant un cordon préventif. Un cordon qui restera en place jusqu’à la fin du match marqué par le tir de nombreux fumigènes. Les fans islandais, eux, tachent de leur bleu profond les autres parties du stade. Beaucoup se sont déplacés en famille, faisant la joie des Marseillais, ravis de croiser ce public pacifique dans ses rues.

Les deux équipes surprises de la première journée de ce groupe F se retrouvent à Marseille pour tenter de confirmer leur statut d’outsiders derrière le Portugal, favori en sursis après son mauvais départ contre l’Islande (1-1). Forts de ce résultat arraché au dynamisme, le duo de sélectionneurs Lagerbäck-Hallgrimsson aligne le même onze de départ qu’il y a cinq jours. En attaque, le Nantais Sigthorsson et le joueur de Kaiserslautern, en Bundesliga, Bödvarsson, doivent peser sur la défense hongroise. Après sa victoire contre une Autriche réduite à dix (2-0), la Hongrie, elle, a passé une chouette semaine. Bernd Storck, son sélectionneur germanique, se contente de faire glisser Adam Lang à droite pour remplacer Attila Fiola dont la cheville est fragilisée. Roland Juhasz, son coéquipier de Videoton, en profite pour découvrir l’Euro au poste de stoppeur.

Les premières minutes se jouent au milieu de terrain. Furieuse bataille dans laquelle la crinière blonde de Birkir Bjarnason, le Bâlois, surnage. Le 4-4-2 d’école des Islandais étouffe la Hongrie. Et sur le premier corner obtenu par les Scandinaves, Gabor Kiraly, le gardien magyar, doyen de l’épreuve, fait soudain ses 40 ans. Dans son bas de survêtement sans forme, il se troue complètement et a la chance de voir la balle filer en touche. L’alerte n’est pas passée. Comme face au Portugal, l’Islande a la particularité rare de se servir des remises en jeu comme d’armes offensives. La Hongrie n’a pas dû travailler la vidéo car elle laisse le ballon catapulté par le capitaine Gunnarsson rentrer dans son espace aérien. Déviée, elle parvient jusqu’à Bodvarsson, dont la reprise de la tête frôle la transversale hongroise (8e).

Au jeu direct et tonique des Islandais, la Hongrie répond par un football plus posé, mais totalement inefficace. Sa première véritable occasion arrive au quart d’heure de jeu. La reprise de la tête de Priskin chatouille la barre des buts d’Halldorsson, sur un coup-franc de Zoltan Gera. Trois minutes plus tard, Ragnar Sigurdsson dégage sous la pression du même Priskin… Mais la Hongrie bafouille, à l’image de son capitaine Balazs Dzsudzsak, qui, après avoir balayé toute la largeur de la défense islandaise, ne trouve aucune solution en profondeur (30e).

Si le grand Ragnar Sigurdsson sauve encore son camp devant Dzsudzak (33e), on sent bien que la fougue islandaise use l’adversaire. Le joueur de Charlon Athletic, Johann Gudmundsson, se crée tout seul la meilleure occasion de la première mi-temps. Son coup d’épaule envoie valdinguer Kadar mais il frappe sur Kiraly. Une combinaison entre Bodvarsson et Sigthorsson, les deux déménageurs de devant, s’avère plus tranchante. Le tir du Nantais est détourné en corner par Guzmics, ce qui provoque une colère monumentale de papy Kiraly contre son défenseur… Est-ce une prémonition ? Ou le souvenir de sa sortie ratée du début de match ? Toujours est-il que le gardien hongrois va encore faire son âge. Il relâche le ballon frappé par Sigurdsson, patauge dans sa surface et finit par bousculer Bodvarsson. L’arbitre russe Sergi Karasev prend son temps mais désigne le point de penalty. L’Islande ne gâche pas l’occasion de faire bondir son public, extatique jusqu’en tribune de presse. Gylfi Sigurdsson prend Kiraly à contre-pied (1-0) (40e). Dans le virage hongrois, la joie islandaise excite les plus virulents, massés au bas de la tribune. Un fumigène atterrit sur le terrain. Les stadiers interviennent. La mi-temps arrive au bon moment pour faire retomber la pression.

Un nul fêté comme une victoire par les Hongrois

Au retour des vestiaires, la Hongrie retrouve un peu de son sang-froid et on découvre que son milieu de terrain n’est pas maladroit. Kleinheisler, qui évolue à Brême en Allemagne, prend les manettes du jeu. Gera et Nagy, les deux coéquipiers du Ferencvaros, mythique club de Budapest, réveillent les fantômes du jeu hongrois. Sur un coup-franc qu’il a lui-même obtenu, Kleinheisler tire à côté (48e) après une fine combinaison à trois. Puis un débordement de Kadar incendie la défense islandaise (56e) avant que Dzsudzsak, sur un coup-franc des 35 mètres oblige Halldarsson à relâcher, sans dégâts, le ballon. Le jeu ressemble à une attaque contre défense, mais la défense pique encore. Bodvarsson sur un ballon cafouillé tente un audacieux retourné acrobatique (55e). Puis, sur un contre, Sigthorsson, totalement seul, loupe le cadre de la tête (60e). Un raté qui n’empêchera pas le Nantais d’être élu homme du match.

Jusqu’à quand l’Islande tiendra-t-elle ? Le Hongrois Daniel Böde, qui vient de rentrer à la place de Priskin, hérite d’un excellent ballon de Kleinheisler, se retourne et frappe dans les gants d’Halldorsson (71e). Les cartons tombent sur les insulaires comme l’orage avant la rencontre. Finnbogason sèche Dzsudzsak (75e). Saevarsson l’imite (77e). Face à ses supporters, la Hongrie se rue à l’attaque et l’Islande ne cherche plus vraiment à tuer le match. La rentrée d’Eidur Gudjohnsen, 37 ans, le premier Islandais à s’être fait un nom dans le football international – à Chelsea notamment – brouille un peu les cartes et permet à l’Islande de respirer quelques instants (82e).

Le rêve est au bout de leurs pieds mais à force de reculer, la sanction tombe sur les Islandais. Frais sorti du banc, Nemanja Nikolic s’enfonce comme une lame sur leur flanc droit, expédie un centre tendu que Saevarsson, à bout de fatigue, envoie dans ses propres buts (1-1, 88e). Le rêve est passé. Une faute de Lang sur Finnbogason de l’autre côté du terrain manque de le ressusciter… Mais l’arbitre refuse de siffler son second penalty et Sigurdson et Gudjohnsen gâchent le coup-franc. La Hongrie fête son match nul comme une victoire dans un Vélodrome en fusion. L’Islande a, au moins, gagné le respect de ses adversaires.