Eder célèbre son but contre la Suède qui envoie l’Italie en huitième de finale de l’Euro. | Antonio Calanni / AP

Au terme d’un match insipide, l’Italie a battu la Suède in extremis, vendredi 17 juin à Toulouse, grâce à un but d’Eder à deux minutes de la fin du temps réglementaire. But qu’un observateur extérieur ne pouvait espérer vu la pauvreté des débats. Ce coup de poignard confirme la solidité et le réalisme des Italiens en plongeant la Suède dans la détresse. A moins d’un exploit contre la Belgique, le 22 juin à Nice, elle quittera la compétition dès la fin du premier tour, ses adversaires ayant leur qualification bien en poche avec deux victoires.

Après avoir été or et rouge lors du passage de l’Espagne, la place du Capitole de la ville rose était noire de jaune citron. Un banquet d’Odin s’est déployé avec ses faux vikings coiffés de casques à corne. Leurs hurlements gutturaux (« Heja Sverige ! ») sont effrayants mais les compatriotes du fabricant d’armes Alfred Nobel sont doux et pacifistes.

Ceux-là se sont d’ailleurs converti à un curieux monothéisme. Ils vouent un culte à une divinité unique, comme en atteste un t-shirt barré d’une croix (à l’endroit) et surmonté de cette profession de foi : « zlatanist » – et non « satanist ». Z comme Zarathoustra. Pour vaincre l’Italie, les Suédois s’en remettent entièrement au surhomme Ibrahimovic. « Tu ne nous fais pas peur », a titré à sa « une » la Gazzetta dello Sport, en réponse.

Commedia dell’arte

L’adversaire brille plutôt par sa discrétion. Mis en confiance par la leçon de réalisme (2-0) administrée aux Belges, pourtant favoris du groupe E, le 13  juin à Lyon, les tifosi considéreraient-ils cette deuxième sortie comme une formalité ? En fait, ils ont débarqué au Stadium de Toulouse au dernier moment, un bel effet de surprise de commedia dell’arte. Quelques uns, pour faire concurrence aux casques suédois, ont revêtu des couvre-chefs de légion romaine. Plus originaux sont les deux larrons accoutrés en Super Mario et son copain Luigi.

La victoire contre les Belges conjuguée à l’égalité ce même jour (1-1) entre Suédois et Irlandais au Stade de France de Saint-Denis, met les azzurri dans leur configuration préférée au coup d’envoi, en laissant l’initiative aux opposants.

Ibrahimovic, qui dispute son quatrième Euro et a passé sept saisons dans le Calcio (Juventus Turin, puis les deux clubs milanais, l’Inter et l’AC), est attendu de pied ferme. Lors de son premier tournoi européen, âgé de 22 ans et encore attaché à l’Ajax Amsterdam, il avait égalisé à Porto à la 85e minute contre les Italiens d’une invraisemblable aile de pigeon de karatéka, sur un corner tiré par Kim Källström. Le gardien Gianluigi Buffon ne savait plus où était le ballon. « Je n’ai pas un très bon souvenir de ce but », a commenté le joueur de la Juve en conférence de presse, mais il a ajouté avoir « apprécié le geste technique avec le temps, parce qu’il est très beau ». L’Italie avait ensuite été éliminée dès le premier tour par la faute d’un match nul controversé (2-2) entre le Danemark et la Suède. Et elle n’a pas oublié.

La vie en rose

Ibrahimovic, Källström, Buffon, les trois hommes sont sur la pelouse du Stadium douze ans plus tard et cela promet. Premier frisson dès la 2e minute sur un centre de Källström mais « Ibra » ne peut prendre le dessus sur Chiellini. Les Suédois mènent les débats – ont-ils le choix ? – encouragés par leurs chauds supporteurs venus du froids qui chantent en alternant Seven Nation Army et Go West. C’est décevant et peu imaginatif alors que ce peuple pourrait détourner un best of d’Abba.

Le feu de leurs joueurs est de paille, les Italiens ralentissant le rythme du ballon. Il ne se passe plus grand chose dans le premier quart d’heure jusqu’à ce qu’Ibrahimovic au contact avec Andrea Barzagli dans la surface italienne réclame un pénalty. Bien arbitré : c’est le géant suédois qui avait commis une faute. Les Scandinaves ratissent, pressent haut, mais ne trouvent pas de solution devant le trident défensif de la Juve Chiellini-Bonucci-Barzagli.

Un tir du gauche de Källström, bien servi par Ibrahimovic, puis une montée du latéral gauche Martin Olsson couronnée par un missile au-dessus de la barre de Buffon, entretiennent un vague espoir. La tribune jaune s’anime surtout quand une vilaine semelle de Daniele de Rossi vient taquiner l’idole. Après quoi, les joueurs d’Erik Hamren tournent autour de la défense italienne, cherchent en vain la faille, et finissent par reculer.

Ibrahimovic n’a rien pu faire contre les Italiens. | JONATHAN NACKSTRAND / AFP

Ibrahimovic n’est pas plus convaincant que contre l’Irlande. A son crédit tout de même, une superbe passe longue (41e), suivie d’une remise de la poitrine de Sebastian Larsson pour John Guidetti qui envoie le ballon dans le décor. Côté italien, l’attaquant Graziano Pellè rate le peu qu’il entreprend – des passes à la défense suédoise. Au soleil, les tifosi s’assoupissent, sereins. A la mi-temps, les Blagult ont eu la possession du ballon mais à quoi bon ? Le seul tir cadré vient de l’Italie, en service minimum. La sono du stade diffuse La Vie en rose, version de Grace Jones, ce qui est de circonstance à Toulouse, et tranche avec la pauvreté du match.

Dès la reprise, Pellè a une occasion de but sur une passe impeccable d’Eder mais il confirme sa maladresse, puis cède logiquement sa place à Simone Zaza. Le barbu chauve est tout de suite précis et précieux dans ses remises. Probalement sermonnés par Antonio Conte, les Azzurri se montrent plus pressants côté droit. Les Suédois s’éteignent peu à peu. Ibrahimovic, oublié, est proche néanmoins d’ouvrir le score sur un long centre mais il manque sa reprise et était hors-jeu. A dix minutes de la fin, ce sont les Italiens qui se procurent enfin une occasion chaude, centre d’Emanuele Giaccherini et tête de Marco Parolo sur la barre tranversale.

Un corner pour Källström à la 85e va-t-il se conclure en remake de 2004 ? La tête d’Andreas Grandqvist passe au-dessus de la barre. Trois minutes plus tard, une longue touche de Chiellini côté gauche s’accompagne d’une remise parfaite de la tête de Zaza pour Eder, qui repique au centre pour fusiller Andreas Isaksson. Antonio Candreva a l’occasion de doubler immédiatement la mise mais le gardien suédois a les poings fermes. Les Suédois réclameront un pénalty dans les ultimes secondes du match, mais pour eux il était déjà trop tard. En tribune, la joie a cédé place à des pleurs.

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