Lors du concert au Champs-de-Mars, jeudi 9 juin. | ALAIN JOCARD / AFP

François Hollande, le président, que Zlatan Ibrahimovic peut rendre populaire s’il le veut, a forcément ces images qui trottent dans un coin de sa tête. Jacques Chirac avec son maillot des Bleus floqué « 23 » un soir de finale du Mondial 1998 au Stade de France ; Jacques Chirac, grand sourire, serrant des mains au milieu d’une foule en liesse ; Jacques Chirac sur le perron de l’Elysée, portant le trophée Jules-Rimet à bout de bras entre les demi-dieux Zidane et Jacquet.

François Hollande a rendu visite aux Bleus à leur « QG-forteresse » de Clairefontaine quelques jours avant le coup d’envoi de l’Euro. Il en est reparti avec un joli maillot ­floqué « Hollande 24 » (les sélections de l’édition 2016 comptent un joueur de plus qu’en 1998). Et rêve désormais de pouvoir l’enfiler le soir du 10 juillet.

Au plus bas dans les sondages à moins d’un an de l’élection présidentielle, le chef de l’Etat mise sur l’Euro pour rebondir et scander son nouveau slogan  : « Ça va mieux. » Il sait qu’une victoire de l’équipe de France ­donnerait une bouffée d’oxygène à un pays au bord de l’asphyxie sociale, hanté par le spectre du terrorisme ­depuis les attaques du 13 novembre 2015, et prêt, selon les ­mêmes sondages, à qualifier la présidente du Front national pour le second tour de la présidentielle. Il n’ignore pas que, a contrario, une élimination précoce de la bande à Paul Pogba et Antoine Griezmann ajouterait une louche à la sinistrose et au « déclinisme » ambiants.

Crispations identitaires

Au-delà de la récupération politique dont le climax aura sans doute été la célébration de « la France black, blanc, beur », l’équipe nationale ne s’appartient plus depuis bien longtemps. Elle est aujourd’hui le réceptacle des crispations identitaires qui tétanisent le pays, comme l’a encore rappelé avec fracas la polémique déclenchée par l’attaquant Karim Benzema, qui estimait que Didier Deschamps avait « cédé à la pression d’une partie raciste de la France » en ne le sélectionnant pas pour l’Euro.

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Alors souhaitons que, le 10 juillet, le président de la ­République puisse enfiler son beau maillot n24. Non pas pour doper sa cote de popularité. Non pas par chauvinisme primaire de supporteur. Mais pour booster un peu le moral des Français, qui l’ont dans les chaussettes depuis les attentats de janvier 2015. Pour se retrouver ensemble dans la rue, pas seulement contre la loi El Khomri mais pour fêter un titre, fût-il de football. Un ­petit (ou grand, c’est selon) plaisir à partager, une ferveur collective sans doute sans lendemains qui chantent, mais qu’il ne faut pas bouder pour autant. Tous ceux qui sont nés après le 12 juillet 1998 ont bien le droit, eux aussi, à leur dose de « kif  ».