Parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis), au nord de Paris. Au 25e salon Eurosatory, qui s’est tenu du 13 au 17 juin, les industriels de l’armement s’exposent : 56 pays représentés, plus de 1 500 exposants et une centaine de délégations nationales présents sur plus de 174 000 m2

Sur les stands se côtoient chars et fusils d’assaut, équipements vestimentaires et drones dernier cri. Chaque entreprise redouble d’efforts pour attirer les clients. Sur le stand de l’entreprise israélienne Tar Ideal Concepts, une réplique du drone Predator fait sensation. Des hommes en costumes prennent des selfies avec le géant de métal. A ses pieds, une réserve de produits dérivés à l’effigie de l’entreprise dans laquelle les visiteurs puisent allègrement.

Mais l’événement fait polémique. A l’entrée du Parc des expositions, des militants de l’association Stop Fuelling War (« Arrêtez d’alimenter la guerre ») distribuent des flyers aux visiteurs. Des banderoles déployées devant le panneau « Bienvenue » clament : « Paris c’est l’amour, pas la guerre. Dites non à l’Eurosatory. » Aymeric Elluin, spécialiste Armes et impunité chez Amnesty International, dénonce, lui aussi, l’hypocrisie de ce salon. « On vend des armes dans la capitale du pays des droits de l’homme. Et tout ça paraît normal ! »

Des pays sous embargos présents

Seuls les Etats membres de l’ONU non soumis à embargo ont le droit d’acquérir des armes de guerre. Pourtant, la Russie, soumise à un embargo de l’Union européenne sur les exportations et importations d’armes depuis 2014, à la suite de l’invasion de l’Ukraine, est bien présente sur le salon. Les douze stands russes, conscients et respectueux des différentes interdictions, font leur promotion à coups de prospectus et de vidéos vantant les mérites de leurs chars en action, sur fond de musique de film d’aventures.

Deux autres pays sous embargo tiennent un stand cette année : l’Ukraine, installée à l’opposé des exposants russes, et la Chine, dont l’entreprise Anhua Police propose dans son catalogue des outils de torture interdits d’import-export. Deux firmes biélorusses sont également présentes.

Interdits de vente, les industriels de ces pays sous embargo profitent en fait d’un flou juridique. En effet, les mesures d’embargo de l’UE ne mentionnent pas explicitement la promotion du matériel soumis à interdiction, ce qui permet leur présence à Eurosatory, à condition qu’aucun matériel ne soit exposé. Sur les stands, des miniatures remplacent donc les armements.

Atteintes au droit international humanitaire

Selon le rapport annuel publié par le cabinet d’étude d’IHS Jane’s, les grands pays exportateurs d’armes en 2015 restent les Etats-Unis sur la première marche du podium (22,9 milliards de dollars, soit près de 20 milliards d’euros), suivis par la Russie (7,44 milliards) et l’Allemagne (4,78 milliards), qui bat la France (4,77 milliards) de peu.

Venus en nombre, les industriels français, américains et allemands tiennent à Villepinte le haut de l’affiche. « Les plus gros exportateurs d’armes sont également d’éminents membres de l’ONU, souligne Aymeric Elluin. Ces mêmes pays sont donc aussi responsables d’appliquer la paix dans le monde… »

En extérieur, Nexter ou encore MBDA présentent leurs modèles dernier cri. Les deux entreprises ont été épinglées par Amnesty International. L’association de défense des droits de l’homme soupçonne ces deux groupes de fournir du matériel servant à la coalition militaire sous égide saoudienne engagée au Yémen, où elle dénonce des atteintes au droit international humanitaire.

Plus loin, le groupe français Marck expose sa collection d’uniformes militaires. Pour rappel, l’industriel français est soupçonné d’avoir versé des pots-de-vin en 2005 au directeur de cabinet de la présidence gabonaise, Maixent Accrombessi, afin d’obtenir un contrat de 7 millions d’euros avec le Gabon.

Isolés du monde, professionnels en costume et délégations officielles de militaires en uniforme échangent dans l’ambiance feutrée du salon Eurosatory. Par endroits, des attroupements se forment. Au stand MK Technology, un colosse bodybuildé démontre la solidité d’un gilet pare-balles. En face, une dizaine d’hommes font la queue pour tester une mitraillette sur des bouteilles dans une simulation de jeux vidéos. Ambiance fête foraine, mais interdite aux moins de 16 ans.