Coups de klaxon, sifflets, commentaires à connotation sexuelle, invitations pressantes... Face au « harcèlement de rue », les étudiantes messines se disent « résignées ». | JOSEPH EID/AFP

Les campus nord-américains sont dorénavant parsemés de gros boutons rouges sur lesquels appuyer pour alerter un poste de sécurité lorsqu’une étudiante (plus souvent qu’un étudiant) se sent suivie, harcelée ou redoute simplement de rentrer seule chez elle le soir.

En France, l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler un « harcèlement de rue » à l’égard des jeunes femmes est de plus en plus souvent dénoncée : coups de klaxon, sifflets, commentaires à connotation sexuelle, invitations pressantes, obstructions de passage, voire insultes, gestes déplacés ou obscènes.

Dans le cadre de son master 1 en sociologie à l’université de Lorraine, Pauline Pélissier a mené une enquête sur ce thème auprès des étudiantes de Metz. Son mémoire, intitulé « Contribution à une sociologie des rapports de genre dans l’espace public », a été l’un des quatre travaux universitaires primés, mardi 14 juin, à l’issue du 25e concours de l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) de Paris.

Harcèlement « intégré et banalisé »

Sur les 308 jeunes femmes qui ont répondu à son questionnaire, 87 % disent avoir été victimes de ce qu’elles considèrent comme de « petits harcèlements », en plein jour comme de nuit, souvent aux abords de l’université ou de la gare de Metz. « Il s’agit d’une accumulation et d’une répétition d’actions importunes » perpétrées par des hommes différents « qui épuisent les femmes et génèrent un environnement hostile », commente Pauline Pélissier.

Au-delà de la fréquence d’un phénomène constaté récemment dans d’autres mémoires (celui de Capucine Coustère, de l’Institut d’études politiques de Toulouse, notamment), Pauline Pélissier souligne la « résignation » des personnes interrogées face à un harcèlement « intégré et banalisé ». Elle en appelle au concept d’« intériorisation d’une contrainte objective », développé par Pierre Bourdieu.

Lors des entretiens semi-directifs qu’elle a menés, ses interlocutrices ont décrit les stratégies qu’elles ont adoptées pour « avoir la paix » dans l’espace public : éviter d’attirer l’attention par sa tenue vestimentaire ou son maquillage ; limiter la marche ou s’y résoudre mais en groupe ; mettre des baskets au cas où il faudrait courir ; dormir chez des amis plutôt que de rentrer seule à la nuit tombée ; garder ses clés en main pour se défendre si nécessaire, etc. Mais 1 % seulement des étudiantes interrogées se sont déclarées mobilisées contre ce type de harcèlement.

Actions de sensibilisation

Soucieuse « d’amener les femmes à se réapproprier la rue », Pauline Pélissier travaille actuellement au sein du « pôle tranquillité publique » de la Ville de Metz, qui déploie plusieurs actions de sensibilisation et de prévention liées à la sécurité.

L’OVE a par ailleurs attribué son premier prix à la thèse de doctorat en géographie obtenue à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne par Leïla Frouillou sur les « Mécanismes d’une ségrégation universitaire francilienne » à travers les systèmes Ravel puis Admission post-bac (APB).

Le deuxième prix a été décerné à Papa Oumar Ndiaye pour son mémoire de master 2 en sociologie à l’université de Poitiers, intitulé « Migration et transferts d’argent : quand les jeunes Sénégalais étudiants s’en mêlent… ».

Le troisième prix (ex aequo avec Pauline Pélissier) est allé à Marine Roche pour son mémoire de master 2 en sciences de l’éducation obtenu à l’université de Nantes, sur le thème « Les étudiants, le numérique et la réussite universitaire ».